LA LITTÉRATURE ITALIENNE
Publié le 27/01/2019
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À part ces écrivains dont le style est parfaitement homogène, les variétés et la richesse dialectales continuent cependant de se mêler à la langue contemporaine, par exemple chez Carlo Emilio Gadda (1893-1973) qui a su, du Château d’Udine (1934) à La connaissance de la douleur (1962), offrir un univers baroque, d'une richesse formelle insoupçonnée et que nous avons découvert il y a peu, grâce à une traduction récente, ou chez Tommaso Landolfi (1908-1979). Né à Pico dans le Latium, Landolfi, très tôt antifasciste, a toujours occupé une position paradoxale dans les lettres italiennes: relativement méconnu, plutôt romantique, joueur invétéré, ses récits sont hantés de personnages bizarres servis par un humour glacé et une langue superbe comme dans Un amour de notre temps (1963).
Plus proche de nous, une nouvelle génération d'écrivains et de penseurs italiens s'incarne en Daniele Del Giudice, Antonio Tabucchi et Georgio Agamben, nés dans les années 1940. Ils évoluent aux carrefours de l'Europe et sont les représentants d'une Italie résolument moderne.
Le théâtre italien
Autrefois ronflant et excessif avec la commedia dell'arte et des auteurs comme Carlo Goldoni, le théâtre italien touche au sublime et à la modernité avec Luigi Pirandello (1867-1936). Poète, romancier, auteur de plus de 250 nouvelles il est surtout dramaturge avec quarante-trois pièces, de La marsa (L'étau, 1898) au Géant de la montagne (1937, inachevée). Il illustre avec génie un nouvel art dramatique basé sur la fracture qui existe en chacun, entre rêve et réalité, folie et raison et l'incommunicabilité de la subjectivité (Six personnages en quête d'auteur, Henri IV Ce soir on improvise). Il adhéra au parti fasciste en 1924. Dix ans plus tard, il obtint le prix Nobel et ses pièces restent parmi les plus jouées du répertoire mondial. Il inspira des auteurs aussi divers que Samuel Beckett, Harold Pinter ou Eugène Ionesco.
Eduardo De Filippo (1900-1984), l'un des rares écrivains napolitains, est le fils du dramaturge Eduardo Scarpetta et produit dès les années 1920, des pièces étranges en italien ou en dialecte. Il a parcouru toutes les formes de spectacle: revue,
Antonio Tabucchi est un des auteurs les plus lus d'Italie. Traducteur attitré de son maître Fernando Pessoa, il a entre autres écrit Nocturne indien, adapté à l'écran par Alain Corneau.
Alberto Moravia (1907-1990) est l'auteur d'une œuvre puissante et teintée de scandale. Dans presque tous ses écrits, on retrouve le thème de la difficulté de l'homme à s'adapter à une réalité sociale régie selon lui par l'ambition, le sexe, les rapports humains ambigus entre les deux sexes et les questions existentielles de l'homme. De nombreux cinéastes ont adapté ses romans à l'écran.
On pense ici à Mauro Bolognini qui a réalisé Agostino en 1944 ou à Jean-Luc Godard, auteur du Mépris (1955).
cabaret, opéra, radio, cinéma ... Réalisateur de films, obsédé par la misère sociale, la méchanceté et les inégalités, il réussit à masquer son pessimisme par une verve burlesque très moderne, avec entre autres Samedi dimanche et lundi (1959).
Dario Fo, né en 1926, illustre contestataire dès les années de doute politique à partir de 1968, connaît la gloire avec Klaxon, trompettes et... pétarades (1976) puis révolutionne la mise en espace des textes de Molière. Avec Le médecin volant (1991), il s'affirme comme l'un des plus brillants metteurs en scène de la fin du XX\" siècle et reçoit le prix Nobel en 1997. En 1998, il orchestre la cérémonie des Molières récompensant le monde du théâtre.
