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LA PRISON ET L'ECHAFAUD - LE ROUGE ET LE NOIR DE STENDHAL (Analyse du roman)

Publié le 14/03/2011

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Julien Sorel a été aussitôt arrêté et conduit dans cette prison de Verrières, où jadis la chanson d'un détenu l'avait ému jusqu'aux larmes. Il est dans un état de demi-inconscience, et s'endort profondément.

Au réveil il écrit à Mathilde : « Je me suis vengé. Malheureusement, mon nom paraîtra dans les journaux, et je ne puis m'échapper de ce monde incognito. Je mourrai dans deux mois... Permettez-moi la vérité en ce moment suprême : vous m'oublierez. Cette grande catastrophe, dont je vous conseille de ne jamais ouvrir la bouche à un être vivant, aura épuisé tout ce que je voyais de romanesque et de trop aventureux dans votre caractère... Que tout ce qui doit se passer soit accompli en secret et sans vous compromettre. Vous prendrez un faux nom, et n'aurez pas de confident. S'il vous faut absolument le secours d'un ami, je vous lègue l'abbé Pirard... Un an après ma mort, épousez M. de Croisenois, je vous l'ordonne comme votre époux. « La lettre est à peine partie qu'il apprend par son geôlier que Mme de Rénal n'est pas morte, qu'elle n'est même que légèrement blessée.

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« Voici donc Julien dans la salle des assises, au banc des accusés.

L'affluence est énorme.

Un murmure d'étonnementet de tendre intérêt l'accueille.

« On eût dit qu'il n'avait pas vingt ans; il était mis fort simplement, mais avec unegrâce parfaite; ses cheveux et son front étaient charmants; Mathilde avait voulu présider elle-même à sa toilette.

»Malgré sa pâleur, il est très maître de lui.

Un gendarme assis à ses côtés lui nomme les belles dames qui se pressentdans les tribunes, et une vive rougeur se répand sur le visage de Julien lorsqu'il entend le nom de Mme Derville,l'amie de Mme de Rénal.

Les témoins se succèdent à la barre; l'avocat général prononce un emphatique et sévèreréquisitoire; puis l'avocat de l'accusé prend la parole à son tour, et il parle si bien que presque toutes les femmestirent leur mouchoir.

Julien lui-même céderait peut-être à l'attendrissement, s'il ne surprenait un regard insolent deM.

le baron de Valenod.

—« Les yeux de ce cuistre sont flamboyants, se dit-il; quel triomphe pour cette âme basse!Quand mon crime n'aurait amené que cette seule circonstance, je devrais le maudire.

Dieu sait ce qu'il dira de moi àMme de Rénal ! » Cette idée efface en lui toutes les autres.

A l'avance, et malgré les supplications de Mathilde, ils'était promis de ne pas dire un mot pour sa défense.

Maintenant, le sentiment d'un devoir à remplir le pousse etl'exalte, et quand, à minuit, après une courte suspension de séance, le président lui demande s'il a quelque chose àajouter, il se lève : Messieurs les jurés, L'horreur du mépris, que je croyais pouvoir braver au moment de la mort, me fait prendre la parole.

Messieurs, je n'aipoint l'honneur d'appartenir à votre classe, vous voyez en moi un paysan qui s'est révolté contre la bassesse de safortune. Je ne vous demande aucune grâce, continua Julien en affermissant sa voix.

Je ne me fais point illusion, la mortm'attend : elle sera juste.

J'ai pu attenter aux jours de la femme la plus digne de tous les respects, de tous leshommages.

Mme de Rénal avait été pour moi comme une mère.

Mon crime est atroce, et il fut prémédité.

J'ai doncmérité la mort, messieurs les jurés.

Mais quand je serais moins coupable, je vois des hommes qui, sans s'arrêter à ceque ma jeunesse peut mériter de pitié, voudront punir en moi et décourager à jamais cette classe de jeunes gensqui nés dans une classe inférieure et en quelque sorte opprimés par la pauvreté, ont le bonheur de se procurer unebonne éducation, et l'audace de se mêler à ce que l'orgueil des gens riches appelle la société. Voilà mon crime, messieurs, et il sera puni avec d'autant plus de sévérité, que dans le fait je ne suis point jugé parmes pairs.

Je ne vois point sur les bancs des jurés quelque paysan enrichi, mais uniquement des bourgeoisindignés... Dès lors, le verdict n'est plus douteux.

Au suprême défi qu'il vient de porter aux bourgeois et aux riches, les douzejurés répondent en le déclarant à l'unanimité coupable de meurtre avec préméditation, et cette déclaration entraînela peine de mort qui est immédiatement prononcée.

Il se laisse emmener par les gendarmes, sans rien perdre de soncalme et de sa dignité.

Son seul regret est de mourir sans avoir revu Mme de Rénal, sans avoir pu lui dire un dernieradieu. Il accueille Mathilde avec bonté lorsqu'elle entre le lendemain dans sa cellule de condamné à mort.

Il a pitié d'elle, etflattant sa manie, « jouant sur son caractère avec tout le sang-froid d'un pianiste habile qui joue du piano », il luidemande si Boniface de La Môle a pu se comporter devant ses juges mieux qu'il ne vient de faire lui-même.

Mais, endépit de ses instances, il refuse de signer son pourvoi. Une heure après, comme il dormait profondément, il fut éveillé par des larmes qu'il sentait couler sur sa main.

Ah îc'est encore Mathilde, pensa-t-il, à demi éveillé.

Elle vient, fidèle à la théorie, attaquer ma résolution par lessentiments tendres.

Ennuyé de la perspective de cette nouvelle scène dans le genre pathétique, il n'ouvrit pas lesyeux... Il entendit un soupir singulier ; il ouvrit les yeux : c'était Mme de Rénal. C'est elle, en effet, elle qui l'aime encore, elle qui n'a jamais cessé de l'aimer, elle qui va l'amener sans peine à signerle pourvoi.

Dans sa solitude et sa détresse, elle était tombée sous la domination de son confesseur, un jésuite,l'abbé Maslon; faible, craintive, elle s'était laissé dicter par lui la lettre accusatrice à l'adresse de M.

de La Môle, lalettre qui a fait tout le mal.

Mais comme elle s'en était repentie ! comme elle eût voulu ne pas survivre à la blessureque lui avait faite le pistolet de Julien ! comme il lui eût été doux de mourir de sa main ! Elle n'a cessé depuis lors deveiller de loin sur lui, lui assurant à prix d'or les bons soins du geôlier, écrivant à chacun des jurés pour les supplierd'épargner une tête si chère ! Et maintenant, malgré la promesse qu'elle a faite à son mari, en partant pourBesançon, de n'y pas bouger de sa chambre, elle est là, dans les bras de Julien, s'accusant d'être l'unique cause desa perte, implorant son pardon. Quelle horreur m'a fait commettre la religion ! lui disait-elle ; et encore j'ai adouci les passages les plus affreux decette lettre. Les transports et le bonheur de Julien lui prouvaient combien il lui pardonnait.

Jamais il n'avait été aussi fou d'amour. — Je me crois pourtant pieuse, lui disait Mme de Rénal dans la suite de la conversation.

Je crois sincèrement en Dieu; je crois également, et même cela m'est prouvé, que le crime que je commets est affreux, et dès que je te vois,. »

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