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?La Fontaine, « Les Animaux malades de la Peste », Fables, Livre

Publié le 09/06/2021

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?La Fontaine, « Les Animaux malades de la Peste », Fables, Livre VI, 1. En quoi ce poème est-il un apologue/une fable/une argumentation ? Le titre : Le titre a la particularité de présenter une situation, au lieu de personnages : « Les Animaux malades de la Peste ». La structure (dénomination plus caractérisation) n'est pas la plus fréquente dans les titres des fables. Surtout, le pluriel généralisant et le terme « animaux » créent un horizon d'attente particulier dans la mesure où nombre de fables mentionnent dans leur titre des animaux particuliers, souvent en binôme (« Le Lion et le Rat » [II, 11], « Le Corbeau et le Renard » [I, 2], ...). Il n'y a qu'une autre fable dont le titre mentionne collectivement les animaux : « Tribut envoyé par les Animaux à Alexandre » (IV, 12). La caractérisation « malades de la Peste » a aussi son originalité en ce qu'elle suggère une situation de difficulté initiale, et très grave (plus que « Le Chartier embourbé » [VI, 18], « Le Lion amoureux » [IV, 1], « L'Avare qui a perdu son trésor » [IV, 2], « Le Lion devenu vieux » [III, 14]). Le titre apparaît comme « dramatique », car la peste était, vu sa morbidité et sa contagiosité, la pire des calamités. Le Préambule : Le préambule (vers 1 à 14) comporte deux parties : une présentation du mal qui affecte les animaux (v.1 à 6), et une évocation des conséquences de ce mal (v. 7 à 14). Le "mal" et sa dramatisation : L'attaque du premier vers « Un mal » renforcée par l'attaque du deuxième : « Mal que » dramatise d'emblée le propos, surtout dans le contexte théologique du XVIIe siècle, où "mal" évoque le "Malin", le diable. Les deux caractérisations de ce "mal" : « qui répand la terreur et que le Ciel en sa fureur / Inventa » évoquent une destruction massive : la « fureur du Ciel » évoque aussi bien le Déluge que la disparition de Sodome : des extinctions massives. Les termes « fureur » et « terreur » riment ensemble et se renforcent l'un l'autre, par l'allitération en r, qui évoque phonétiquement le tonnerre (la foudre divine), et par leur signification : la fureur est une colère aveugle et extrême et la terreur (sa conséquence) est le stade extrême de la peur. Le vers 3 justifie ce "mal" aveugle et destructeur : « que le Ciel / Inventa pour punir les crimes de la terre ». La terre par métonymie désigne ceux qui vivent sur cette planète. Le Ciel représente le monde divin, qui élabore les règles et sanctionne les manquements : les créatures vivant sur la terre ont un libre-arbitre qui leur permet le choix entre le bien et le mal, mais leurs mauvais choix sont sanctionnés, surtout s'il est question de « crimes », fautes pénales les plus graves dans toute législation. La périphrase des trois premiers vers trouve son éclaircissement au début du vers 4 : « La Peste (puisqu'il faut l'appeler par son nom) ». La parenthèse du fabuliste éclaircit la périphrase et la désigne. Cet éclaircissement autorise une seconde périphrase : « Capable d'enrichir en un jour l'Achéron » (vers 5), c'est-à-dire de tuer massivement. Cette figure est cependant plus complexe que la précédente : l'Achéron est l'un des deux fleuves qui bordent Les Enfers (le royaume des morts) dans l'antiquité grecque. Et par métonymie, il désigne la mort. Le terme « enrichir », concernant la mort massive, relève de la figure de l'antithèse, puisqu'il s'agit de pertes. Cette deuxième périphrase dédramatise la première par sa complexité, et par ses incidences culturelles. Toutefois le vers 6 reste inquiétant : « la Peste... Faisait aux animaux la guerre ». La syntaxe pose à la rime le terme de guerre qui était et reste une calamité mortelle et aveugle. Qui plus est, la peste est personnifiée comme un ennemi, mais elle n'a pas de troupes à combattre : il s'agit d'une guerre d'extermination. Les conséquences : En huit vers (7à 14) sont