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La linguistique: SCIENCE DU LANGAGE ET DES LANGUES

Publié le 14/11/2018

Extrait du document

langage

• Émile Benveniste (1902-1976) s'est illustré en grammaire comparée, a approfondi la notion de signe linguistique saussurien et a avancé les grands fondements de la linguistique de l'énonciation. Son approche replace le sens au centre des questionnements linguistiques et l'a conduit à croiser les champs de la philosophie, de l'anthropologie et de la littérature.

SCIENCE DU LANGAGE ET DES LANGUES

 

La linguistique a une longue histoire, dans la mesure où les interrogations sur l'homme ont, dès l'Antiquité, porté également sur ses modes de communication avec ses semblables. Mais la linguistique est devenue peu à peu une discipline autonome, notamment à l'époque du positivisme, et le xxe siècle l'a vue se spécialiser en secteurs particuliers et en théories et méthodes toujours plus riches.

HISTORIQUE

L'Antiquité

• Si l'homme s'est vite intéressé au langage, sa réflexion est longtemps restée une annexe de la philosophie ou un aspect de questions religieuses ou politiques plus pratiques : au xiie siècle av. J.-C, des érudits hindous ont, par exemple, tenté de fixer des normes du sanskrit, dans un souci de préservation des textes sacrés. Platon, au sein de son Académie et dans le dialogue Cratyle (v. 386 av. J.-C), s'interroge sur la motivation des éléments qui composent le langage : quelle est la mesure de l'arbitraire et, au contraire, de la motivation de ceux-ci? Comment décrire les rapports entre les mots et les choses? Son disciple Aristote, analysant le fonctionnement de la pensée humaine, propose un classement du discours en catégories, qui deviendront les éléments de base de nos grammaires communes actuelles.

LE Moyen Age

En Europe, le latin est la langue étudiée et utilisée par les clercs, qui font essentiellement référence à la Vulgate (la Bible), mais, petit à petit, on spécifiera les outils linguistiques en s'apercevant que ceux servant au latin ne suffisent pas pour décrire les langues vulgaires et parlées.

La scolastique est un art de penser médiéval élaboré sur la grammaire et l'analyse des textes, qui se figera peu à peu.

Des essais sur des langues nationales voient le jour épisodiquement : au vu* siècle est publiée une étude du celte; au xiie siècle, une grammaire islandaise comprenant une étude des sons ; au XIVe siècle, Dante, grand promoteur de la langue italienne, répertorie plusieurs dialectes.

Parallèlement, les philosophes s'interrogent sur le sens d'une grammaire : le langage doit-il être normé, décrit, étudié dans une perspective plus anthropologique que pédagogique? La grande question de l'universalité du langage humain est explicitement posée : les grammaires dites spéculatives optent pour l'idée que le langage est porteur de sens, que l’on peut en décrire le fonctionnement conformément à l’organisation de l'esprit humain, sans mettre en avant la signification des objets du monde.

La Renaissance

Cette époque ne se retourne pas seulement vers les grands textes antiques : l'intérêt porté à l'homme individuel et historique, la découverte de langues qui n'appartiennent pas à la famille indo-européenne et l'essor de l'imprimerie favorisent de nouvelles études linguistiques, volontiers normatives.

La période classique

 

• L’Académie française, créée en 1635 par Richelieu et chargée d'établir un lexique de la langue, publie son premier dictionnaire en

LE SCHÉMA DE JAKOBSON

 

Héritant de théories de la communication, ce schéma associe au «message» des fonctions du langage (en italique) : Le Destinateur (fonction expressive) envoie un Message à un Destinataire (fonction conative, qui marque l'invitation à agir et à réagir). Le Message lui-même (fonction poétique, désignant le travail de la forme) prend sens en fonction d'un Contexte (fonction dénotative, qui marque la production d'informations), verbal ou susceptible de l'être ; il requiert un Code, commun aux deux personnes engagées (fonction métalinguistique, qui réfléchit sur le langage pour en vérifier le fonctionnement) et il suppose également un contact (fonction phatique, qui renvoie aux messages servant au maintien de la communication, et qui sont souvent vides d'information sur le monde -exemple: «Allô!»).

