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LA CARRIÈRE DRAMATIQUE DE RACINE

Publié le 15/05/2011

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A) Nouveauté d' « Andromaque «.

a. — Port-Royal avait fait du jeune Racine un helléniste. Aussi ses premières tragédies (la Thébaïde, Alexandre, Andromaque) furent-elles de source grecque. Les deux premières apparaissent un peu comme des exercices, aucune nouveauté géniale ne les distingue. La Thébaïde expose la haine infernale de deux fils d'OEdipe, Etéocle et Polynice, qui s'entr'égorgèrent en entraînant dans la mort tant d'autres innocents, notamment leur sœur Antigone avec son fiancé Hémon : la pièce est plus sombre que Rodogune! Alexandre, c'est le conquérant triomphant d'un ennemi digne de lui, Porus, roi indien, et lui pardonnant sa résistance; seulement, le sujet historique est comme étouffé par un tissu d'amours romanesques et de galanterie : on entend du Quinault mêlé à quelques pressentiments du Racine futur. Mais les fières réponses de Porus, son emportement guerrier, son amour de la gloire, tout cela est cornélien, et l'entrevue entre le vaincu et le vainqueur qui pardonne, c'est un souvenir de Cinna. Le style se fait volontiers sentencieux et même emphatique. La première tragédie absolument racinienne est Andromaque (1667).

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« C) Une élégie romaine et une tragédie moderne. — Bérénice (1670), seconde pièce romaine de Racine, n'est pas une véritable tragédie, mais bien plutôt une sorted'élégie dramatique.— Bajazet (1671) traite un sujet tout contemporain, et non plus de légende ou d'histoire antique : remarquableexception dans la tragédie du XVIIe siècle.

Mais l'éloignement dans l'espace (la scène est en Turquie) maintient leprestige obtenu d'ordinaire par l'éloignement dans le temps.— Si orientale d'ailleurs que soit Bajazet par ses péripéties et son dénouement, il y subsiste quelque chose deBritannicus : c'est dans l'esprit de Britannicus, en effet, que le poète a mêlé à la sanglante aventure d'amour et dejalousie cette énergique figure d'Acomat qui dut être enviée par Corneille. D) Une tragédie mi-cornélienne : « Mithridate ». — Mithridate présente des caractères et un dessein franchement cornéliens : a) un héros mêlé glorieusement àl'histoire romaine et qui semble vouloir répondre à Pompée ou à Sertorius; b) de vastes projets de politique et deguerre, qu'exposent des discours pleins de grandeur (acte III, sc.

I); c) un jeune premier, Xipharès, qui est commeune réplique de Nicomède, avec le même courage allègre, la même noblesse de cœur.— Mais la pièce n'en reste pas moins profondément racinienne, par la grâce de Monime, et par la passion amoureusedu vieux roi. E) Retour aux légendes grecques. — C'en est fini des tragédies romaines.

Iphigénie (1674) va nous ramener aux légendes relatives à la guerre deTroie; Phèdre (1677), à l'antiquité grecque la plus lointaine.— La représentation de Phèdre s'entoura de circonstances dont les conséquences ont été graves.

Le succès de lapièce fut en réalité triomphal, mais hélas ! retardé de six représentations par une cabale terrible qui prétenditimposer au public une Phèdre de Pradon sans valeur, et qui alla jusqu'aux menaces à l'égard de Racine.

C'est alorsque le poète découragé renonça au théâtre.— Avec Phèdre, s'achevait la série des sept tragédies qui correspond aux années où Racine, auteur ambitieux,impatient de réussir, passionnément amoureux et possédé de l'amour du monde, fut bien le poète d'une Courheureuse, galante et passionnée.

Après la cabale de Phèdre, volte-face I Il revient à Dieu, regrette l'éclat profanede sa vie passée, songe à entrer aux Chartreux et se réconcilie avec ses vieux maîtres et amis de Port-Royal.

Marié,sa famille et ses fonctions d'historiographe royal vont l'occuper pendant douze ans.

Après quoi, avec cette âmenouvelle, il aborde la tragédie religieuse. F) Les tragédies bibliques. — En 1689, sur la prière de Mme de Maintenon, il écrivit une tragédie pour la maison de Saint-Cyr en se pliant à desconditions exceptionnelles : il fallait une pièce sans amour profane, quoique capable d'intéresser des jeunes filles.

Ilen trouva le sujet dans l'Ecriture sainte et le traita en trois actes.— Esther traduit la piété de Racine, son oubli volontaire du monde, son craintif abandon à Dieu.

Elle montre tous sespersonnages et le sort d'un peuple entier dans la main du Dieu biblique.

Et ce peuple est incarné par un choeur dejeunes filles qui, à la fin de chaque acte, chante son effroi (acte I), puis son espérance tremblante (acte II), enfinsa délivrance (acte III).

Ce choeur n'est pas la moindre nouveauté apportée par Esther, qui préparait la voie à uneautre tragédie sainte plus puissante et plus haute : Athalie (I691).— Esther avait attiré tant de remontrances, de plaintes et de lettres anonymes à Mme de Maintenon qu'Athalie futjouée devant le Roi, mais presque sans invités, dans une salle à peine décorée, avec des robes de tous les jours.Athalie se vit étouffée, en somme.

Sans doute aussi était-elle en avance sur son temps.

C'est pourquoi Racine cruts'être trompé.

Il fallut que Boileau le rassurât sur la valeur du chef d'oeuvre qui couronnait sa carrière par desbeautés inattendues.— Athalie a de commun avec Esther : a) un intérêt dramatique obtenu sans amour profane, ce qui était dans lesdeux cas une audacieuse nouveauté; b) des choeurs : les jeunes Israélites d'Athalie, groupées en choeur aprèschacun des quatre premiers actes, glorifient la puissance de Jéhovah (acte I), honorent la sagesse de Joas (acteII), espèrent le châtiment des impies (acte III) et demandent au Seigneur son aide pour le saint combat (acte IV).Les choeurs, que les dramaturges de la Renaissance avaient imités des tragédies grecques, auraient mal convenu àla tragédie du XVIIe siècle, crise de passion : les sujets bibliques au contraire, crises collectives, crises de nation oude race, s'y prêtaient, les réclamaient.- Les initiatives particulières à Athalie sont importantes :a) La pièce comporte un spectacle : le Temple de Jérusalem, dont le spectateur aperçoit l'intérieur, avec lesévolutions des lévites.

Lorsqu'au quatrième acte, la reine Athalie vient réclamer au grand-prêtre le petit Eliacin qu'unsonge lui fait craindre, mais dont elle ignore tout, tandis que le spectateur sait qu'il a le droit de régner, un rideau setire soudain.

Alors Eliacin apparaît sur son trône, entre sa mère adoptive à genoux et le chef des prêtres, une épée. »

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