évoquées les conséquences de la peste. Ce tableau est à la fois dramatique et mis à distance par les allusions à d'autres fables. Le chiasme du vers 7 : « Ils ne mouraient pas tous, / mais tous étaient frappés » met en valeur le pronom « tous » et ce faisant, souligne l'universalité du mal. La symétrie entre "mourir" et "être frappés" souligne la morbidité de la peste : ceux qui lui survivent la subissent quand même. Les négations soulignent la privation : « Ils ne mouraient pas tous » (7), « on n'en voyait point » (8), « nul mets n'excitait leur envie » (10), « Ni Loups ni Renards » (11). Et c'est une privation vitale puisque les animaux ne mangent plus (l'observation est judicieuse, car un animal qui ne s'alimente plus est gravement malade ou se laisse mourir). L'instinct de reproduction est atteint : « Les Tourterelles se fuyaient » (v.13). Bien évidemment ces interprétations triviales sont sublimées par l'allusion à au moins deux autres fables : "Le loup et l'Agneau", pour « La douce et l'innocente proie » (v.12) et "Les deux pigeons" pour la mention des « Tourterelles ». La peste atteint aussi les élans les plus sublimes : « Plus d'amour, partant plus de joie » (v. 14). L'amour est un élan vers l'autre et la joie est aussi divine. Ainsi, c'est le tableau d'une mort universelle, physique et spirituelle, qui est évoqué. I- Des personnages typés 1) Le Lion : Par tradition, c?est le roi des animaux : voyez les interpellations du renard (« sire », « seigneur ») : *V.15 : paraît noble & généreux, mais la suite l?infirme car il ne consulte pas, il décrète. *Brillant locuteur : 3 octosyllabes + 1 alexandrin censuré. *Début : cherche à donner une image modeste «je crois ». Puis 3 alex. V.19-21 qui posent sa prise de parole, sa puissance et sa fausse modestie (« peut-être »). C?est un manipulateur ; il feint de plaider coupable : *en évoquant sa gourmandise en un alexandrin (V. 25) *moutons, assimilés à une simple alimentation en un octosyllabe qui minimise la gravité, malgré l?adverbe « force ». *question rhétorique au V. 27 qui montre le crime, mais la rime féminine atténue, adoucit, étouffe le vers. * l?alexandrin retarde l?annonce du mot « berger », en un vers très court, trisyllabique : cela peut sous-entendre qu?il ne vaut pas la peine (ou qu?il vaut mieux ne pas) de s'appesantir. Ce procédé minimise & met aussi en évidence, car le « berger », c?est l?ennemi. Au fond, il compose l'aveu de ses victoires *V.30 : annonce très noble puis 2 restrictions (« s?il le faut » et « V. suivant], accentuées par l?enjambement * « que chacun s?accuse » donc se désigne coupable : de quelle justice s?agit-il ? Finalement, le lion atténue ses crimes tt en s'accusant. Le discours du Lion : Le discours du Lion (v. 15 à 33) est présenté au style direct et témoigne d?une maîtrise certaine de la rhétorique. Il commence par faire l'état de la situation (15-17), en tire la conséquence et prend une décision, édicte une "règle" (18-20), justifie cette décision par l'histoire (21-24), et donne l'exemple en s'appliquant en premier la règle (25-29). Il conclut en demandant que l'on suive son exemple de contrition (30-33). Toutefois il parle en majesté et se disculpe en semblant s'accuser. La parole de majesté : Tout d'abord c'est le Lion qui réunit le conseil : Le Lion tint conseil (v.15). D'un point de vue historique, le Conseil se réunissait régulièrement deux fois par semaine sous Louis XIV. Ici, il est convoqué pour un ordre du jour exceptionnel, que le Lion / Roi va énoncer (cela existait pour des situations graves, comme une déclaration de guerre). Mais il était de tradition que le roi intervînt en dernier, après avoir écouté les avis émis selon l'ordre inverse des préséances (le premier à parler est le moins titré). Le Lion énonce l'ordre du jour du conseil (v. 16 à 20). S'il commence son discours par l'apostrophe « Mes chers amis », mise en valeur à la fin de l'alexandrin, cela témoigne à la fois de la gravité de la situation et d'une clausule rhétorique : les amis n'en