 

Extrait d'Essais de linguistique générale, Éd. de Minuit, 1963.

langage

« LE SCHÉMA DE JAKOBSON Héritant de théories de la communi­ cation, ce schéma associe au «message" des fonctions du langage (en italique) : le Destinateur (fonction expressive) envoie un Message à un Destinataire (fonction conative, qui marque !"invitation à agir et à réagir).

le Message lui-même (fonction poétique, désignant le travail de la forme) prend sens en fonction d'un Contexte (fonction dénotative, qui marque la production d'informations), verbal ou susceptible de l'être; il requiert un Code, commun aux deux personnes engagées (fonction métalinguistique, qui réfléchit sur le langage pour en vérifier le fonctionnement) et il suppose également un contact (fonction phatique, qui renvoie aux messages servant au maintien de la communication, et qui sont souvent vides d'information sur le monde - exemple : «Allô!").

Extrait d'Essais de linguistique générale, Éd.

de Minuit, 1963.

des phrases ou des ensembles de phrases équivalents, ce qui conduit aux grammaires génératives et, en particulier, aux théories de Chomsky.

• Noom Chomsky (né en 1928), connu également pour ses critiques de la société et de la politique américaines, a opéré une nouvelle révolution linguistique en mettant en place la «grammaire générative transformationnelle».

Il ne part pas d'énoncés à analyser, mais de la remarque qu'un enfant est capable d'intérioriser des règles pour produire rapidement des énoncés qu'il n'a jamais entendus; il convient donc d'étudier comment fonctionne la dans la mesure où se développent des approches plus pragmatiques, favorisant comme objets d'étude le discours et la parole contre le langage ou les faits de langue.

• la phonologie s'est enrichie, dès le début du xx< siècle, d'une collaboration avec la neurologie : les recherches sur l'aphasie, sur les troubles de la mémoire, ont conduit à la neuro­ linguistique (Jakobson joue, là encore, un rôle de précurseur, en collaborant notamment avec le neuropsychologue russe Alexandr Luria {1902-1977), à partir des années 1960.

• le cognitivisme, plus récemment, met encore à disposition de la linguistique des modèles de fonctionnement du cerveau, dont le modèle connexionniste qui, dans ses applications à l'intelligence artificielle en particulier, a permis de vérifier et de compléter certaines théories concernant l'apprentissage de la lecture.

f--------------i grammaire, comprise comme un On approche là un domaine relevant de la psychologie cognitive, qui étudie la façon dont l'homme (se) représente le monde et la façon dont il produit des énoncés : il s'agit alors de psycholinguistique, telle que la représente, entre autres, Jerry A.

• André Martinet (1908-1999), qui fréquenta aussi le Cercle de Prague, reprit des thèses fonctionnalistes tout en essayant d'expliquer certains faits dans le langage et dans la langue (il a en particulier éclairé le principe d'économie phonétique, qui consiste pour un locuteur à supprimer certains phonèmes afin de fournir un effort minimal).

· Gustave Guillaume {1883-1960) a proposé une« psychosystématique" du langage, avec pour objet les mécanismes de la pensée, tenus pour analogues des mécanismes de la langue; il distingue pour cela la langue comme ressource et potentiel de la pensée, organisation de représentations, et le discours, relatif à ce que l'on exprime et visant un effet.

Guillaume s"intéresse donc à l'énonciateur, à son inscription dans le temps (de la pensée et de son expression) et à sa façon de manier certaines grandes catégories de la représentation, comme celles du général et du particulier.

Ce savant un peu marginal dans le courant structuraliste anticipe, à sa façon, sur ce que seront les approches pragmatique et cognitiviste.

• La linguistique américaine se place également dans la mouvance structuraliste; deux grands courants peuvent être distingués, dès le début du XX' siècle, à propos de leur conception du langage qui modèle ou non la façon dont l'homme pense le monde.

• !:hypothèse Sapir-Whorf- de Edward Sapie {1884-1939) et Benjamin Lee Wharf {1897-1941) -pose que la réalité n'est en fait qu'un produit des catégories langagières dont nous disposons : nous n'avons donc jamais de véritable rapport direct aux choses, le langage filtre nos représentations.

À l'inverse, une école plus behaviouriste tient à étudier le langage comme un objet scientifique qui ne dépend pas des intentions et de la pensée en général : ce courant aura une grande postérité, car il met en avant des modélisations du langage, fondées essentiellement sur la syntaxe.

