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LA DOCTRINE DE VALERY

Publié le 06/04/2011

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   Entre les premiers vers de Paul Valéry, entre ses premières études publiées dans de petites revues, comme La Chimère (1891)« La Conque (1891), L'Ermitage (1891)« La Syrinx (1892), etc... et La Jeune Parque s'interpose un silence de vingt ans occupé par Paul Valéry non seulement. à se mieux connaître, mais encore à réfléchir sur les problèmes importants qui se posent à l'homme, en particulier sur l'essence de la poésie et sur les différents arts. De La Jeune Parque à la Cantate du Narcisse (1938), une vingtaine d'années s'écoulent encore, pendant lesquelles les œuvres se multiplient.    Cette réflexion et cette création longuement espacée expliquent à la fois l'unité des principes et la variété des réalisations. Aussi trouve-t-on les fragments de la doctrine dans les ouvrages les plus divers : Notes, Variétés, Discours, Cours de Poétique, préfaces, etc. et sous une forme plus vivante et plus cohérente dans les personnages, qui revêtent le Moi du penseur et du poète de noms différents, Léonard de Vinci, Narcisse, M. Teste, la Jeune Parque.

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« degré, on peut parler de poésie pure.

Alain au contraire, loin de réduire le sens au rôle d'accessoire, l'associe au son: « Un beau vers a cette plénitude, cette perfection, cette réconciliation merveilleuse du rythme, de la rime et dusens » (Propos de Littérature, p.

16). La forme et le fond sont inséparables; parfois, la forme précède l'idée, qui se découvre à mesure que les motss'ordonnent selon le rythme : ainsi Le Cimetière Marin est né du désir d'utiliser le vers décasyllabique.

Si à propos detextes en prose, on peut estimer que...

la structure de l'expression a une sorte de réalité tandis que le sens oul'idée n'est qu'une ombre (Sur Bossuet, Variété II), à plus forte raison ne doit-on pas considérer le rythme, la rime,les figures comme une parure étrangère au fond, mais comme le cadre essentiel où se jouent les idées. L'écrivain, l'artiste ne sont pas des pensées « pures », indépendantes du monde et de ses contingences, le hasardjoue dans la création poétique un rôle peut-être aussi fréquent et important que la volonté; aussi le critique quianalyse le poème achevé, discerne-t-il difficilement les divers éléments qui se sont rassemblés pour la création, lestâtonnements intérieurs, les illuminations verbales très impérieuses qui imposent tout à coup une certainecombinaison de mots, — comme si tel groupe possédait je ne sais quelle force intrinsèque...

j'allais dire : je ne saisquelle volonté d'existence, tout opposée à la « liberté » ou au chaos de l'esprit (Avant-propos au Commentaire deG.

Cohen).

La notion d'auteur n'est donc pas plus simple que celle d'oeuvre, car elle implique non seulement desqualités intellectuelles, mais toutes sortes de contingences, d'une part, la matière, les moyens, le moment même, etune foule d'accidents...

introduisent dans la fabrication de l'ouvrage une quantité de conditions qui, non seulementimportent de l'imprévu et de l'indéterminé dans le drame de la création, mais encore concourent à le rendrerationnellement inconcevable...

d'autre part, l'artiste ne peut absolument pas se détacher du sentiment del'arbitraire (Sur l'Esthétique, Variété IV). Contrairement à l'opinion commune, répandue notamment par les Romantiques, la liberté ne facilite pas toujoursl'invention, bien loin de là.

Les règles, les contraintes, si détestées, sont fécondes, non pour uniformiser les œuvresou pour leur imposer un caractère rationnel, mais pour proposer à l'auteur des obstacles qui l'empêchent dedivaguer, délimitent l'étendue de ses recherches et lui imposent un contrôle de lui-même : La restriction estinventive au moins autant de fois que la surabondance des libertés peut l'être (Sur l'Esthétique, Variété IV> p.

252).Dans Variété V, revenant sur cette question qu'il juge importante, Valéry ajoute : Ces contraintes peuvent être toutarbitraires : il faut et il suffit qu'elles gênent le cours naturel et inconséquent de la divagation.

Ainsi se trouventjustifiées, non par l'autorité d'Aristote, d'Horace ou de l'abbé d'Aubignac, mais par la nature même de l'art, les règlesdes unités classiques : Quoi de plus juste, et de plus satisfaisant pour l'esprit que la fameuse règle des unités, siconforme aux exigences de l'attention et si favorable à la solidité, à la densité de l'action dramatique ? C'estpourquoi les préférences pour le vers libre ou pour la métrique traditionnelle ne sont pas un indice de hardiesse oude servitude, mais seulement, selon l'époque, le désir de se distinguer des devanciers. si les règles strictes de la métrique sont arbitraires et acceptées comme telles ainsi que les règles de tout jeu, lacomposition poétique est beaucoup plus qu'un rite.

Trop de poètes la négligent, surtout chez les lyriques, dont lesdéveloppements souvent procèdent de proche en proche, sans plus d'organisation successive que n'en montre unetraînée de poudre (Avant-Propos au Commentaire de G.

Cohen, p.

27).

C'est que composer ne consiste pas à établirun plan abstrait que l'on développe ensuite, mais à organiser tous les éléments, affectifs et rationnels, intérieurs etextérieurs dans un tout indissoluble : C'est qu'ici le détail (contrairement a ce qui se produit en prose) est à chaqueinstant d'importance essentielle, et que la prévision la plus belle et la plus savante doit composer avec l'incertitudedes trouvailles.

Dans l'univers lyrique, chaque moment doit consommer une alliance indéfinissable du sensible et dusignificatif.

Il en résulte que la composition est, en quelque manière, continue, et ne peut guère se cantonner dansun autre temps que celui de l'exécution.

Il n'y a pas un temps pour le « fond », et un temps de la «forme » (ibid.

p.28). Quel est donc le fruit de tant d'efforts, de réflexions si longues saillies si imprévues? Tout d'abord, le poème n'estpas une chose pour son auteur, mais une présence sujette à variations comme une partition musicale, et un moyende modifier son être par réaction : Un poème est une durée, pendant laquelle, lecteur, je respire une loi qui futpréparée..

Je m'abandonne à l'adorable allure : lire, vivre ou mènent les mots...

Cette mesure qui me transporte etque je colore, me garde du vrai et du faux...

je pense par artifice, une pensée toute certaine y merveilleusementprévoyante, aux lacunes calculées, sans ténèbres involontaires, dont le mouvement me commande et la quantité mecomble : une pensée singulièrement achevée...

» (L'amateur de poèmes.) Le but d'un poème n'est donc pas l'épanchement d'une passion, ni un enseignement moral, ni même essentiellementla conquête de la Beauté, mais l'approfondissement lucide du Moi, une forme de connaissance de soi-même moinsaustère, plus souple et plus complète que l'introspection philosophique. Le rapprochement de ces diverses citations permet d'entrevoir l'originalité de Paul Valéry, son évolution poétique etles raisons de son retour à la poésie : Valéry est à la fois classique, parnassien et symboliste. • Le mépris qu'il manifeste contre l'improvisation et l'imagination des Romantiques, l'estime où il tient la raison et lesens critique, l'amour du travail, le respect des règles le rattachent à la tradition de Malherbe, de Boileau et deRacine. • Le culte du rythme, des belles images, l'habileté à manier les figures, la prédilection pour les formes fixes luivaudraient l'admiration des Parnassiens les plus rigoureux.. »

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