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La NOUVEAUTÉ D'HERNANI D'HUGO

Publié le 16/05/2011

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On comprend qu'Hernani ait plu à la jeunesse, qu'elle ait fait de ce drame le Cid du Romantisme et l'ait imposé à l'opinion lettrée en plusieurs batailles célèbres. Hernani donne dès l'abord une impression de vie alerte, de vision neuve. Le sujet n'est pas antique et l'auteur a utilisé sa liberté d'invention, affranchie des règles, pour tenir sans arrêt notre curiosité en haleine. — a) De l'intérieur d'un vieux palais de Saragosse, la scène passe au patio du palais, puis au château de Silva dans les montagnes, ensuite aux caveaux sombres qui renferment le tombeau de Charlemagne à Aix-la-Chapelle; enfin elle nous ramène à Saragosse, sur la terrasse du palais d'Aragon. — b) Dans l'intrigue même, quelle attrayante complexité ! Une belle jeune femme se voit disputée par trois hommes; l'un est son oncle, le vieux dut Ruy Cornez; l'autre est le roi d'Espagne en personne, Don Carlos, futur Charles-Quint; le troisième, Hernani, apparaît en proscrit, en mystérieux chef de bande, qui a son père à venger sur la personne du roi : c'est lui qu'aime Dona Sol. Mais Hernani est en réalité un grand d'Espagne, qui se révélera à l'avant-dernier acte.

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« profondément dans le caractère même de Don Carlos, et le grotesque au sublime dans celui de Ruy Gomez.

Au degrésuperficiel, rien de tel dans les tragédies classiques, où régnait une noble unité de ton.

Mais au degré profond, lePrusias et le Félix de Corneille, te Néron de Racine pouvaient déjà donner satisfaction à Hugo.Hernani offre des spectacles variés, brillants, pleins d'intérêt; une riche mise en scène, une abondante couleurlocale dans le décor, les costumes, les tableaux de moeurs, donnent au spectateur le plaisir des yeux et del'imagination.

— a) C'est d'abord la vieille demeure seigneuriale de Saragosse, c'est le tocsin qui sonne sur la ville,toutes.

les fenêtres qui s'éclairent, les flambeaux qui illuminent les rues.

Puis, dans les caveaux d'Aix-la-Chapelle,sous leurs voûtes cintrées et basses, une unique lampe éclaire l'inscription du tombeau de Charlemagne; maisbrusquement, quand trois coups de- canon ont annoncé l'élection du roi d'Espagne à l'Empire, on voit resplendirl'éclat des torches et des pertuisanes, se déployer le cortège somptueux des Grands d'Espagne.

— b) C'est aussitout un luxe de costumes : les Grands d'Espagne avec leurs manteaux noirs et leurs chapeaux à larges bords,ensuite richement costumés pour le bal; Hernani dans son costume gris de montagnard avec une ceinture de cuir etses armes, et, à la fin, dans son pourpoint de velours noir, la Toison d'or passée au cou; Doria Sol en robe blanche,apparaissant toute parée pour le mariage, environnée de pages, de valets et de femmes; le Roi lui-même en tenuede guerre, suivi d'une foule de gentilshommes armés et de soldats.

Tout le drame d'Hernani respire le lyrisme; il semble que chaque personnage veuille se montrer lyrique avant tout,indépendamment de l'action où il se trouve engagé, et saisisse tout prétexte d'amour, d'ambition, d'héroïsme, pourexprimer, pour chanter des émotions de poète, les émotions d'un poète qui est Victor Hugo.

Grande différence avecce qui se passait dans la tragédie classique.

Il n'y a eu de lyrique dans, la tragédie — à part les choeurs d'Esther etd'Athalie, nouveauté tardive — que les stances de Rodrigue et celles de Polyeucte, certaines répliques dès dialoguesentre Chimène et Rodrigue, entre Pauline et Polyeucte, et le délire prophétique de Joad.

Encore ces envoléeslyriques coïncidaient-elles avec l'action; loin de gêner le mouvement de la pièce., elles étaient ce mouvement mêmedans sa plus grande intensité : en effet, quoi de plus lyrique que des stances ? et cependant les stances du théâtreclassique traduisaient hésitations, prières, décisions tout à fait dramatiques.

Au contraire, c'est pour sa valeurproprement lyrique que le lyrisme d'Hernani a été voulu par l'auteur.

Hugo a manoeuvré l'action du drame, comme 'sic'eût été un livret d'opéra, pour amener les duos de Doria Sol et d'Hernani, les invocations de Ruy Gomez auxportraits de ses ancêtres, morceau de bravoure, et le monologue de Don Carlos au tombeau de Charlemagne, solode choix ! A comparer le monologue de Don Carlos avec un monologue classique, par exemple celui d'Auguste dans Cinna, oucelui de Mithridate, on en voit nettement le vrai caractère.

Le monologue classique était fort court et d'ailleursassez rare; la tragédie préférait utiliser les confidents pour les aveux d'incertitude de ses personnages, pour larévélation de leurs combats intérieurs, pour ses expositions.

Aussi le monologue de la tragédie gardait-il une forcetout particulièrement dramatique, il soulignait la situation psychologique d'un personnage, ou bien il contenait enpuissance toute l'action qui allait suivre : tandis que le monologue romantique n'est plus guère que lyrique etphilosophique.

Celui de Don Carlos, où toute l'Europe du siècle apparaît comme du haut d'une tour géante,interrompt l'action pour un épanchement de rêverie, pour un poème méditatif.

Il est beau, mais bien long : 165 vers! Le roi en a oublié les conjurés, on dirait -que les conjurés attendent qu'il ait fini.

Les thèmes n'ont absolumentplus, rien de dramatique : le Pape et César, le destin des grandeurs humaines,' l'ivresse de dominer tous les hommes,la force de l'océan populaire et la faiblesse des rois, la nécessité d'être grand, la présence troublante deCharlemagne...

Est-ce vraiment une scène de théâtre ? C'est une « petite épopée » de la Légende des siècles, c'estpresque une Contemplation. Le style d'Hernani est étincelant; les vers, les tirades, les couplets éclatent de jeunesse, de ferveur amoureuse,d'audace enthousiaste.

Style et versification obéissent à l'inspiration personnelle du poète, au moins autant qu'auxexigences de situations et de caractères. III.

— LES AUTRES DRAMES D'HUGO Les nouveautés relevées dans Hernani se retrouvent plus ou moins heureusement marquées dans tout le théâtred'Hugo.L'action des drames d'Hugo, à l'aise dans le temps et l'espace, est mouvementée, amusante de diversité, riche eneffets de surprise et en coups de théâtre.

Quoi de plus imprévu, de' plus saccadé, de plus continûment surprenantque Ruy Blas, ce laquais amoureux d'une reine, qui arrive à se faire aimer d'elle, qui devient favori et premierministre, qui accomplit une belle oeuvre de grand homme d'Etat, tout cela grâce à la machination infâme d'un hommequ'il finit par tuer, à des séries de déguisements héroï-comiques, à une bizarre maison secrète et à un véritable jeude cache-cache dans le palais.

Les caractères des drames d'Hugo apparaissent tous exceptionnels, très loin de la communauté humaine.

Ruy Blas :un laquais génial qui mérite vraiment l'amour de la reine; Triboulet : une âme de père sublime chez un êtreméprisable; Frédéric Barberousse : la sauvagerie féodale faite homme et tout ensemble la Providence qui veutpardonner.

Chacun *d'eux est une antithèse animée.. »

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