sont pas, mais soumis aux royales décisions. L?ordre du jour est impératif : « Que le plus coupable de nous / Se sacrifie aux traits du céleste courroux ». C?est la pratique du bouc émissaire, mais il doit se désigner comme tel ! Pour un résultat aléatoire : « Peut-être il obtiendra la guérison commune. » Pour justifier cet ordre du jour, le Lion argue de l?histoire, mais sans précisions, ni références. Et le sacrifice est valorisé par le terme de dévouements, au pluriel, et à la rime avec accidents, ce qui en minore la portée, l?importance. En effet, les « accidents » sont des événements imprévisibles, qui ne dépendent pas de la responsabilité humaine. L'art de se disculper en s'accusant (l'autocritique rhétoricienne) : Le Lion commence le premier l?exercice de contrition, mais il parvient à se disculper en même temps. De quoi s?accuse-t-il : « Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons / j?ai dévoré force moutons ». Dans « satisfaire » il y a « satis » latin, le juste « assez » : le Lion n?est pas coupable de gourmandise. Il s?agissait de se rassasier, sans plus. Le terme d? « appétits » le disculpe d?autant plus qu?il s?agit d?une inclination naturelle : le Lion n?a fait que suivre sa nature, et si ses appétits sont « gloutons », il en est excusé d?avance, vu sa taille. Cet adjectif atténue aussi le verbe : « j?ai dévoré » : la faim/fin justifie les moyens. L?adverbe « force » évoque certes un grand nombre de victimes, mais reste flou : un chiffrage par milliers ou plus, eût été accusateur, alors que « force » équivaut ici à « beaucoup ». La question rhétorique qui suit le disculpe en ce qu?elle est hors-sujet : « Que m?avaient-ils fait ? Nulle offense ». Manger n?est pas défendre son honneur? Le comble est atteint avec l?alexandrin suivi d?un rejet de trois syllabes (loin des règles de la métrique classique) : « Même il m?est arrivé quelquefois de manger Le berger. » En effet, la phrase construit une attente « déceptive », en ce qu?elle annonce une exception (donc s?agit-il d?un péché ?). La tournure impersonnelle : « il m?est arrivé » disculpe le Lion : elle équivaut au latin « accidit » : « ce qui survient » (en français, un accident). Ainsi, ce n?était pas volontaire ou prémédité. Et le verbe « manger » apparaît plus bénin que « dévorer », employé pour les moutons. Enfin, le rejet au vers suivant du complément d?objet (l?infinitif « manger »), semble atténuer la culpabilité, on passe plus vite sur ce qui gêne. [Le duc de Saint Simon a donné une description des repas du roi Louis XIV assez édifiante sur sa « gloutonnerie »] La conclusion de cette fausse autocritique est superbe : « Je me dévouerai donc, s?il le faut : mais je pense / Qu?il est bon que chacun s?accuse ainsi que moi : / Car on doit souhaiter, selon toute justice, / Que le plus coupable périsse ». Trois alexandrins et un octosyllabe, qui présente la sentence comme une nécessité, justifiée par le juste, en général (selon toute justice). Le Lion ne se sacrifiera pas, comme l?indique la restriction « s?il le faut », après l?accent d?hémistiche (sur un mode mineur). Toutefois la parole royale reprend de l?ampleur avec l?enjambement et le contre-rejet : « mais je pense ». « Penser » est ici dire la volonté royale. Dans l?alexandrin suivant, l?hypocrisie atteint son comble : « que chacun s?accuse ainsi que moi » signifie apparemment que chacun doit dévoiler ses fautes, mais cela peut signifier le faire en se disculpant, comme le Lion l?a fait. 2) Le Renard : Traditionnellement, particulièrement dans Le Roman de Renart, ou autre Fables de La Fontaine (« Le Corbeau et le Renard ») : malin et fourbe. Il use donc de ruse et de flatterie : *Il ne répond pas à l?injonction du lion, mais le flatte pour détourner la dénonciation. *Lexique : pour le Roi : hyperboles valorisantes ; et, par opposition, une métaphore dévalorise les moutons « Canaille, sotte espèce » au singulier pour désigner l?espèce, le genre. Il use d?euphémismes pour minimiser les crimes du lion. *question rhétorique