La littérature italienne
Publié le 09/11/2018
Extrait du document
• Maître de la scène florentine, Laurent de Médicis (1449-1492) n'est pas seulement un grand dirigeant politique. C'est aussi l'auteur d'une œuvre riche et diverse ainsi qu'un mécène éclairé qui contribue à l'expansion de l'humanisme. Il est ainsi le fondateur de la Laurentienne (1524), la plus importante académie d'inspiration néoplatonicienne.
• Ce lieu de rencontre entre lettrés et de réflexion sur la langue et les arts accueille notamment Marsile Ficin (1433-1499), traducteur et commentateur de Platon, Christophe Landino (1424-1498), professeur et auteur de la Roccolta aragonese, première anthologie de la poésie italienne, Ange Politien (1454-1494) ou encore Pic de la Mirandole (1463-1494) qui, dans son Heptaplus, fait une présentation de l'univers.
RICHESSE ET DIVERSITÉ
la littérature italienne est, à l'image de la production artistique générale de la Péninsule, d'une extrême richesse et d'une extraordinaire diversité. Elle se développe à partir du XIIIe siècle grâce à l'emploi croissant de la langue vulgaire - les dialectes locaux - et au recul du latin. la persistance de ces dialectes continue de placer la linguistique au cœur des débats littéraires.
• les premiers textes en langue vulgaire sont d'inspiration religieuse et prennent la forme de la lauda, composition monorime à la louange de la Vierge et de la Trinité. le plus célèbre de ces chants poétiques est le Cantique des créatures (1224) de saint François d'Assise.
À la faveur du mouvement franciscain, la lauda s'épanouit et adopte la structure de la ballade.
• Dans la poésie profane, on retrouve l'écho des troubadours, à l'exemple de Rainaldo et Lesengrino, « branche » italienne du Raman de Renart
• Un courant poétique raffiné apparaît en Sicile au milieu du XIIIe siècle sous l'impulsion de l'empereur Frédéric Il. Il célèbre l'amour courtois à travers le sonnet et la chanson. Ce courant gagne la Toscane.
LA PRIMAUTÉ DE LA POÉSIE
• Dans la lignée du poème courtois, le Dolce Stil nuovo - « doux style nouveau » - exalte un amour pur, sublimé, quasi mystique, traduit par un lyrisme éthéré.
• le Florentin DanteAlighieri (1265-1321) est le plus grand des \"stilnovistes\". Son talent s'exprime particulièrement dans la Vita nuova (1292-1294), écrit en langue vulgaire, qui mêle vers et prose. Dans cette œuvre autobiographique, le poète évoque sa passion platonique pour Béatrice et le désespoir qu'engendre la mort de celle-ci.
• La Vita nuova se prolonge dans la Divine Comédie (1306-1321).
Ce grand texte sacré relate le voyage du poète dans l'au-delà - de l'Enfer au Paradis - sous la conduite de Virgile, Béatrice et saint Bernard. Cette allégorie morale, religieuse et politique constitue une puissante représentation du \"théâtre du monde\" et de l'âme humaine aux prises avec ses passions.
• Le poète humaniste Francesco Petrarca, dit Pétrarque (1304-1374), doit sa gloire au Canzoniere (1347), recueil de poésies en langue vulgaire, comparable à la Vita nuova de Dante.
• Dans ce poème d'inspiration amoureuse principalement composé de sonnets, Pétrarque célèbre les louanges de sa dame, Laure de Noves, mais aborde aussi des thèmes politiques, moraux ou religieux.
• Pendant plusieurs siècles, la langue de Pétrarque constituera une référence pour les poètes de toute l'Europe. le « pétrarquisme » est ainsi l'expression du code lyrique amoureux dont le Canzoniere représente un modèle absolu.
• Si l'Arcadie s'était insurgée contre l'opéra et ses déviations - mélange des genres et emprise de la musique et de la mise en scène sur le texte poétique -, Apostolo Zeno (1668-1750) tente de rapprocher le mélodrame de la tragédie.
• Cependant c'est le Métastase (1698-1782), pseudonyme de Pietro Trapassi, qui transforme le mélodrame avec Didone abbandonata (1724), Demetrio (1731) ou Attila Regolo (1740). Poète et musicien, il assigne à la musique le rôle d'accompagner le texte poétique. Excellent dans le pathétique, le Métastase place au centre de son œuvre les intermittences du cœur et les conflits entre le devoir et la passion.
«
LE
THtATRE MODERNE
• On doit au Vénitien Carlo Goldoni
(1707-1793),
la réforme
de la comédie.
