La problématique du rapport entre maîtres et valets vous paraît-elle plutôt s'inscrire dans le domaine théâtral ou dans le contexte politique et social du XVIIIe siècle ?
Publié le 17/01/2022
Extrait du document
«
III.
Les implications socio-politiques ou historiques du couple maître(s) / valet(s) au XVIIIe siècle
1.
Un hasard qui fait bien les choses : Le jeu de l'amour et du hasard rétablit les unions dans un schéma «politiquement correct ».
En jouant outrageusement au grand seigneur, Arlequin se rend ridicule aux yeux de Silvia,qui le trouve « plaisant « (I, 7), tandis qu'elle se montre bien plus intéresséepar Dorante, qui la « surprend » (I, 4) dès leur première rencontre, et son jugement est très explicite dans sonaparté de la fin de la scène 8 de l'acte I : « Aucun de ces deux hommes n'est à sa place.
» On peut observer lesmêmes surprises pour les autres personnages, l'aparté prenant une importance considérable, tant il permet depréciser l'évolution des personnages.
L'amour permet de confirmer la légitimité de la naissance : un valet ne peutséduire qu'une suivante, car son langage et son comportement ne sont pas appropriés autrement ; l'inverse légitimela qualité des « âmes bien nées ».
On rencontre un schéma semblable dans La Double Inconstance.
2.
Les schémas se compliquent néanmoins dans des pièces telles que L'île des esclaves (1725), où se trouve remiseen question cette légitimité (cf.
scène 1).
Très nette est à cet égard la réflexion de Cléanthis : « Je n'étais cesjours passés qu'une esclave ; mais enfin me voilà dame et maîtresse d'aussi bon jeu qu'une autre ; je la suis parhasard ; n'est-ce pas le hasard qui fait tout ? qu'y a-t-il à dire à cela ? J'ai même un visage de condition ; tout lemonde me l'a dit.
» (scène 6).
Dans la scène 9, Arlequin se montre même plus noble de coeur que son maîtreIphicrate.
Toutefois, cette dévalorisation de la noblesse n'a rien de « révolutionnaire » : il s'agissait plutôt ici d'uneépreuve de vérité, à l'issue de laquelle chacun reprend sa place : Arlequin précise dans la scène 10 que l'habit deson maître, qu'il avait revêtu par défi, est « trop grand pour [lui] ».
Il n'empêche que ni le jeu ni le hasard n'onttourné à l'avantage des maîtres, même s'il s'agit ici d'esclaves, et non de valets.
3.
On observe, du Barbier au Mariage, une évolution des 'rapports entre maître et valet.
Dans le Barbier, Figaro estun personnage hybride, au lourd passé « picaresque « (I, 2), d'où il ressort que l'homme de lettres ou l'homme libresont souvent persécutés, à partir du moment où ils n'ont pas de naissance.
Sa rencontre est une aubaine pour lecomte, qui va l'utiliser pour entrer dans la place défendue par Bartholo le vieux barbon, réplique d'Arnolphe deL'École des femmes.
En fait, c'est Figaro qui mène le jeu et qui montre à Almaviva comment il faut faire et en quoic'est « l'ivresse du peuple » qui « est la bonne » (I, 4).
Il est intéressant de noter que c'est Bartholo qui pestecontre le siècle (des Lumières, cf.
I, 3, par exemple), et non Almaviva, plutôt tiré du côté de la jeunesse et de latransgression, puisqu'il arrache Rosine aux griffes de son tuteur.
Rien de commun avec Le Mariage : cette fois-ci,Figaro doit épouser Suzanne, mais celle-ci intéresse Mmaviva qui, investi d'une autorité despotique, veut d'abordexercer l'antique droit de cuissage sur la promise de Figaro (I, 1), puis y renonce, mais cherche malgré tout à laséduire et à retarder le mariage de son ancien allié.
L'affrontement est réel et tourne, après de nombreusespéripéties, à l'avantage de Figaro et à la confusion du comte.
Non seulement son pouvoir est remis en cause, pourêtre trop abusif, mais il se trouve en somme annihilé.
L'esprit de Figaro et l'amour triomphent, dans une résolutionfinale qui pour beaucoup annonce la Révolution.
Conclusion
il y a bien une évolution et une problématisation de la notion fonction de catharsis du théâtre.
Prise de consciencedes exigences du siècle, des transformations présentes et futures..
»
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