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La chambre du père Goriot: Depuis : « Eugène, qui se trouvait pour la première fois chez le père Goriot... », jusqu'à : « ... couvert jusqu'au menton ».

Publié le 17/01/2022

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Dans le cadre de notre groupement, ce texte occupe le développement central, consacré à ce que Ph. Hamon nomme l'« effet-personnage ». Outre les deux catégories descriptives définies précédemment, l'« effet-personnage » vise plus spécifiquement à la personnification pure et simple, ou, plus simplement, à la caractérisation d'un personnage par son cadre de vie. La chambre du père Goriot nous en offre un exemple typique, qui se donne à lire à travers un texte court mais extrêmement suggestif. Eugène, après avoir commis un impair alors qu'il était reçu pour la première fois par Mme de Restaud, a pu apprendre grâce à sa cousine Mme de Bauséant, l'identité véritable de son hôtesse : fille de l'ancien vermicellier Goriot, déjà presque ruiné, elle montre une obstination farouche à masquer ses origines plébéiennes. Devinant le drame qui frappe le vieillard, son voisin de chambre, Eugène, en découvrant son misérable logis, achève de se dessiller les yeux et peut déduire du triste tableau qui s'offre à lui la situation et les caractères de celui qu'il dépeindra plus tard comme le « Christ de la paternité ».

« Le père Goriot apparaît donc bien ici comme victime d'une société dénaturée, où les objets sont détournés de leurfonction : ainsi, la cheminée ne permet même plus de faire du feu, et les montants de la table servent au vieillard àtordre son argenterie, destinée, comme on le saura et comme on le devine déjà, à alimenter la fièvre dépensière deses filles.

Les tournures impersonnelles, les phrases nominales de type énumératif visent au demeurant à soulignercet effet de dépossession, de dépersonnalisation qui imprime aux objets leur caractère désormais insignifiant etdérisoire. Pour preuve, le dernier trait indiquant le dépouillement systématique du vieillard, sa négation par toute une société : les ustensiles de toilette, les vêtements dispersés, chaussures d'un côté, vêtements vides de l'autre, qui disentsuffisamment, s'il en était besoin, son écartèlement et son absence.

Ce phénomène, exprimé à traversl'éparpillement des objets, est rendu plus sensible encore par la connotation du terme qui le désigne, le « bonhomme», et par les compléments circonstanciels de lieu révélant la position éclatée de ces objets à travers la pièce : 'En face; dans un coin, etc.

» C'est ici d'ailleurs que prend tout son sens l'effet-personnage évoqué plus haut, et quicompense l'effacement d'un être par les traces dérisoires qu'il laisse autour de lui : « maigre couverture », « commode aux mains en cuivre tordu » permettent avant tout d'exprimer indirectement les attributs du vieillard, de par une sorte de déplacement métonymique. 3.

Un regard révélateur Ces signes dérisoires, les adjectifs sont suffisamment nombreux pour les révéler comme tels, indiquant par là mêmele jugement dont ils font l'objet de la part d'Eugène : « Un méchant secrétaire », « une mauvaise bande d'étoffe », autant de caractères sordides qui appellent d'eux-mêmes la condamnation et sous-entendent, pour servir la prise deconscience, une comparaison indispensable : « Le plus pauvre des commissionnaires était certes moins mal meublé dans son grenier.

» Mais la gradation au cours de laquelle apparaît la chambre de Goriot, comparée tour à tour à un« bouge », à un « grenier », enfin à une « prison », achève de le désigner en victime, et pour finir en victime de plusmisérable que lui encore, de plus assujetti aux contraintes sociales : Mme Vauquer. Il ne reste qu'à souligner l'effet produit pour le communiquer au lecteur, et en faire circuler la charge émotionnelle del'esprit d'Eugène à celui de ce dernier, en sachant qu'ici, comme l'a annoncé Balzac au début du récit : « All is true» (p.

48).

C'est d'ailleurs à travers le retour au narrateur omniscient qu'est évoquée une dernière fois de l'extérieurla scène pathétique dont Goriot n'a pas même conscience, et qui le montre gisant sur son grabat sous le regardstupéfait d'Eugène. Tournant essentiel, donc, que cette description de la chambre du père Goriot, cernée de part et d'autre parl'évocation des somptueux hôtels de Restaud et de Nucingen : à ce sujet, point n'est besoin de descriptionminutieuse; un coup d'œil suffit pour susciter l'admiration.

Mais la compassion et la sympathie offertes aux misèresdu temps supposent autrement plus d'attention et de minutie.

Elles conditionnent en effet le désir de parvenir quimeut le héros balzacien et lui font mesurer la cruauté des règles qui gouvernent la partie.

Goriot révélé par sonintérieur, c'est d'abord l'image d'un espace ravagé qui l'exclut et le nie au profit de la nouvelle génération, de celleset de ceux qui sont appelés à lui succéder dans le cadre d'une société bouleversée où règne la loi du paraître, c'est-à-dire du luxe et des plaisirs qu'il procure, au mépris de toute considération morale.. »

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