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La fonction du prologue : une habile stratégie dans Le Chevalier de la charrette de Chrétien de Troyes

Publié le 23/12/2019

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semble pas prêt à souscrire aux éloges conventionnels, sa dérobade n'est qu'apparente. De manière détournée et habile, par quelques pirouettes rhétoriques, il va louer largement la comtesse. C'est ainsi qu'il évoque trois types de compliments qui pourraient être adressés à Marie de Champagne : celui que ferait un flatteur excessif (v. 7-13), celui qu'il ferait lui-même si l'envie lui en venait (v. 16-20) et enfin le véritable compliment soulignant les qualités littéraires de la comtesse (v. 21-27). Il y a une gradation des images utilisées par l'auteur. Marie de Champagne est toujours présentée comme supérieure; elle surpasse les autres dames (v. 10-11 ), les reines (v. 18) et le «je» de l'auteur (v. 21-23). Les comparaisons s'enchaînent avec une progression voulue : la première (la brise printanière, v. 12-13) est empruntée au domaine de la nature, la seconde (la pierre précieuse, v. 16) renvoie à la fois au domaine de la nature et à celui de l'artifice - le joaillier donnant aux pierres une partie de leur éclat-, la troisième relève exclusivement de l'artifice verbal : le poète s'achemine vers un éloge de la création littéraire. Et de fait, la dédicataire est présentée comme l'inspiratrice du roman, comme celle qui en fournit «la matière et le sens» (v. 26). 

« analyserons le mécanisme de la dédicace puis la réflexion sur l'art du roman proposée par Chrétien, pour tenter de dévoiler le sens caché du prologue.

LA DÉDICACE Une ceuvre de commande La dédicace est un motif d'exorde fréquent dans les romans médiévaux.

Elle est l'expression stéréotypée d'un rite social: le poète courtisan rend hommage à son mécène en lui dédiant son œuvre.

Ici, Chrétien évoque la «dame de Champagne» (v.

1 ), la «comtesse» (v.

18 et 27), c'est-à-dire Marie de Champagne.

Fille aînée d'Aliénor d'Aquitaine, Marie épouse en 1164 le comte de Champagne Henri 1er le Libéral, grand seigneur du royaume de France et homme très cul­ tivé.

La cour de Champagne devient alors, sous l'impulsion de la comtesse, un centre littéraire actif et brillant.

Chrétien, qui fréquente assidûment cette cour, est tout entier dévoué à son protecteur, à sa dame mécène : en homme qui est entièrement à elle pour tout ce qu'il peut en ce monde faire (V.

4-5).

Marie apparaît de plus comme le maître du poète puisqu'elle lui commande un ouvrage.

Le Chevalier de la charrette est donc écrit pour répondre à une demande, à une attente de Marie et de sa cour.

De la même manière, quelques années plus tard, Chrétien de Troyes composera son dernier roman, Le Conte du Graal, sur l'ordre de Philippe d'Alsace -cousin de la comtesse -dont il fera un éloge appuyé au début du récit.

L'éloge Toute dédicace suppose un éloge.

Le poète se doit de glo­ rifier les vertus du dédicataire en multipliant les louanges.

Or, au vers 6 du prologue, Chrétien affirme qu'il entrepren­ dra son ouvrage «sans avancer la moindre flatterie» ; s'il ne 21. »

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