La fantaisie de Giraudoux

« légumes, ses fruits et ses fleurs.

C'est pourtant lui qui énonce la plus haute philosophie de la pièce.

Constamment l'angoisse est comme désamorcée par ces jeux au second degré.

Les anachronismes Le décalage giralducien se retrouve aussi dans le rapport de la pièce avec le temps historique.

L'antiquité barbare se retrouve dans les pierres gauloises du palais, le moyen âge apparaît dans l'échauguette du palais où loge Électre (1, 1), les majordomes et les écuyers du cortège d'Égisthe.

Celui-ci s'exprime sur l'économie d'Argos en termes modernes: il parle du p:rix des matières premières, des objets de détail, du beurre, de l'exportation des vaches (1,3) ; le même Égisthe « crucifie au fond des vallées, en utilisant un supplice typiquement romain, [ ...

] le mendiant parle de la "faute originelle" des hérissons en parodiant la Bible ...

» Bref, Giraudoux ne se croit jamais astreint à la vérité de l'histoire ; il avait d'ailleurs en horreur, on l'a vu (cf p.

16), l'exactitude des mises en scène du Théâtre libre, trop réalistes à son goût.

L'accélération du temps L'action tragique se doit traditionnellement d'être proche du dénouement.

Dans le court laps de temps qui reste aux personnages pour se débattre contre un destin hostile, souligné par le moment de la pièce qui dure du soir à l'aurore, il se passe tant de choses qu'il semble légitime à l'auteur de souligner poétiquement l'accélération du temps.

L'effet le plus voyant est évidemment la croissance des Euménides de scène en scène, effet à la fois dramatique et symbolique ; on peut souligner aussi la vie de l'insecte qui traverse une vie entière en un instant : Le mendiant.

- En cinq minutes, il est jeune, adulte, cacochyme, il épuise toutes les combinaisons d'histoires d'enfance, d'adolescence, de déboîtements du genou et de cataracte, d'unions légitimes ou morganatiques.

Tiens, depuis que je parle, il doit en être au moins à la rougeole et à la puberté.

Électre.

- Attendons sa mort.

C'est tout ce que j'accorde.

(Il, 1 ).

Mais c'est surtout, dans l'avant-dernière scène, le deuxième récit du mendiant qui est absolument original dans les annales du théâtre : le récit. »