La mémoire éternelle
Curzio Malaparte (1898-1957) représente l'un des écrivains les plus tenaces de sa génération : fasciste avant d'être antifasciste, il n'eut depuis lors de cesse de s'opposer à Mussolini et vivait en exil à Paris quant il fut envoyé sur le front russe d'où il rapporta la matière du fameux texte Kaputt (1944) qui décrit la barbarie nazie. Avec La peau (1949) et Ces chers italiens (1961), Malaparte constitue bien l'âme noire du pays.
«
La
littérature italienne
Elio Vittorini (1908--1966).
Il est alors intimement
lié à tous les débats concernant la littérature en
gagée.
Le souffle poétique qui anime ce Sicilien,
se manifeste dès son premier roman L'œillet rouge
(1933), et dans son chef-d'œuvre Conversation
en Sicile (1941), qui fut interdit en Italie, en 1943.
Ce récit est le voyage à la fois réel, mythique et
allégorique, d'un jeune homme, Silvestre, qui
prend le train un soir sans l'avoir prémédité, tra
verse le pays du Nord au Sud pour embrasser sa
mère le jour de sa fête.
Dans ce roman, Vittorini
tente de forger un langage qui puisse « exprimer
un sentiment général ou une idée générale afin de
résumer les espoirs et les souffrances de tous les
hommes surtout s'ils sont secrets .»
!.:œuvre de Cesare Pavese (1908--1950) présente
certaines analogies avec celle de Vittorini.
Ses
romans et ses poèmes sont empreints du même
lyrisme teinté de classicisme.
La thématique du
courant néoréaliste les anime : Pavese développe
toujours les thèmes qui lui sont chers (la beauté
et la sauvagerie des collines du Piémont, la ban
lieue, le monde des paysans et des ouvriers, la
tristesse et la déception des vies ratées).
De son
premier récit Tes pays (1939), au dernier La Lune
et les feux de joie (1949), Pavese a construit un
cycle et une chronique historique et spirituelle de
son temps que l'on peut lire comme une saga
complète.
Son suicide à Turin, à l'hôtel Roma, le
26 août 1950, intrigua et suscita la publication
posthume de son journal, Le métier de vivre, en
1952, qui porte, à la date du 18 août 1950, « Plus
un mot.
Un geste.
Je n'écrirai plus.
''
Le regard et l'écriture
Dès son premier roman, Les indifférents (1929),
Alberto Moravia (1907-1989), affirme son origina
lité, tant dans son écriture que dans sa théma
tique.
Ses romans sont toujours ceux d'une crise
qu'il décrit avec une minutie chirurgicale, en
scrutant ses personnages dans leur plus secrète
intimité.
Voyeur impénitent, il scrute la société ita
lienne, dénonce les mœurs des Romains sous
Mussolini dont, étant d'origine israélite, il souffrit.
Moravia est l'auteur d'une œuvre puissante, scan-
' L'écrivain et sémiologue Umberto Eco
est plus connu pour son roman policier
médiéval, Le nom de la rose, que pour
ses essais sur les théories littéraires.
i Le désert des Tartares, réalisé par Valerio A Zurlini, d'après l'œuvre de Dino Buzzati.
daleuse, qui s'épanouit au fil des années, et reste
rivée à quelques grands thèmes : la famille, éternel
théâtre des conflits humains; les femmes, qu'il n'a
cessé d'observer et d'adorer, la tragédie de la vie,
la décadence, le sexe et le néant.
Nombre de ses
romans ont été portés à l'écran et sont devenus
des films cultes: Agostino (1944) de Mauro
Bolognini, Le mépris (1955) de Jean-Luc Godard,
L'ennui de Damiano Damiani (1960), La Ciociara
(1960) de Vittorio De Sica.
Sa compagne, Elsa Morante (1912-1985), puise
son inspiration dans les secrets de l'âme humaine.
Mensonge et sortilège (1948) évoque les rêves, les
désirs inassouvis et les frustrations de trois généra
tions de femmes en butte à la société.
La prose
somptueuse de cette fresque magnifie l'Italie du
Sud.