V.37 à laquelle il répond par la dénégation, répétition de l?adverbe « Non, non ») *N?hésite pas à évoquer largement le berger, en 3 vers, et dont il fait un portrait négatif, et qu?il désigne comme l?Ennemi. I tient le rôle de casuiste (théologien qui s?applique à résoudre les cas de conscience) et se perd en subtilités, circonvolutions pour alléger sa conscience et celle du roi. La réplique du courtisan (le renard) : La réplique du renard est un magnifique exemple de flagornerie (flatterie grossière et basse) courtisane. Tout d'abord au vers 34, encadré par deux titres de respect d?une obséquieuse politesse) : « Sire » et « trop bon roi ». Faut-il voir de l'ironie ou du persiflage dans le « trop bon » (« trop » = adverbe intensif), qui sera repris avec « trop de délicatesse », un comble pour un glouton brutal. Aux vers 36 et 37, le renard entreprend de disculper publiquement le lion : « Eh bien ! manger moutons, canaille, sotte espèce, / Est-ce un péché ? Non, non. » L'on remarquera le ton vif, avec l'exclamation initiale, la question rhétorique et sa réponse répétée. Les moutons sont aussi traités de « canaille », au singulier car c'est l'espèce entière qui est ainsi disqualifiée : le terme a désigné le bas peuple et a remplacé "chiennaille". « Sotte espèce » traduit aussi le mépris de caste : s'ils sont sots, ils méritent leur sort (le renard symbolisant la ruse, et une forme d'intelligence), alors que les aristocrates (du grec "aristoï", les meilleurs ; on dirait aujourd'hui "l'élite") ont tous les droits à l'encontre de cette populace. Ainsi peut être formulé un paradoxe : « Vous leur fîtes, Seigneur, / En les croquant, beaucoup d'honneur ». L'on notera au passage que le renard atténue la dévoration, en utilisant le verbe "manger", puis le verbe "croquer". Pour ce qui est du « berger », il flatte le lion en tant que roi des animaux dont la couronne serait disputée par « les hommes qui sur les animaux / Se font un chimérique empire ». La flagornerie tient à l'adjectif "chimérique", qui par incidence rappelle le règne réel du lion. La flagornerie produit son effet : « et flatteurs d'applaudir ». Elle a aussi permis au renard de ne pas se livrer à l'exercice de contrition. Et le lion n'en sort pas grandi : il n'identifie pas la flatterie comme telle, et laisse le premier intervenant enfreindre la règle qu'il vient de fixer (« Que chacun s'accuse ainsi que moi »). 3) L?Âne : Traditionnellement : pas très malin. Ici : victime idéale, s'accuse d?un crime non commis : *Sonorités presque poétiques (« tondis », « largeur/langue »), mais il avoue sa pulsion. *Évoque la faim puis le « diable » : se cherche péniblement des raisons, et non des excuses, contrairement au lion. *Vers coupé, hésitant, syntaxe embrouillée à comparer avec l?aisance du roi & de son partisan, le renard. *Langage soutenu mais vieilli qui place l?âne en marge. L'intervention de l'âne : Dans une fausse symétrie qui correspond à l'esthétique baroque, l'âne, seul herbivore à prendre la parole, sera confronté au discours du loup (à comparer avec l'échange entre le lion et le renard). Le problème de l'âne est qu'il a pris les propos du lion à la lettre et qu'il s'accuse réellement. Vers 50 à 54 : « en un pré de moines passant, / La faim, l'occasion, l'herbe tendre, et, je pense, / Quelque diable aussi me poussant, / Je tondis de ce pré la largeur de ma langue. / Je n'en avais nul droit, puisqu'il faut parler net ». Il commet en effet un contresens puisqu'il a assisté à l'opposé du "parler net", c'est-à-dire en toute franchise : chacun des carnivores s'est disculpé en feignant la contrition : « Tous (...) au dire de chacun étaient de petits saints » (vers 47-48). Il s'accuse par son manque de maîtrise rhétorique ; en effet la gradation de son énumération est à contresens : la faim est un motif légitime (d'autant que pour un public carnivore, la faim d'herbe est plus qu'accessoire). L'occasion relève presque du péché, l'herbe tendre relève nettement du péché de gourmandise, enfin la mention