Il modernise
la commedia
dell'arte,
improvisée
sur des canevas
préexistants,
en créant
une comédie partiellement rédigée,
voire entièrement écrite à l'exemple
de l'Aubergiste (1750).
• Du Café (1750) au Bourru bienfaisant
(1711) en passant par la Petite Place
(1756) et Barouf il Chioggia (1762),
les comédies de Goldoni reflètent
les mœurs de son temps, notamment
celles de la bourgeoisie marchande
et du petit peuple.
• La réforme goldonienne est contestée
par le comte Carlo Gozzi (1120-1806),
auteur de l'Amour des trois oranges
(1761 ), qui opte pour un théatre de
divertissement où la fable et la fiction
rendent ses droits à la poésie.
L'ILLUMINISME
• Proches des Lumières, les« llluministes »
présentent toutefois une orientation
moins théorique et moins matérialiste
que les philosophes français.
Se battant
pour une saine vulgarisation de
la culture, ils refusent le puritanisme.
·Ces idées s'expriment dans la revue le
Cafté (1764-1766), qui est une émanation
de I'Academia dei Pugni, animée
notamment
par Alessandro
et Pietro Verri,
et surtout
par Cesare
Beccaria (1738-1794).
• Le traité
juridique
de Becarria,
Des délits et des peines (1764),
obtient une très large audience
dans toute l'Europe.
L'auteur y prône
la proportionnalité des sanctions
en fonction des fautes commises
ainsi que l'abolition de la peine de mort
LA CRITIQUE SOCIALE
• C'est de l'observation critique de
la noblesse que naît le grand poème
satirique Il Giorno (1763) de Giuseppe
Parini {1729-1799).
• À travers une série de tableaux efficaces,
le poète fustige la vie oisive et les mœurs
dégénérées des jeunes nobles.
Sous
l'Ironie pointe l'indignation, car Parini est
conscient du rôle social de la littérature.
LA TRAGtDIE
• Négligée jusque-là en Italie, la tragédie
s'illustre sous
la plume du
Piémontais V"lttorio Alfieri
{1749-1803)
qui en écrit
une vingtaine.
• Suivant
le précepte
d'Aristote,
Alfieri élimine les chœurs, réduit
le nombre des personnages, simplifie
l'intrigue, utilise des vers de onze
syllabes et puise ses sujets dans l'histoire.
• Dans Sauf {1782), son chef-d'œuvre,
Alfieri s'efforce, en flétrissant les tyrans, de
communiquer aux Italiens l'amour
de la liberté, le sens du devoir et le
culte de l'énergie.
En ce sens, Alfieri
prépare les esprits au Risorgimento.
LE RISORGIMENTO LITTÉRAIRE
NtocLASSICISME ET PRtlOMANTISME
• Avec le désenchantement provoqué,
après la Révolution française, par la
domination napoléonienne (1799-1815),
l'heure est à l'évasion.
Celle-ci s'exprime
à travers le néoclassicisme et le
préromantisme : le premier est basé
sur le purisme linguistique, le second
est influencé par la poésie sépulcrale.
• Ces deux courants aux frontières très
mouvantes sont illustrés par les écrits
de Vincenzo Monti (1754-1828), comme
Per la liberazione dell'ltalia (1801) qui
salue la victoire de Marengo, et par ceux
de Ugo Foscolo (1798-1827), auteur des
célèbres Sepolcri (les Tombeaux, 1807).
L'EXPRESSION DU ROMANTISME
• À
partir de 1815, Risorgimento
- « renaissance » -et romantisme
se confondent.
« Romantique »
est alors synonyme de « libéral » et
de « patriote" :l'écrivain romantique
est politiquement engagé.
L'introspection et la confession sont
les thèmes principaux de cette littérature,
à l'exemple de Mes prisons (1832)
de Silvio Pellico {1789-1854).
• L'écrivain le plus représentatif du
romantisme
est le Milanais
Alessandro Manzoni
{1785-1873),
premier
romancier de l'Italie
moderne.
Outre ses
Hymnes sacrés (1812-1822), traduits
par Goethe et admirés par Stendhal,
et Je Comte de Carmagnola (1816-1819),
il est l'auteur des Promessi sposi
(les Fiancés, 1827), son chef-d'œuvre.
• Écrits dans une langue inspirée
du toscan parlé, 1 Promessi sposi
évoquent les amours contrariés de
Lucia Mondella et de Renzo Tramaglino,
« laissés pour compte de l'histoire ».
LA POtSIE SENTIMENTALE
• Un autre visage du romantisme,
complémen
taire de celui
de Manzoni,
est illustré
par Giacomo
Leopardi
{1798-1837).