• De la façon dont les unités de langue se combinent entre elles, pour connaître leur fonction, on passe, avec Zellig Harris {1909-1992), à l'étude de leurs transformations pour produire élément de psychologie cognitive (Chomsky parle de «compétence" linguistique) et comme théorie des phrases possibles.

Sa théorie, qui a beaucoup évolué au fil de ses ouvrages, repose sur la distinction entre structure profonde (modélisation syntaxique) et structure de surface (selon la performance du locuteur, et dont on rend compte également par un examen phonologique).

D'une certaine manière, le sens se trouve réduit à l'interprétation de règles formelles -cela explique que, à l'inverse des progrès apportés dans l'étude de la phrase, la linguistique de Chomsky porte peu de fruits dans le domaine du discours, en particulier quand il s'agit de discours littéraire.

En revanche, beaucoup de modélisations informatiques ont pu s'inspirer de ses travaux et, de manière générale, ils ont influencé toutes les recherches Fodor (né en 1935).

!:hypothèse modulaire de celui-ci repose sur une conception en modules spécifiques des processus mentaux et permet de décrire également les mécanismes de la lecture.

La psychologie est linguistiques à partir des années 1960.

convoquée pour le secteur de la • Si la linguistique a connu, après linguistique qui s'intéresse à sa séparation d'avec les disciplines l'évolution du langage chez l'enfant; connexes, des modélisations l'influence de Jesn PiDg�t mathématiques et techniques parfois (1896-1980) a été ici considérable.

fort complexes, elle a aussi opéré un • Neurolinguistique et psycho- retour au concret, si l'on peut dire, linguistique ne sont pas toujours 1-----_;_ __ .:.._ _ _;__ -1 différentiables -ni hiérarchisables; on LE STRUCTURALISME retiendra que les deux mettent en Ce courant de pensée qui a émergé évidence, contre la grammaire dans les années 1960 s'inspire à la générative, l'importance du contexte fois de la linguistique saussurienne pour la reconnaissance d'un phonème, et de l'anthropologie de C/11udr par exemple; elles traitent également Lévi-Str11uss.

Il s'appuie sur l'idée avec profit la question des erreurs qu'un domaine d'études se définit comme un tout, par les relations d'interdépendance qu'entretiennent ses éléments et par des fonctions de différents niveaux, et qu'il convient de les décrire essentiellement comme des états de fait synchroniques : les approches structuralistes sont donc essentiellement formelles.

Les applications en philosophie et en littérature (analyse textuelle) furent particulièrement fécondes.

d'interprétation ou des lapsus (travaux de Merrill F.

Garrett).

LES OBJETS DE LA LINGUISTIQUE la linguistique, en devenant une science toujours plus autonome, a dû batir ses propres méthodes et définir ses objets d'études que sont le langage et ses composantes.

LE LANGAGE Le langage désigne en général, pour les linguistes, la faculté de communication propre à l'homme; il correspond à la manipulation de signes, permise par les particularités physiques humaines.

le langage reste donc, en particulier dans une perspective saussurienne.

quelque chose d'abstrait.

• Son étude relève également de la philosophie, qui interroge, à travers lui, les rapports de l'homme au monde, à ses semblables et à lui­ même, et des sciences naturelles.

Celles-ci décrivent ce qui, dans le corps humain, rend possible la production et la réception du langage.

• Plus précisément, la phonétique est la science qui se charge de l'étude des sons dans leur matérialité et s'intéresse par exemple à l'articulation et à l'acoustique - elle se fonde sur la parole.

• la phonologie, quant à elle, étudie l'équivalent plus abstrait des sons, à savoir les phonèmes, qui remplissent une fonction différentielle dans le langage (alors que certains sons ne sont pas déterminants) :à un seul phonème peuvent correspondre différents sons (qui dépendent de l'individu, d'une prononciation régionale, etc.).

• On peut adjoindre à la phonologie la prosodie (parfois restreinte à une acception littéraire, car elle a des applications directes dans les études de poésie et de stylistique) : la prosodie étudie les phénomènes d'accent, de ton, d'intonation et de quantité.