du « diable » condamne l'âne, dans un contexte inquisitorial. Et il insiste encore en mentionnant le droit : « Je n'en avais nul droit ». Or il n'y a pas faute : l'herbe repousse, les moines n'en mangent pas (et leurs propriétés sont assez critiquées), et la largeur de la tonte est une "peccadille"( de l?espagnol pecadillo (« petit péché »), diminutif de pecado, venu lui-même du latin « peccatum », substantif du verbe « pecco » = pécher). Mais sa maladresse rhétorique expose l'âne à la vindicte, car il vient de s'accuser, croyant bien faire. Son discours est plus court que celui du lion, et la réponse sera au discours indirect puis indirect libre. 4) Le Loup : Langage violent, acharnement. L.58 : 2 métaphores très péjoratives (« ce pelé, ce galeux ») + 1 proposition subordonnée relative qui vise à montrer que l?âne incarne le mal. Le loup est habile manipulateur. Son raisonnement, en partie elliptique, semble absurde, inexistant. 5) La communauté des animaux : Les interventions du Lion, du Renard et de l?Âne sont au discours direct ; celui du Loup à l?indirect et à l?indirect libre. Les vers 60-62 élargissent, rendent compte de la curée. Généralisation, unanimité marquée par le pronom indéfini « on ». L'intervention du loup : Le faux parallélisme est plus flagrant : le renard disculpait le lion (au discours direct) tandis que le loup accable l'âne (au discours indirect et indirect libre). L'assemblée a déjà condamné l'âne : « À ces mots on cria haro sur le Baudet ». En effet, crier "haro", signifie, d'après le TLFi (Trésor de la Langue Française Informatisée) : " Crier haro (sur qqn ou qqc.). Désigner quelqu'un (quelque chose) à la réprobation générale en le faisant passer pour coupable". Le Loup va donc élaborer le réquisitoire. En quoi est-il qualifié ? Le fabuliste s'amuse quelque peu. Depuis le Roman de Renart, le loup n'est pas réputé subtil, mais brutal... et il porte un pelage sombre. D'où le clin d'?il entre les robes sombres des procureurs et celle des clercs (avec celle du loup de légende). C'est cette seule qualité (sa couleur de robe) qui l'habilite à prendre la parole. Et quelle parole : au lieu de prononcer un réquisitoire, il fait une harangue (discours destiné à motiver les troupes). Il ne propose aucun argument, mais reprend grossièrement le mépris du renard pour le bas peuple : « ce maudit animal, / Ce pelé, ce galeux ». Ce groupe ternaire serait oratoire s'il ne se répartissait pas sur deux vers, et s'il était construit, gradué ; les trois caractérisations sont décroissantes : « maudit » évoque la malédiction divine, mais « pelé » et « galeux » évoquent une disgrâce physique dont la dernière a une cause précise. Mais le procès est instruit d'avance : l'âne s'est accusé, et le conseil tire à sa fin. Il importe peu que le loup plaide convenablement. Le coupable a enfin été trouvé et l'on charge le bouc émissaire de tout le mal (vers 58). À compter du moment où il s'est accusé, l'âne est condamné, au point que l'on tord la justice : « Sa peccadille fut // jugée un cas pendable ». L'alexandrin est admirable : il met en parallèle la « peccadille » et le « cas pendable » (trois syllabes chacun). Or la "peccadille" est une faute mineure, et son origine espagnole avec un suffixe atténuatif renforcent cet aspect. Et le "cas pendable" qu'elle devient est un motif de pendaison utilisée pour un crime de sang, à l'époque. Le terme "jugée" est minoré par sa place après l'accent d'hémistiche (// marque la césure de l'hémistiche) : en effet, il n'y a pas de jugement. L'arbitraire est rendu par le vers 60 qui relate l'accusation au discours indirect libre, ce qui laisse dans l'ombre ceux qui ont prononcé ces paroles : « Manger l'herbe d'autrui ! quel crime abominable ! » L'on pourrait revenir sur la fausseté de l'accusation : l'herbe repousse, et les propriétaires du pré étant des moines, d'une part ils ...
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« Les conséquences : En huit vers (7à 14) sont évoquées les conséquences de la peste.

