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La mise en œuvre dans Antigone d'Anouilh

Publié le 23/01/2020

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antigone

modèle grec : non seulement il le fait intervenir plusieurs fois, mais il le multiplie et ce sont bientôt trois gardes qui apparaissent sur la scène, également lâches, naïfs, et rigolards dès que le danger est passé et que leur vie n’est.plus menacée.

Il y a un autre comique, tout aussi traditionnel et qui provient plutôt de l’héritage de Courteline. C’est le comique que suscite le fonctionnaire, plus exactement le « préposé ». Même respect superstitieux de la consigne, même préoccupation de la solde et de l’avancement, même langage, et, si l’on peut dire, même accent : l’accent « gendarme », avec un mélange savoureux de vulgarité et de vocabulaire technique. Un seul impératif : pas d’histoires ! c’est également aux Gaietés de F escadron et au Train de 8 h 47 que font penser les joyeuses gaudrioles et les grossièretés des trois gardes quand ils évoquent le « gueuleton » qu’ils vont « se payer pour fêter ça ! » ou les orgies escomptées au « Palais arabe ».

Mais rien de tout cela n’est gratuit, Ce comique troupier n’a aucune valeur en soi, et Anouilh ne l’a introduit que parce qu’Antigone est présente. Rappelons-nous : elle vient d?être arrêtée, elle a les menottes aux mains, et, sans s’occuper d’elle, les gardes échangent leurs lourdes. blagues et leurs plaisanteries équivoques. Les spectateurs les entendent, mais ils n’ont plus envie de rire, parce qu’ils les entendent par les oreilles d’Antigone. C’est le contraste entre la situation de la jeune fille et l’indifférence des trois hommes qui fait toute la valeur de la scène. Il est une autre scène où ce contraste est encore plus marqué, et devient presque insoutenable. C’est le moment où,, juste avant de mourir, Antigone est restée seule avec le garde. A ce dernier instant, elle aurait besoin d’un peu de chaleur humaine, et elle interroge l’homme sur sa famille, puis sur sa profession. Et lui, l’imbécile, se lance dans de longues considérations sur la différence entre les sergents et les brigadiers. Le moins qu’on puisse dire est que ce n’était pas le moment.

La deuxième partie de la scène, qui nous montre Antigone dictant au garde sa lettre à Hémon, est un merveilleux exemple de ce que deviennent les mots quand ils passent d’une bouche dans l’autre. Antigone s’apprête à dicter et le gros homme a sorti son carnet. Avec un rire entendu, il interroge : « C’est pour votre bon ami? » La voix, les termes, l’écriture, tout cela fait frissonner Antigone. Elle commence

antigone

« se succèdent, annoncées successivement par le messager, puis le Chœur : la mort d' Antigone, celle d'Hémon, celle d'EurydJce.

Du Shakespearé alors? Du sang, de l'horreur, une violence sauvage destinée à nous faire frissonner? Pas du tout.

On pourrait comparer sur ce point le rythme de la pièce d' Anouilh à celui d'une symphonie dont le dernier · mouvement serait un « adagio )l, Le moment de la fièvre est passé.

Tous les personnages ont crié ce qu'ils avaient à dire.

Leur flamme est maintenant éteinte.

Pour les survivants, il ne s'agit même plus de récriminer contre le sort.

Ils ne s'in­ surgent pas contre l'aveugle fatalité : elle les comblerait plutôt.

Quand le messager annonce qu'Antigone et Hémon sont morts, Créon dit simplement : " Je les ai fait coucher l'un près de l'autre, enfin! Ils sont lavés, maintenant, reposés.

f.ls sont seulement un peu pâles, mais si calmes ..

" Les termes sont significatifs : ce sont les mêmes à peu près qu'emploiera le Chœur pour raconter la mort d'Eurydice : " On pourrait croire qu'elle dort.

" Enfin ! semblent-ils dire tous, et avec l'auteur, enfin, ils vont pouvoir dormir ! Ils sont "tranquilles ))' '' calmes >>, et pendant que la lumière baisse peu à peu, " un grand apaisement triste tombe sur Thèbes et sur le palais vide où Créon va commencer à attendre la mort ».

Rien n'est plùs émouvant que cette fin feutrée, et cette lente tristesse sans larmes.

L'ART DES CONTRASTES Ce n'est pourtant pas sur cette note seule qu'Anouilh va laisser les spectateurs, et la dernière vision qu'ils emporteront de la pièce sera celle des gardes, jouant aux cartes et abattant leurs atouts.

Il faut faire ici sa place à un comique de dérision, qui alterne avec le tragique ou se combine avec lui.

Oui, dans une pièce aussi profonde, aussi dense, aussi boulever­ sante, Anouilh n'a pas hésité à utiliser des personnages et des procédés qui appartiennent au genre comique.

Il a d'abord tout naturellement emprunté à Sophocle le personnage du garde, qui est un personnage de comédie et même de farce.

Il ressemble à des valets de Plaute ou de la comédie italienne, ou même au Sosie de Molière.

Comme eux c'est un pleutre, et ses atermoiements nous àmusent.

Il bafouille, il tremble, il est vert de peur.

Mais Anouilh a été bien plus loin que son 59. »

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