Phonétique et phonologie partagent la transcription que constitue l'alphabet phonétique international, régulièrement actualisé.

lA LANGUE la langue correspond à l'application de la faculté langagière de l'homme, dans une collectivité donnée :elle est ancrée dans une société et dans une culture.

les langues sont très nombreuses, naissent, évoluent et meurent; on peut les décrire par des systèmes de règles, au moyen de typologies, de classifications, de comparaisons et en croisant des disciplines comme l'histoire et la sociologie.

• Cette dernière, ainsi que les sciences politiques et la géographie, sont particulièrement mises à contribution dans la sociolinguistique, qui prend en compte le caractère institutionnel d'une langue et met l'accent sur les rapports à établir entre les faits sociaux et celle-ci.

On y étudie les influences entre langues, dialectes, registres de langue, bilinguisme, etc.

• Par ailleurs.

pour décrire une langue, on la décompose habituellement en unités de différents niveaux : la phrase, le syntagme, le mot, et le morphème.

Des hiérarchies plus larges peuvent être adoptées, en particulier si l'on étudie des énoncés (on distinguera par exemple des blocs de texte).

• Un morphème est une unité minimale de signification; il peut être lexical (identique à un mot simple parfois, à un radical.

..

) ou grammatical (préfixe, suffixe, désinence ...

).

• Un mot peut se définir par le sens, mais ce n'est pas là l'approche la plus simple, comme en témoignent des interrogations aussi vieilles que celles portant sur la langue en général.

Un mot se caractérise aussi par sa forme, qui renvoie à son analyse en morphèmes (ceux-ci mènent au mot par différentes voies : la dérivation, la composition, l'interfixation,la variation flexionnelle, l'abréviation).

• Les mots sont ensuite classés selon leur emploi dans le discours : nom, adjectif, verbe, adverbe, article, pronom, préposition ou conjonction (avec quelques variantes terminologiques ).

• Un syntagme, entre le niveau du mot et celui de la phrase, peut être nominal, verbal, adjectival ou prépositionnel, selon son noyau.

• Une phrase est une suite de morphèmes, plus souvent de mots, et encore plus généralement de syntagmes; une phrase est conforme aux règles de grammaire, apporte un sens minimal et se définit également par une unité graphique (marquée par un point) et une unité mélodique (celle-ci variant s'il s'agit d'une phrase interrogative ou assertive, par exemple).

On parle encore de proposition, pour décrire une phrase élémentaire, constituée d'un sujet et d'un groupe verbal.

LES DISCIPLINES LINGUISTIQUES PHONÉTIQUE ET PHONOLOGIE La phonétique est la science qui se charge de l'étude des sons concrets; la phonologie étudie les phonèmes.

MORPHOLOGIE ET SYNTAXE Ces disciplines étudient respectivement la formation des mots et des phrases; la syntaxe recoupe la grammaire, mais n'est pas uniquement normative.

NEUROLINGUISTIQUE ET PSYCHOLINGUISTIQUE Nées d'une collaboration entre la linguistique e� respectivemen� la neurologie et la psychologie, elles intègrent le fonctionnement du cerveau, du système nerveux e� plus largemen� de l'esprit humain, à l'étude de l'acquisition, de la production et de la compréhension de la langue.

SÉMANTIQUE • La sémantique lexicale étudie la signification des mots en interrogeant les phénomènes de définition, de synonymie et de polysémie, de dénotation et de connotation ...

• Il existe aussi une sémantique grammaticale, moins représentée.

la sémantique croise bien sûr de grandes questions philosophiques relatives aux théories de la connaissance; elle rencontre également une discipline connexe, la sémiotique, qui étudie plus largement les signes (y compris dans leur portée symbolique).

LINGUISTIQUE DE L'ÉNONCIATION ET LINGUISTIQUE PRAGMATIQUE Ce courant linguistique prend pour objet le discours ou la parole, soit l'actualisation de la langue par un individu.

le rapport entre énoncé, énonciateur et contexte est capital : les déictiques, mots qui font référence à la situation d'énonciation Ge.

ici, maintenant...), sont particulièrement mis en avant, ainsi que tous les marqueurs de la subjectivité.

les théories de Benveniste sur l'énonciation ont été prolongées par John L.

Austin {1911-1960) et John Rogers Searle (né en 1932), qui envisagent le discours dans sa dimension performative, c'est-à-dire dans sa puissance en acte (valeurs de l'impératif.

de la prière, etc.).. »

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