Chez ce « poète
de la douleur
cosmique"
qui refuse tout engagement politique,
lyrisme et mélancolie sont au centre
d'une esthétique du désenchantement.
• Que ce soit dans les Operette mora li
{1827) -œuvres en prose- ou dans ses
Chants {1816-1836), Leopardi exprime
un pessimisme qui devient universel
par le truchement des thèmes du
souvenir, de la solitude et de l'infini.
lA UTTtRATURE DE LA FIN
DU RISORGIMENTO
• La situation politique de l'Italie explique
l'engagement politique croissant de
la littérature, à l'image de l'œuvre du
garibaldien Ippolito Nievo (1831-1861), auteur
de Mémoires d'un Italien
(posthume, 1867).
• Consacré comme poète officiel,
Giosue Carducci {1835-1907) demeure
fidèle à une notion classique mais
patriotique de la poésie, avec
notamment ses Odes barbares (1893).
• Avec la Scapigliatura milanaise (1860-
1880) apparaît un courant de transition.
Opposé à la culture officielle, celui-ci
se tourne vers la folie, le macabre
et le morbide à l'exemple de l'œuvre
d'Arrigo Boito {1842-1918), auteur
de Dualismo (1864).
ENTRE ESTHÉTISME
ET IDÉOLOCIE
VtRISME ET otCADENTISME
• Annoncé par la Scapigliatura, le vérisme
prône le réalisme et le naturalisme.
Il est principalement méridional, voire
sicilien.
Son théoricien est le Catanais
Luigi Capuana (1839-1915).
• Maitre du vérisme, Giovanni Verga
-�-� ..........
(1840-1922),
auteur des
Malavoglia
(1881),
se distingue
par sa langue,
ni littéraire
ni dialectale,
et par le choix
de ses
personnages, paysans et pêcheurs
vaincus par la vie et par l'histoire.
• Prolongeant l'approche vériste, le
décadentisme désigne un courant aux
frontières incertaines, qui oscille entre
le futurisme, le symbolisme et l'esprit
de décadence issu des déceptions de
la période qui suit l'unification du pays.
·Tandis qu'Antonio Fogauaro (1842-
1911) se fait le chantre d'un moralisme
mystique avec le Petit Monde d'autrefois
(1895), Giovanni Pascoli {1855-1912)
cultive l'intimisme élégiaque dans
ses Myricae (1891 ).
• Esthète et nationaliste, Gabriele
D'Annunzio {1863-1938) offre un modèle
d'inspiration décadente.
De la Volupté
{1889) à la Fille de loria {1904) en
passant par Alcyon (1902), il exploite
toutes les ressources de la langue
dans un foisonnement d'Images,
de sons et de rythmes.
LITTtlATURE DE CRISE ET AVANT•GARDES
· Contre l'académisme et le positivisme,
les avant-gardistes jettent les bases
d'une nouvelle culture marquée
par l'idéalisme et l'irrationalisme.
• C'est le Triestin ltalo Svevo (1861-1928)
qui introduit la psychanalyse dans le
roman avec la Conscience de Zeno
{1923).
Outre sa langue grinçante et
son ton ironique, Svevo se distingue par
son pessimiste sur la nature humaine.
• Inaugurant le« théatre dans le théatre •
et le « théatre
de l'absurde "
Luigi
Pirandello
{1867-1936) se
penche sur les
altérations et le
dédoublement
de la
personnalité.
• Ces thèmes abordés dans ses pièces,
notamment Chacun sa vérité (1917)
ou Six personnages en quête d'auteur
{1921 ), prolongent une réflexion amorcée
dans ses romans et ses 311 nouvelles.
•
En renouvelant l'écriture dramatique
de l'entre-deux-guerres, Pirandello met
en scène un théatre critique qui exerce
une influence considérable en Italie
comme à l'étranger.
LE R6LE DES REVUES
• En ce début de xx• siècle, les revues
littéraires influent sur le renouvellement
de la culture italienne.
Ainsi à Florence,
l'engagement social et politique
est au centre des débats de la Voce
(1908-1916) qui s'efforce d'ouvrir
la littérature italienne aux influences
étrangères.
• À Rome, la Rondo (1919-1932)
regroupe les écrivains soucieux de
servir « l'art pour l'art» en bannissant
tout engagement éthique et politique
- ce qui leur évite de prendre parti
pour ou contre le fascisme.
LEs AUTRES GRANDS COURANTS IDtOLOGIQUES
• Proche des symbolistes français,
le Turinois Guido Gouano (1883-1916),
auteur de 1 Colloqui (1911) et des
Crépusculaires, préconise une poésie
du retour à la vie simple et quotidienne.
