Devoir de Philosophie

LA MAISON DU BERGER de VIGNY (analyse littéraire)

Publié le 27/06/2011

Extrait du document

vigny

Lorsque, le 18 juillet 1844, La Revue des Deux Mondes révéla au public La Maison du Berger, le rédacteur en chef, avec l'aveu du poète, accompagna cette présentation de la note suivante : « Ce poème est le prologue du volume des Poèmes philosophiques de M. Alfred de Vigny, dont les quatre premiers, La Sauvage, La Mort du Loup, La Flûte, Le Mont des Oliviers, ont été publiées dans cette revue. « Vigny songeait donc à constituer, pour faire pendant aux Poèmes antiques et modernes, un nouveau recueil dont le titre eût souligné la gravité d'inspiration et dont La Maison du Berger eût été le frontispice. La même année, il transcrivit dans son Journal un vers de cette pièce

vigny

« Viens du paisible seuil de la maison roulanteVoir ceux qui sont passés et ceux qui passeront. La Maison du Berger est un refuge où s'abriteront deux âmes d'élite meurtries par la civilisation industrielle ; un asiled'amour où l'Homme et la Femme pourront connaître les joies de l'extase partagée ; une demeure mouvante, d'où leshabitants peuvent contempler la splendeur indéfiniment renouvelée du paysage ; un sanctuaire du travail, enfin, oùs'enfante, aux heures de méditation, l'œuvre de poésie.

Elle répond à la fois aux aspirations du citadin mécontent,de l'amant ombrageux, du rêveur nostalgique, du poète fervent.

Elle illustre un art de vivre et un art d'aimer ; unesagesse et un idéal.La Maison du Berger, on le voit, ne ressemble pas à la demeure intime dont rêvait Des Grieux dans Manon Lescaut.Elle n'est pas destinée à devenir le cadre d'un bonheur égoïste.

Vigny, philosophe et poète, n'oublie pas sa mission.Comme poète, il ne croit pas qu'il faille, à l'exemple de Lamartine, descendre dans l'arène politique, mais il ne se jugepas libre de cultiver seulement, tel Gautier, les séductions de l'Art pour l'Art : la poésie est un diamant dont les feuxdoivent rayonner de loin, tels ceux d'une étoile.

Comme philosophe, il ne croit pas qu'il faille se mêler à la foule, maisne pense pas que l'on puisse s'en abstraire complètement : l'homme, abandonné par Dieu et dédaigné par la nature,ne peut trouver de consolation que dans la fraternité humaine.

La Maison du Berger n'est donc pas une thébaïde, niun monastère, ni surtout une tour d'ivoire ; elle s'ouvre sur le monde, où le poète puise son inspiration, où lephilosophe alimente sa pitié.

Le regard de ses hôtes se pose sur « ce que jamais on ne verra deux fois » ; et lasuccession de ces scènes fragiles constitue un drame poignant, où le spectateur est aussi un acteur.Ainsi La Maison du Berger implique, plus nettement que La Flûte, des convictions d'ordre spiritualiste.

Meurtri par sesdéceptions antérieures, le poète a foi, du moins, dans les vertus de la Poésie.

Il l'appelle « diamant pur », « fin miroir», « durable pierre » : c'est sur elle qu'il faut compter, et non pas sur les jeux stériles de la politique, pour préparerles temps nouveaux.

Certes, « le jour n'est pas levé » ; mais il se lèvera ; et cette aurore sera un miracle de 1' «Esprit pur ».

Cette croyance optimiste en un futur âge d'or s'affirme d'ailleurs avec plus de force encore dans lesdeux strophes d'une « réponse d'Eva », longtemps demeurées inédites et qui, désormais, doivent être associées à LaMaison du Berger : Le rideau s'est levé devant mes yeux débiles,La lumière s'est faite, et j'ai vu ses splendeurs ;J'ai compris nos destins par ces ombres mobilesQui se peignaient en noir sur de vives couleurs.Ces feux, de ta pensée étaient les lueurs pures,Ces ombres, du passé les magiques figures,J'ai tressailli de joie en voyant nos grandeurs.Il est donc vrai que l'homme est monté par lui-mêmeJusqu'aux sommets glacés de sa vaste raison,Qu'il y peut vivre en paix sans plainte et sans blasphème,Et mesurer le monde et sonder l'horizon.Il sait que l'univers l'écrase et le dévore ;Plus grand que l'univers qu'il juge et qui l'ignore,Le Berger a lui-même éclairé sa maison.. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles