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La marquise de Merteuil, une femme moderne ?

Publié le 06/12/2019

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cœur blessé du caractère de Mme de Merteuil. » Sa stratégie est sans faille : elle connaît le point faible de l'adversaire et le manœuvre à son insu. Qu'il s'appelle Cécile ou Belleroche, elle instrumentalise l'autre, en fait un automate. Elle compense l'infériorité à laquelle la féminité l'assigne par une volonté de puissance castratrice. Elle raille, persifle, sachant que tout mot est blessure, parce qu'elle trouve dans l'exercice de la cruauté une stimulation inventive. Que ce soit au théâtre ou chez elle, Frears lui confère des positions élevées ; il multiplie les reflets de sa personne dans les miroirs. Elle règne, dominatrice, sur un espacecomplexe, qui trahit le caractère machiavélique de ses plans.

Les Liaisons dangereuses

Pierre-Ambroise-François Choderlos De Laclos

« 12 0 cœur blessé du caractère de Mme de Merte uil.

» Sa stratégie est sans faille : elle conna ît le point faible de l'adversaire et le manœuvre à son insu.

Qu' il s'appelle Cécile ou Be lleroche, elle instrumentalise l'autre, en fait un automate.

Elle compense l' in­ féri orité à laquelle la féminité l'assigne par une volonté de puiss ance castratrice.

Elle raille, persifle, sachant que tout mot est blessure, parce qu'elle trouve dans l'exercice de la cruauté une stimulation inventive.

Que ce soit au théâtre ou chez elle, Frears lui conf ère des positions élevées ; il multiplie les reflets de sa personne dans les miroirs.

Elle règne, domina trice, sur un espace complexe, qui trahit le caractère machiavélique de ses plans.

Ill.

Une figure du mal Une virtuose de ocr isie Hypocrite au sens étymologique du mot, Mme de Merteuil est une actrice-née.

La succession des lettres révèle ses multip les visa ges, conseillant à la mère Je mariage de Cécile avec Gercourt (CIV), à la fille la liaison avec Valmont (CV).

Dans la lignée de Tartuffe, elle sait mentir avec ostentation.

Glenn Close interprète ce rôle avec maestria.

Comme Hélène Weigel, l'actrice de Brecht, elle sait composer son visage : « Je devins rêveuse, à tel point qu'on fut forcé de s'en aperce voir.

J'eus l'adresse de m'e n défen­ dre maladroitement ».

Elle commande à sa voix : devant Prévan pris en flagrant délit, elle joue à la tragédienne ( (< prenant mon ton de reine », LXXX V).

Le film circonscrit la Marquise dans le cercle de la théâtral ité : la première image la mon tre en train de se farder ; la dernièr e la dévoile dans Je dénuement d'un clown triste.

Malraux substitue au jeu théâtral le jeu de cartes, lequel n'a selon lui que « deux couleurs : la vanité, le désir sexuel.

Vanité contre vanité, vanité contre désir, désir contre vanité.

» Une styliste hors pair L'échange épistolaire le plus conséquent a lieu entre les libertins : Valmont envoie 34 lettres à la Marquise, celle-ci lui en adresse 22.

Outre son ancien amant, elle compte peu de corres pondants, mis à part les jeunes gens.

L'écritur e constitue pour elle non une man ière d'être, mais d'agir.

Sa conception de la lettr e repose sur la per sonnalité du destinataire : «Quand vous écrivez à quel qu'un, c'est pour lui et non pour vous » (CL).

Outre le correspondant, le second élément à consi dérer est le vécu : (( Chaque sentiment a son langage >> (CXXI).

Elle forme ainsi la plume de Danceny, l' invitant à qui tter ((ce ton de cajolerie >>.

Si elle éduque les néophytes, elle s'institue juge de son rival, lui faisant prendre conscience de la portée de ce qu'il écrit : « Ce n'e st plus l'adorable, la céleste Mme de Tourvel, mais c'est une femme étonnante, une femme délicate et sensible » (CXXXIV).

Les mots consti tuent ses armes.

Laclos admire l'affirmation de sa liberté et l'exercice de son intell igence, mais il dénonce les agissements d'une arist ocrate aux mœurs dissolues.

Défigurée par la petite vérole, la Marquise ne subit pas le châtiment d'un Dieu vengeur, mais la condamna­ tion d'un romancier, qui la frap pe dans ce qui lui permet tait d'agir : son apparence.

Le dénouement retenu par Frears s'accorde davantage aux mentalités contemporaines : l'h umilia tion subie au théâtre, dernière métaphore du theatrum mundi, lève le masque de l'hy pocrite et met à nu ce mal qui fascinera Baudelaire, Artaud et Bataille.. »

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