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LA FONTAINE, L'Horoscope, v. 55 à la fin (Fables VIII, 16)

Publié le 18/02/2011

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De ces exemples il résulte  Que cet art, s'il est vrai, fait tomber dans les maux  Que craint celui qui le consulte ;  Mais je l'en justifie, et maintiens qu'il est faux.  Je ne crois point que la nature  Se soit lié les mains, et nous les lie encor,  Jusqu'au point de marquer dans les cieux notre sort.  Il dépend d'une conjoncture  De lieux, de personnes, de temps ;  Non des conjonctions de tous ces charlatans.  Ce Berger et ce Roi sont sous même planète ;  L'un d'eux porte le sceptre et l'autre la houlette :  Jupiter le voulait ainsi.  Qu'est-ce que Jupiter ? un corps sans connaissance.  D'où vient donc que son influence  Agit différemment sur ces deux hommes-ci ?  Puis comment pénétrer jusques à notre monde ?  Comment percer des airs la campagne profonde ?  Percer Mars, le Soleil, et des vides sans fin ?  Un atome la peut détourner en chemin :  Où l'iront retrouver les faiseurs d'horoscope ?  L'état où nous voyons l'Europe  Mérite que du moins quelqu'un d'eux l'ait prévu ;  Que ne l'a-t-il donc dit ? Mais nul d'eux ne l'a su.  L'immense éloignement, le point, et sa vitesse,  Celle aussi de nos passions,  Permettent-ils à leur faiblesse  De suivre pas à pas toutes nos actions ?  Notre sort en dépend : sa course entre-suivie,  Ne va, non plus que nous, jamais d'un même pas ;  Et ces gens veulent au compas,  Tracer les cours de notre vie !  Il ne se faut point arrêter  Aux deux faits ambigus que je viens de conter.  Ce Fils par trop chéri, ni le bonhomme Eschyle,  N'y font rien. Tout aveugle et menteur qu'est cet art,  Il peut frapper au but une fois entre mille ;  Ce sont des effets du hasard.

La Fontaine a condamné l'astrologie, c'est-à-dire la science qui prétend lire l'avenir en scrutant les astres, dans deux fables importantes : L'Astrologue qui se laisse tomber dans un puits (II, 13) et L'Horoscope (VIII, 16). Dans la première de ces fables il montre combien il est invraisemblable de supposer que la Providence ait voulu nous renseigner par les astres sur un avenir qu'elle nous cache avec sagesse; dans la seconde il analyse les difficultés qui rendent cet art tout à fait chimérique.

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« a) Contradictions de l'astrologie (v.

65 à 70). La Fontaine présente une objection courante : bien que nés sous les mêmes planètes, sous les mêmes signes, leberger et le roi n'ont pas même destinée.

Déjà dans l'Antiquité, le philosophe Carnéade objectait le cas de deuxjumeaux dont les caractères et destinées sont différents.

Inversement, disait-il, tous les hommes qui périssentensemble dans une bataille ou dans un naufrage ne sont pas nés sous la même étoile, bien que subissant le mêmesort.Au moment où l'astrologie remplaça les anciennes formes divinatoires, les païens avaient incorporé les dieux dans lesplanètes.

Jupiter désigne donc chez La Fontaine la planète, c'est-à-dire une matière aveugle, sans âme, sans vie.La Fontaine admet des « influences » du soleil sur la terre et la nature; ces influences créent les climats, modifientles races, les caractères.

Mais il n'admet pas des actions à distance variant chaque jour, mystérieuses, inévitables,contraignantes, et venant d'un astre vraiment trop lointain. b) Faiblesse de la prétendue influence des astres (V.

71 à 75). Cette « influence » doit percer « la campagne profonde », c'est-à-dire l'espace, la couche d'air relativement épaissequi filtre les rayons et nous sépare du vide.

Elle devrait, de plus, traverser le vide infini et d'autres planètes.

Mais,selon Descartes et Gassendi, on rencontre dans ces espaces des atomes.

Comment alors l'astrologue calculera-t-illa trajectoire résultant du choc entre l'influence et l'atome?On confectionnait un horoscope en établissant un « thème de géniture » représentant l'état du ciel au moment de lanaissance.

Tantôt rond, tantôt rectangulaire, il indiquait les douze « maisons du ciel ».

La position des astres était ou mesurée, ou calculée ou, plus tard, relevée dans des tables.

Mais ce thème ne pouvait tenircompte des causes intercurrentes : rencontres d'atomes, etc...c) Variété, abondance des faits réels et de leurs causes véritables.

(v.

76-86)Les astrologues (qui étaient en même temps astronomes) prétendaient déterminer avec une rigueur mathématiqueles composantes de la destinée humaine.

La Fontaine leur reproche de n'avoir pas prévu l'état de l'Europe en 1676-78 : avant la paix de Nimègue, la France était en guerre contre l'Europe.

Notons qu'au XVIe siècle Nostradamusavait prédit la mort de Henri II et, plus de cinquante ans à l'avance, la date de la mort d'Henri IV.Se plaçant ensuite du point de vue terrestre, La Fontaine oppose la promptitude et la force de nos passions, à lafaiblesse et la fugacité de leur prétendue cause qui n'occupe qu'un point : l'endroit précis où se trouve l'astre.

Lafaiblesse des faiseurs d'horoscope ne peut démêler tout cet entrelacement.

Ils ne peuvent suivre « pas à pas » nosactions parce que nous n'allons jamais d'un même pas dans cette « course ».Il n'y a aucune commune mesure entre la régularité des mouvements sidéraux et l'inconstance des vicissitudeshumaines.

Donc nous ne dépendons pas des astres.

Ni nos actions, ni notre sort ne peuvent donc se mesurer avecle compas dont se servait nécessairement l'astrologue pour établir un thème de nativité. III.

- LA POSITION DE LA FONTAINE PAR RAPPORT A SES CONTEMPORAINS a) La conclusion de la fable (v.

87-92).Les deux exemples du récit (v.

1 à 54) sont ambigus, peuvent s'interpréter dans un sens ou dans l'autre.

Il en estainsi de beaucoup d'oracles ou de prophéties.

Les prédictions exactes telles que celles de Nostradamus, celle deJean-Baptiste Morin qui annonça le supplice de Cinq-Mars, alors que celui-ci était en pleine faveur, sont attribuéspar La Fontaine au hasard. ...le hasard parmi l'Antiquité,Et parmi nous la Providence?Or du hasard il n'est point de science :S'il en était on aurait tortDe l'appeler hasard, ni fortune, ni sort,...(Fables II, 13) b) L'astrologie au XVIIe siècle.La position de La Fontaine était loin d'être celle de tous ses contemporains.

Le 'one siècle avait été l'âge d'or del'astrologie qui tombera en décadence au XVIIIe siècle.

La Fontaine avait pu lire l'Astrologia Gallica de J.-B.

Morin,publiée en 1661.

Inspiré notamment des Anciens (p.

ex.

de Manilius, poète contemporain d'Auguste), ce livremontrait toute la complexité des combinaisons possibles et pouvait ainsi engendrer un certain scepticisme chez LaFontaine.

Il contenait notamment l'horoscope de Louis XIV, et, naturellement, les prédictions n'en étaient pasfausses.

Mais elles auraient pu s'appliquer à d'autres rois.

Même l'Église n'avait pas formellement condamnél'astrologie.

Saint Thomas d'Aquin admettait l'action (les astres sur les passions, mais non sur les facultéssupérieures : intellect et volonté.

Mais au nom du bon sens, de la clarté, de la logique et de la liberté humaine, La. »

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