LA CHANSON EN LITTERATURE
Publié le 19/02/2019
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CHANSON. Une part importante des textes du Moyen Âge consiste en recueils de chansons, c’est-à-dire de poèmes musicaux, dont la mélodie n'a pas toujours été conservée, mais qui doivent à leur mode d'interprétation certains caractères typiques de langage et de fond. On identifie des registres, ensembles de conventions communicatives, dont la présence réduit la part de l'initiative revenant à l'auteur dans la composition. Ainsi, le rapport entre la saison et le sentiment, entre le temps qu'il fait et l'inspiration, entre le désir et la joie, entre l'absence ou le refus et la douleur fournit l'armature de variations formelles plus que d’innovations thématiques. Il faut toutefois distinguer différentes variétés de chansons. La plus importante est la chanson courtoise, destinée à un public aristocratique et célébrant la fine amor : elle constitue le répertoire essentiel des trouvères comme des troubadours, qui semblent en avoir fourni les modèles en langue d’oc dès le début du xiie s. Le chanteur y interprète à la fois des rôles de poète, de musicien et d'amoureux. Les chansons d'histoire
ou de toile appartiennent à une autre tradition : elles mettent en scène une jeune femme assise à son ouvrage et parlant de celui qu'elle aime, parfois en un dialogue avec une autre femme ; le style en est volontairement archaïque, les noms propres évoquant le monde des anciennes chansons de geste avec Gui, Gérard ou Renaud qu'aiment Érem-bourg, Aelis, Yolande ou Isabeau. On distingue encore les chansons d'après le sujet (la mal mariée, la chanson à boire) ou la fonction (chanson à boire ou à danser). Les chansons de croisade sont des invitations, morales ou satiriques, à prendre la croix. L'esthétique d'un genre aussi vaste, qui va du poème épique en laisses assonancées à l'hymne religieuse, relève d'abord de l'art musical. C'est ainsi qu'aux xive et xve s. la cantilène polyphonique comporte trois voix, dont deux instrumentales, et adopte une écriture raffinée dans le genre du conduit (Adam de la Halle, Guillaume de Machaut) ou du motet (Gilles Binchois, Ockeghem).
À la Renaissance, l'harmonie se substitue au contrepoint et l'on assiste à la généralisation de l'accompagnement au luth. Avec Roland de Lassus, la chanson adopte les effets de chromatisme du madrigal italien. Mais l'esthétique de la Pléiade condamne la chanson comme une des « épiceries qui corrompent le goût de notre langue » {Défense et Illustration de la langue française, ii, 5), avant que Ronsard ne fasse amende honorable en donnant dans ses Amours (1555) quelques modèles du genre.
Aux xviie et xviiie s., la chanson populaire dont il reste trace est nécessairement la chanson imprimée et dite « voix de ville », d'où le nom de vaudeville qui finira par désigner un genre théâtral mêlé de chansons, elles-mêmes souvent reprises par les chanteurs des rues plus familiers des « ponts neufs », que célèbre Alceste dans le Misanthrope (« Si le roi m'avait donné Paris sa grand'ville... », I, 2). La diffusion des « voix de ville » paraît moins importante que celle des « broadside ballads » en Angleterre à la même époque. Patrice Coirault, en comparant les recueils
«
imprimés
et les chansons recueillies plus
tard dans la tradition orale, a montré
leur fréquente parenté.
Il y a des
emprunts, des imitations, une contami
nation, un passage de l'écrit à l'oral mais
aussi de l'oral à l'écrit, tant en ce qui
concerne les thèmes, les paroles, que les
airs, qui arrivent cependant par la
transmission orale à se déformer de
proche en proche et subissent une vérita·
ble recréation.
Si la chanson dévote,
encouragée par saint F ran ço i
s de Sales,
connut avec la vogue du quiétisme un
succès éclatant, le libertinage élégant ou
tout simplement l'esprit firent la célé·
brité des chansons du « petit Cou·
langes », le cousin de Mme de Sévigné.
Au xvru• s., la chanson devient un
genre littéraire très goûté, avec des
auteurs connus, comme Piron, Collé ou
Favart.
Des chansons, plus tard mises
en musique, émaillent même les romans
de Florian.
Certaines de ces chansons
vont se populariser au cours du dem i
siècle suivant.
comme en témoigne le
recueil les Clés du Caveau, qui arrive à
comporter 2 350 airs notés vers 1848,
après plusieurs rééditions : le classement
est fait par titres, mais aussi grâce à
d'autres entrées permettant de retrouver
la musique d'origine, soit par la coupe
des vers, soit seulement par un ambre,
c'est-à- dire le premier v ers du refrain
ou d'un couplet quelconque resté de
préférence dans les mémoires, ou même
un fragment difficile à identifier appa
remment, comme ce Va ude ville de la
fille à Dominique retenu sous le > Ramplan, plan, plan, plan.
Les
mélodies ainsi recensées permettaient
aux plus avertis de composer de nou
velles paroles sur un air ancien.
La chanson de la période révolution
naire mériterait une étude particulière.
Elle pastiche délibérément le langage
populaire ou, au contraire, reprend le
ton emphatique des hymnes religieuses
ou de certains noëls, ces derniers étant
abondammen t diffusés par le colportage.
Mais, survivant à la Révolution comme
à l'Ancien Régime, restent le genre des
chansons à boire, dites chansons bachi
ques, et la romance sentimentale.
Les
chansons bachiques deviennent chan· sons
épicuriennes pour narguer le retour
de l'influence relig ie u se sous la Restau ra
tion.
La romance continuera à se faire
pastourelle et montre assez que les
bergeries romanesques ne sont pas vrai
ment, en tout cas pas uniquement, un
produit aristocratique.
L'Hospitalite,
plus connue sous le titre d'Il pleut
bergère, survivra al! destin étrange de
son au te ur Fabre d'Eglantine, religieux,
comédien, auteur de théâtre et Conven
tionnel, mort sur l'échafaud en 1794.
Cependant que la chanson d'origine
pa y sanne en restera au thème de la fille
abandonnée ou des amants séparés, avec
la romance, désormais, l'amour se mani
feste par d'infinis soup irs (voir le célèbre.
»
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