LA LITTÉRATURE AMÉRICAINE
Publié le 27/01/2019
Extrait du document
Paul Auster (né en 1947), dont l'écriture sèche et intense révèle toutes les angoisses, tous les détours d'une imagination habile et maîtrisée, fait entrer le lecteur dans son univers avec Le voyage d'Anna Blum. Il donne avec sa Trilogie new-yorkaise (1985-1986) une sorte d'œuvre totale influencée par tous les courants de la génération des années 1930. Il construit peu à peu l'un des plus troublants labyrinthes de verre de son époque et évolue vers une technique narrative de cinéma, récemment concrétisée par Ang Lee dans Smoke et Brooklyn Boogie. John Fante (1909-1983), dont le héros truculent Bandini est le double littéraire (Bandini, 1989, L'orgie, Les compagnons de la grappe 1990, Mon chien stupide, 1997 pour les éditions françaises), et Jim Harrison (né en 1937) dont l'un des thèmes favoris demeure une certaine nostalgie ironique d'un temps passé (Légendes d'automne, 1979; Nord Michigan, 1991; Entre chien et loup, 1993), sont unis par l'obsédant désir de scruter le monde, de fouiller la jungle des villes, par la passion toujours déçue de s'élever au-dessus de la condition d'homme. Ils se sont affranchis de l'inspiration de leurs prédécesseurs et ont ainsi ouvert un nouveau domaine littéraire.
Révoltes et incertitudes
L’affirmation de l'identité ne concerne pas seulement celle d'une communauté ethnique, mais également toutes les générations qui revendiquent leur libre expression dans la vie américaine. C'est ce qu'ont dit les mouvements «jeunes» dans les années 1960, entraînés Sur la route (1957) par les écrivains de la beat generation, avec le romancier Jack Kerouac (1922-1969) et le poète Allen Ginsberg (né en 1926) en tête. John Updike décrit la confusion d'une Amérique privée d'autorité morale, pressentant les bouleversements culturels qui s'annoncent à l'horizon. Devant l'incertitude de cette période, l'impuissance et la résignation de ne pouvoir agir sur le réel, le roman américain se sent libre de chercher dans un «ailleurs\" la réponse aux problèmes existentiels. L'introspection est un domaine dans lequel Vladimir Nabokov (1899-1977) - d'origine russe, naturalisé américain en 1945 - qui produit une œuvre où se côtoient innovations formelles et linguistiques, Lolita, (1955), Ada ou l'ardeur (1969), et l'Argentin Jose Luis Borges (1899-1966) exercent une influence prépondérante. Dans L'opéra flottant (1956), John Barth (né en 1930), propose une sombre vision du monde.
Les romans (V, 1963, L'arc-en-ciel de la gravité, 1973), de Thomas Pynchon (né en 1937), procèdent à une remise en question qui n'est pas sans implications politiques, sociales et culturelles. Sa quête de l'identité, aboutit à la dénonciation du vide physique, moral et spirituel de l'Amérique.
Les romanciers contemporains
Le roman moderne s'est emparé de la science-fiction. On peut citer parmi les grandes réussites de ce genre Fahrenheit 451 de Ray Bradbury (né en 1920); Substance-mort de Philip K. Dick (1928-
LE SAVIEZ-VOUS?
Les États-Unis sont le pays le plus récompensé par l'attribution des prix Nobel, mais le deuxième, derrière la France, dans le domaine de la Littérature. Le prix Nobel est créé en 1901 et il faut attendre 1930 pour qu'un premier Américain Je reçoive. Puis dix autres noms viennent s'inscrire à ce palmarès, dont seulement deux femmes, en 1938 et en 1993.
1930
Sinclair Lewis (1885-1951)
1936
Eugène O'Neill (1888-1953)
1938
Pearl Buck (1892-1973)
1949
William Faulkner (1897-1962)
1954
Ernest Hemingway (1898-1961)
1962
John Steinbeck (1902-1968)
1976
Saul Bellow (né en 1915)
1978
Isaac Bashevis Singer (1904-1991)
1980
Czeslaw Milozs (né en 1911)
1987
Joseph Brodsky (né en 1940)
1993
Toni Morrison (née en 1931).
«
La
littérature américaine  Francis Scott Fitzgerald (1896-1940) A personnifia toute la jeunesse et la réussite
du rêve américain.
Il fut le brillant chroniqueur
des années 1920 et de l'époque du jazz, avant
de sombrer dans la dépression et l'alcoolisme.
deux-guerres, font d'Ernest Hemingway la figure
phare de la /ost generation.
John Dos Passos
D'origine portugaise par son grand-père, fils de
famille aisée, John Dos Passos (1896-1970), dans
Trois Soldats (1922) son premier roman, trans
pose sur un ton désenchanté son expérience de
la guerre et dénonce l'appareil militaire.
Mais
c'est surtout Manhattan Transfer (1925) qui
l'impose au public: ce roman a pour personnage
principal la ville de New York et pour thèmes le
mode de vie amé ricain, l'influence détermi
nante de la société sur les individus.
