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La psychologie du sentiment religieux dans Athalie

Publié le 09/02/2012

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Voltaire prétendait, en un jour de mauvaise humeur, qu'Athalie est une « tragédie de collège «, au plus bonne à délasser des pensionnaires privées de toute autre distraction. Le sentiment religieux qui anime et transfigure les personnages, voilà ce dont s'irritait le sarcastique écrivain. Il ne lui etait pas donné d'admirer sous son vrai jour l'oeuvre quil estimait « divine « parce qu'elle est régulière. La sublimité d'Athalie lui vient du mélange du divin: et de l'humain, ou mieux de la transformation de l'humain par le divin, dans les sentiments des Juifs fidèles, et de la haine même du divin, dans les impies qui luttent contre Jéhovah et son temple.

« religieux demeure vivace.

C'est le sentiment religieux qui conduit le général d'Athalie au temple, où «la trompette sacrée~ de la Pentecôte appelle le peuple; c'est le sentiment religieux qui entretient en son cœur la tristesse à Ja pensée de la domination d'une dynastie étrangère; c'est le sentiment religieux qui le fait tressaillir quand, à la parole de Joad, il entrevoit que peut--être, en sa fureur, Atha.lie s'est trompée et qu'un héritier de la race de David survit au massacre des enfants d'Ochosias.

Mais autant Abner souhaite possible pour lui-même le partage entre le service d'Athalie et la fidélité à Jéhovah, autant Joad s'irrite d'une lâcheté qu'il estime sacrilège.

Du grand prêtre, Joad a le dévouement et l'indépendance; du fonctionnaire tremblant, Abner a le servilisme sans dignité.

Il pleure comme une femme; aussi bien y a-t-il quelque chose de féminin dans ce caractère, moins éner­ gique même que celui de la timide Josabeth.

Depuis «huit ans déjà passés» qu'elle a sauvé Joas dans la chambre où Un_poignard à la main, l'implacable Athalie Au carnage animait ses barbares soldats, Josabeth a vécu ses jours dans la crainte et ses nuits dans l'angoisse.

Par ses prières et ses larmes, elle demande à Dieu de Conserver l'héritier de ses saint-es promesses; et cependant elle s'effraie de l'acte décisif qui va replacer Joas sur le trône de David.

Ainsi l'action divine se subordonne dans les âmes aux qualités et aux faiblesses natives, et y laisse subsister la variété de leur complexion humaiu'l; elle perfectionne les tendances, mais ne détruit pas les indivi­ dualité!, A Joas, dont l'esprit a devancé l'âge, le sentiment religieux a commu­ niqué une « noble pudeur », « son air grave et modeste », et une sorte de divination qui, d'instinct, le détourne d'Athalie; mais il ne lui a rien enlevé de son tendre abandon pour celle qu'il croit être sa mère, pour son frère 'Zacharie et pour ses compagnons.

On ne sait ce qu'îl faut admirer davan- tage, dans l'art de Racine, ou de la puissance d'analyse qui scrute l'âme de Joad, ou de la subtilité émue qui place sur les lèvres de Joas des réponses dont, sans doute, il ne mesure pas la portée, mais qui ne font pas disparate avee sa candeur naïve, tant elles sont habilement préparées.

Comme le chœur antique, la phalange des jeunes Israélites ne· sait que priev, admirer, maudire.

C'est à Dieu que montent toutes ses paroles.

Ses fluctuations entre la crainte et la confiance, la terreur et l'enthousiasme en font un personnage humain et religieux qui a sa raison d'être sur la scène, parce qu'il y a un intérêt à représenter et à défendre.

Son rôle est celui de la mystérieuse puissance d'intercession dans ua drame où, ·par le secours de Dieu, la faiblesse doit, contre toute attente, triompher de « l'impie étra.n­ gère ~ et des méchants qui traitent d'insensée la confiance du peuple fidèle.

Cette « impie », ces « méchants » qui de la cité sainte « ne verront point l'éternelle splendeur », c'est Athalie, Mathan, et les exécuteurs de leurs complots.

Ils boiront dans la ctu~tpe affreuse, inépuisable: mais, dès cette vie, leur fureur dans la haine atteste la puissance du Dieu dont ils redoutent la colère et qui les brisera dans l'audacieux duel qu'ils engagent contre lui.

Leur impiété se nourrit des sentiments opposés à ceux dont se soutient le zèle de Joad et de Josabeth : pénétrer les nwbiles de ces âmes de ténèbres, c'est donc se disposer à mieux comprendre l'influence du sentiment religieux dans les âmes qu'il domine.

~);e mê~e que ~a.

fo~, l'im:piété se modi~e selon les caractères qwelle amme.

L'mcreduhte flere, railleuse d' Athahe, son audace toute d'apparat, ses secrètes hésitations sont d'une femme; mais quelle opposition avec· la soumission tremblante, le respect pieux, la pudique modestie de Josabeth! Il s'en faut cependant que la sanguinaire Syrienne soit aussi rassurée qu'elle le dit sur la justice de sa cause.

Ce Dieu qu'elle poursuit, il la torture de remords; il la jette, suppliante et affolée, dans un temple où sa présenee·. »

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