Ce tableau est à la fois dramatique et mis à distance par les allusions à d'autres fables. Le chiasme du vers 7 : « Ils ne mouraient pas tous, / mais tous étaient frappés » met en valeur le pronom « tous » et ce faisant, souligne l'universalité du mal.

La symétrie entre "mourir" et "être frappés" souligne la morbidité de la peste : ceux qui lui survivent la subissent quand même. Les négations soulignent la privation : « Ils ne mouraient pas tous » (7), « on n'en voyait point » (8), « nul mets n'excitait leur envie » (10), « Ni Loups ni Renards » (11).

Et c'est une privation vitale puisque les animaux ne mangent plus (l'observation est judicieuse, car un animal qui ne s'alimente plus est gravement malade ou se laisse mourir).

L'instinct de reproduction est atteint : « Les Tourterelles se fuyaient » (v.13).

Bien évidemment ces interprétations triviales sont sublimées par l'allusion à au moins deux autres fables : "Le loup et l'Agneau", pour « La douce et l'innocente proie » (v.12) et "Les deux pigeons" pour la mention des « Tourterelles ».

La peste atteint aussi les élans les plus sublimes : « Plus d'amour, partant plus de joie » (v.

14).

L'amour est un élan vers l'autre et la joie est aussi divine. Ainsi, c'est le tableau d'une mort universelle, physique et spirituelle, qui est évoqué. I- Des personnages typés 1) Le Lion : Par tradition, c’est le roi des animaux : voyez les interpellations du renard (« sire », « seigneur ») : *V.15 : paraît noble & généreux, mais la suite l’infirme car il ne consulte pas, il décrète. *Brillant locuteur : 3 octosyllabes + 1 alexandrin censuré. *Début : cherche à donner une image modeste «je crois ». Puis 3 alex.

V.19-21 qui posent sa prise de parole, sa puissance et sa fausse modestie (« peut-être »). C’est un manipulateur ; il feint de plaider coupable : *en évoquant sa gourmandise en un alexandrin (V.

25) *moutons, assimilés à une simple alimentation en un octosyllabe qui minimise la gravité, malgré l’adverbe « force ». *question rhétorique au V.

27 qui montre le crime, mais la rime féminine atténue, adoucit, étouffe le vers. * l’alexandrin retarde l’annonce du mot « berger », en un vers très court, trisyllabique : cela peut sous- entendre qu’il ne vaut pas la peine (ou qu’il vaut mieux ne pas) de s'appesantir. Ce procédé minimise & met aussi en évidence, car le « berger », c’est l’ennemi. Au fond, il compose l'aveu de ses victoires *V.30 : annonce très noble puis 2 restrictions (« s’il le faut » et « V.

suivant], accentuées par l’enjambement * « que chacun s’accuse » donc se désigne coupable : de quelle justice s’agit-il ? Finalement, le lion atténue ses crimes tt en s'accusant.

Le discours du Lion : Le discours du Lion (v.

15 à 33) est présenté au style direct et témoigne d’une maîtrise certaine de la rhétorique.

Il commence par faire l'état de la situation (15-17), en tire la conséquence et prend une décision, édicte une "règle" (18-20), justifie cette décision par l'histoire (21-24), et donne l'exemple en s'appliquant en premier la règle (25-29).

Il conclut en demandant que l'on suive son exemple de contrition (30-33). Toutefois il parle en majesté et se disculpe en semblant s'accuser. La parole de majesté : Tout d'abord c'est le Lion qui réunit le conseil : Le Lion tint conseil (v.15).

D'un point de vue historique, le Conseil se réunissait régulièrement deux fois par semaine sous Louis XIV.

Ici, il est convoqué pour un ordre du jour exceptionnel, que le Lion / Roi va énoncer (cela existait pour des situations graves, comme une déclaration de guerre).

Mais il était de tradition que le roi intervînt en dernier, après avoir écouté les avis émis selon l'ordre inverse des préséances (le premier à parler est le moins titré). Le Lion énonce l'ordre du jour du conseil (v.

16 à 20).

S'il commence son discours par l'apostrophe « Mes chers amis », mise en valeur à la fin de l'alexandrin, cela témoigne à la fois de la gravité de la situation et d'une clausule rhétorique : les amis n'en sont pas, mais soumis aux royales décisions. L’ordre du jour est impératif : « Que le plus coupable de nous / Se sacrifie aux traits du céleste courroux ».

C’est la pratique du bouc émissaire, mais il doit se désigner comme tel ! Pour un résultat aléatoire : « Peut- être il obtiendra la guérison commune.

» Pour justifier cet ordre du jour, le Lion argue de l’histoire, mais sans précisions, ni références.

Et le sacrifice est valorisé par le terme de dévouements, au pluriel, et à la rime avec accidents, ce qui en minore la portée, l’importance.

En effet, les « accidents » sont des événements imprévisibles, qui ne dépendent pas de la responsabilité humaine.. »

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