Autre chef
d'œuvre: sa trilogie USA, qui comprend Le 42"
parallèle (1930), 1919 (1932) et La grosse galette
(193 6).
Cette grande fresque de l'après-guerre
renvoie l'image violente mais authentique de
l'Amérique des années 1920, jusqu'aux prémices
de la crise de 1929.
Dans ce pays implacable
ment libéral et capitaliste, la «réussite sociale»
constitue le critère suprême des individus et la
chance attend chacun au coin de la rue: des for
tunes colossales s'édifient en quelque temps
alors que d'autres disparaissent.
Tandis qu'une
Amérique fait la queue aux soupes populaires,
perd son identité devant les machines indus
trielles et que la répression s'abat sur ceux qui
contestent l'ordre établi.
La construction de ces
romans adopte la technique du cinéma: décou
pages, multiples récits entrecroisés, et "œil de la
caméra» tenu par un écrivain à la recherche
d'une esthétique nouvelle pour l'ère industrielle.
Refusant comme Hemingway l'analyse psycho
logique et l'introspection, le style de Dos Passos fit
école tant en Amérique qu'en Europe, où il
influença Jean-Paul Sartre pour ses romans des
Chemins de la liberté (1945-1949).
Celui-ci salua
Dos Passos comme "le romancier de notre temps»,
un homme «dangereusement honnête»
qui, toujours, milita pour l'épanouissement des
libertés individuelles.
Francis Scott Fitzgerald
Dans l'imagerie populaire, Fitzgerald (1896-1940)
est définitivement associé au charme, à la nostal
gie des années 1920, à l'Amérique du jazz naissant
et de la haute société : son alcoolisme, son mode
de vie excentrique et le couple de légende qu'il
forme avec sa femme Zelda défrayent la chro
nique -une vie dont rendent bien compte ses
nouvelles, ses chroniques pour le Saturda y
Evening fust de New York et un roman comme
Les enfants du jazz (1922).
Sous cette image désin
volte et affectée, se révèle pourtant un écrivain
lucide sur son époque et fin obser vateur de ses
contemporains.
Il traduit dans ses romans les
désillusions des générations de l'après-guerre, et
dans ses personnages, l'obsession de l'échec, la
déchéance physique et psychologique qu'il
connaît lui-même dans son existence.
Gatsby le
magnifi que (1925) et Tendre est la nuit (1934)
décrivent dans un langage lyrique et minutieux la
dérive de personnages riches et oisifs vers la mort
ou la folie.
Le premier roman décrit l'ascension
d'un jeune bootlegger idéaliste, prisonnier du rêve
américain, qu'une jeune femme avide et sans
cœur conduit au désastre.
Le second, plus auto
biographique, est le roman du désenchantement.
Il retrace la vie d'un homme qui accepte en toute
conscience de sacrifier ses propres sentiments et
une partie de sa vie pour laisser s'exprimer ceux
de celles, sa femme et sa maîtresse, qu'il aime.
Dans ces romans passe toute la gloire -et toute
la frustration -de l'expérience et du rêve améri
cains.
De Fitzgerald, Budd Schulberg, un éminent
critique américain, a dit: "Il a parlé pour une
génération qui a souffert des bombes sans aller au
front.
Il a été un de nos meilleurs historiens de
cette époque inhumaine, l'entre-deux-guerres.
[ ..
.
] Scott a fait du désabusé un portrait poétique
et beau -presque un idéal.»
Henry Miller
Comme Hemingway et Fitzgerald, Henry Miller
(1891-1980) a sa légende, son mythe au parfum
de scandale.
Réputation que lui doivent ses
séjours à Paris et la publication, en Europe, des
Tropique du Cancer (1934), Tropique du
Capricorne (1938).
Il faut attendr� les années
1960 pour pouvoir les lire aux Etats-Unis, à
Henry Miller �
(1891-1980),
entouré de
sa cinquième femme,
la japonaise Hoki
Tokuda, et d'amis,
à Bourg-/a-Reine
en 1968.
Fuyant
le "cauchemar
climatisé • des États
Unis, le titre de l'un
de ses romans publié
en 1945, il a passé
la plus grande partie
de sa vie en France,
consid�rant que
si les Etats-Unis
représentent le mal,
le sud méditerranéen
est le lieu du bien.
l'époque
à laquelle paraissent également (1949)
Plexus (1953), Nexus (1960), qui évoquent le
séjour parisien de l'auteur entre 1923 et 1928.
Miller fait de la littérature le vecteur de sa révolte
contre les hypocrisies sociales, mais aussi un
guide de vie.
En cela, il devient la figure em
bématique de la contestation des jeunes de la
côte Ouest dans les années 1960.
Amie de Miller,
et préfacière de ses deux Tropique, Anaïs Nin
(1903-1977) a laissé un Journal, œuvre majeure
où elle dresse un portrait passionnant et sans
fard du milieu artistique dans lequel elle évolua.
Les écrivains régionalistes
William Faulkner (1897-1962) est certainement
l'un des plus grands auteurs américains du xx'
siècle.
Il appartient à une vieille famille du sud
des États-Unis.
S'il récuse la dénomination d'écri
vain, il se prétend pourtant en 1939.
»
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