• À l'explosion du futurisme, lancé
en 1909 par Filippo Tommaso Marinetti
(1876-1944), succède l'hermétisme
et le cosmopolitisme de Giuseppe
Ungaretti (1888-1970) et Eugenio
Montale (1896-1981), auxquels
il faut ajouter le Sicilien Salvatore
Quasimodo {1901-1968) ainsi
qu'Umberto Saba (1883-1957).
LA LIT11 RATURE CONTEMPORAINE
LE NtORWISME
• Au lendemain de la chute du
fascisme, le néoréalisme, héritier
du vérisme, s'impose.
Condamnant la
culture hermétique et toute littérature
d'évasion, il rappelle les écrivains
aux devoirs du temps présent.
• Le néoréalisme trouve l'un
de ses ancrages dans la pensée
marxiste d'Antonio Gramsci (1891-
1937), notamment dans les réflexions
de celui-ci sur la littérature national
populaire.
• Parmi les maîtres du néoréalisme
figurent Elio Vittorini (1908-1966),
auteur de Conversation en Sicile
{1941), César Pavese (1908-1950),
qui signe notamment le Bel Été {1949),
et Alberto Moravia (1907-1989).
Après les Indifférents (1929), peinture
au vitriol de la bourgeoisie, ce dernier
poursui� avec Agostino (1944)
ou Raconti romani (1954), son étude
de la société, aidé par un réalisme sans
complaisance et un style dépouillé.
L'ENGAGEMENT
• À
côté du néoréalisme émerge une
littérature engagée autobiographique.
Du Christ s'est arrêté il Ebo/i (1945)
de Carlo Levi {1902-1975) à la Peau
(1949) de Curzio Malaparte (1898-1957),
en passant par Si c'est un homme
(1947) de Primo Levi (1919-1987),
tous ces textes témoignent et dénoncent
l'horreur des années noires.
• Avec la Storia (1975), chronique
haute en couleur où l'émotion reste
contenue, Elsa Morante (1912-1985)
prend position contre l'optimisme
des idéologies.
• L'engagement se traduit aussi par une
réflexion sur le rôle de l'écrivain -et de
l'homme -dans une société en mutation.
C'est le trait commun aux romans LA
NtO·AVANT·GARDE d'Ignazio
Silone (1900-1979),
de Leonardo
Schrsci'a (1921-
1989), de Paolo
Volponi (1924-
1994) ou de
Giorgio Bassani
(1916-2000).
• Née au début des années 1970, la néo
avant-garde se dégage progressivement
des idéologies.
Ainsi Pier Paolo Pasolini
(1922-1975), auteur d'Une vie violente
(1959), affiche un anticonformisme
provocateur grace auquel il met au jour
les contradictions de la sociéte italienne.
• Ce courant interroge aussi le langage
et sa technique, enrichissant la langue
par toutes sortes d'apports, y compris
dialectaux, comme Carlo Emilio Gadda
{1893-1973) dans l'Affreux Pastis de
la rue des Merles (1957).
LA UTltRATURE FANTASTIQUE
• Les écrivains de l'étrange ne manquent
pas dans l'Italie du xx• siècle, mais le
fantastique n!est pourtant qu'un aspect
de leur œuvre.
Il s'ag it plutôt d'une
incursion dans un monde inquiétant
situé à la lisière du nôtre.
• Étrangeté et absurde sont au cœur des
nouvelles et romans de Dino Buullfi
(1906-1912)
-Je Désert
des Tartares
{1940), les
Sept Messagers
(1942),
/eK(1966)-
et de ceux
néoréalisme
- les Sentiers
d'araignées
(1947) -au conte philosophique -
Nos aïeux (1960) -,de l'Idéal
écologique -Marcovaldo (1963) -
à la science-fiction -Cosmicomics
(1965) -,de la technique combinatoire
-Je Château des destins croisés (1973)
au « nouveau roman » -Si par une nuit
d'hiver un voyageur ...
{1973).
• Parmi les maîtres du langage,
le sémiologue
UmberloEco
(né en 1932)
s'inscrit à la
suite de Calvino
avec le Nom de
la rose (1984)
et le Pendule
de Foucault
(1989).
• Aujourd'hui, la littérature italienne
compte de nombreux talents qui placent
le plaisir du texte au premier rang
de leurs priorités, tels Claudio Magris
(né en 1939), Antonio Tabucchi (né en
1943), Daniele Del Giudice (né en 1943)
ou Susanna Tamaro (née en 1957)..
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