La Storia (1974) retrace les horreurs de la
guerre à travers les yeux d'un petit garçon né d'un
viol.
Ce roman qui évoque l'Italie éprouvée par la
guerre et le fascisme connaît un succès retentis
sant car le lecteur italien y retrouve la vie qu'il
mena pendant ces années terribles.
Une éternelle poésie
Giuseppe Ungaretti, l'un des plus grands poètes
italiens du XX' siècle, appartient au courant her
métique, né avec le futurisme.
Venu d'Alexandrie
en Égypte, Ungaretti fréquente très tôt les écoles
françaises et en 1912, après un bref séjour à
Florence, s'installe à Paris.
Plusieurs cultures sont
décrites à travers sa poésie cosmopolite.
Il fré
quente les futuristes comme Palazzeschi et Papini
puis part enseigner au Brés �l jusqu'au début des
années 1950.
Ses principaux poèmes sont parus
dans Vie d'un homme.
Symbole même de Trieste, «la plus étrange des
villes», le poète Umberto Saba (1883-1957) qui,
avec Ungaretti, Eugenio Montale et Salavatore
Quasimodo, transforme totalement la poésie ita
lienne, fut le contemporain de James Joyce et
d'ltalo Svevo.
Témoin de son temps, parfois pessi
miste, il est tiraillé entre des aspirations contraires
à l'image des terres encore sous l'emprise d'une
domination étrangère et dont il est issu.
Salvatore
Quasimodo (1901-1968), quant à lui,
est né à Modica en Sicile.
Beau-frère de Vittorini,
il entre en contact, dès 1929, avec les milieux her
métiques de la revue Salaria.
De culture clas
sique, cet autodidacte s'est formé au grec, au
latin et à toutes les langues européennes, ce qui
contribua à forger son langage poétique si parti
culier.
En 1959, il reçut le prix Nobel.
Mais celui qui contribua le plus sûrement à
renouveler la poésie italienne est Eugenio Montale
(1886-1981), prix Nobel en 1975.
Né à Gênes, tra
ducteur, critique musical, son style énigmatique
est marqué par un laconisme abrupt, une énergie
puissante et tenace, voire une certaine ascèse
notamment dans La tourmente (1956).
Enfin, plus marquée par le régionalisme, la poé
sie d'Attilia Bertolucci, né en 1911 à San-Lazarro
en Émilie, est l'auteur d'épopées familiales d'une
grande originalité.
Avec La campanna indiana
et Le voyage d'hiver, Bertolucci inscrit sa poésie
dans un chant panthéiste et ambigu, reflet de
la nature humaine, dont son fils Bernardo, réalisa
teur, saisit toute la force avec la fresque cinéma
tographique Novecento (1980).
Issu d'un milieu modeste, Pier Paolo Pasolini
(1922-1975) publie tout d'abord deux recueils
de poèmes en dialecte frioulan.
Sa découverte
du marxisme lui permet ensuite de composer
une œuvre centrée sur la vie des marginaux
et le prolétariat de la banlieue de Rome.
Son
œuvre cinématographique marque à jamais
le cinéma contemporain et prend sa source
dans les textes antiques, des contes anglais, ita
liens ou arabes mais aussi, dans la pure tradition
néoréaliste, dans les visages des femmes et des
hommes déchirés entre leurs turpitudes et la né
cessité de vivre.
Admiré par Pasolini, et certainement l'un des
poètes européens les plus originaux, il faut signa
ler Andrea Zanzotto, né en 1921 en Vénétie, qui
a publié des recueils marqués par les chroniques
villageoises du nord comme Le Ga/até au bois
(1979), Fosfeni (1983) et ldioma (1987).
D'autres
poètes italiens contribuent à vivifier l'univers lit
téraire italien et mondial tels l'hermétiste floren
tin Mario Luzi (né en 1914), le Triestin Sandro
Penna (1906-1977), ou le traducteur Giorgio
Caproni (1912-1990)..
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