Devoir de Philosophie

LA BRUYÈRE, Les Caractères, V-12

Publié le 25/02/2011

Extrait du document

J'entends Théodecte de l'antichambre ; il grossit sa voix à mesure qu'il s'approche. Le voilà entré : il rit, il crie, il éclate ; on bouche ses oreilles, c'est un tonnerre. Il n'est pas moins redoutable par les choses qu'il dit que par le ton dont il parle. II ne s'apaise et il ne revient de ce grand fracas que pour bredouiller des vanités (1) et des sottises. Il a si peu d'égard au temps, aux personnes, aux bienséances, que chacun a son fait (2) sans qu'il ait eu intention de le lui donner ; il n'est pas encore assis qu'il a, à son insu, désobligé toute l'assemblée. A-t-on servi, il se met le premier à table, et dans la première place ; les femmes sont à sa droite et a sa gauche. Il mange, il boit, il conte, il plaisante, il interrompt tout à la fois. Il n'a nul discernement des personnes, ni du maître, ni des conviés ; il abuse de la folle déférence (3) qu'on a pour lui. Est-ce lui, est-ce Eutidème qui donne le repas ? Il rappelle à soi toute l'autorité de la table, et il y a un moindre inconvénient à la lui laisser entière qu'à la lui disputer. Le vin et les viandes (4) n'ajoutent rien à son caractère. Si l'on joue, il gagne au jeu ; il veut railler celui qui perd et il l'offense ; les rieurs sont pour lui ; il n'y a sorte de fatuités (5) qu'on ne lui passe. Je cède enfin et je disparais, incapable de souffrir plus longtemps Théodecte et ceux qui le souffrent.    LA BRUYÈRE, Les Caractères, V-12, (1690).    (1) des vanités : des choses vaines, des riens.    (2) avoir son fait : s'entendre dire ses quatre vérités.    (3) déférence : considération respectueuse que l'on témoigne à quelqu'un.    (4) les viandes : toute espèce de plats.    (5) fatuités : sottises, actions sottes.  

Vous ferez de ce texte un commentaire composé. Vous pourriez, par exemple, étudier l'art du portrait dans la structure du texte, les éléments de la scène, le style (sans séparer le fond et la forme).

Liens utiles