Devoir de Philosophie

LA RELIGION DE MOLIÈRE DANS Tartuffe et Dom Juan

Publié le 26/06/2011

Extrait du document

religion

Ce que nous venons de dire de l'Ecole des femmes vaut pour le Tartuffe et Dom Juan. Ces trois pièces seraient certainement une attaque contre la religion s'il y avait eu seulement d'un côté des gens irréligieux, d'un autre côté des fidèles pieux exactement d'accord sur les exigences de leur religion. Nous avons vu qu'il n'en était rien. En réalité, il y a ceux, peu nombreux, qui ne croient pas et voudraient vivre sans les contraintes qu'impose une foi qu'ils n'ont pas. A l'autre extrémité il y a ceux dont la foi est exigeante et veut imposer une morale rude et ascétique. Entre les deux, et tantôt plus près, tantôt moins près de ceux-ci que de ceux-là, il y a ceux qui craignent d'imposer à la faiblesse humaine une tâche au-dessus de ses forces et cherchent un accommodement entre la piété et " le monde ". Il y a, si l'on veut, les dévots et les tièdes. Combattre les dévots ce n'était pas prendre le parti des incrédules ; ce pouvait être simplement se ranger du parti des tièdes. C'est, sans aucun doute, ce qu'a fait Molière dans Tartuffe et Dom Juan comme dans l'Ecole des femmes.

religion

« y a eu des "corrections", des "adoucissements", qu'il a " retranché".

Les raisons, le sens général de tout cela sontévidents et sont d'ailleurs explicitement donnés par Molière.

Il a voulu donner toute satisfaction à ceux quicraignaient qu'une satire de l'hypocrisie dévote pût atteindre la dévotion sincère.

Dans sa seconde pièce, il nous ledit lui-même, il a appelé Tartuffe Panulphe ; il a pris pour titre l'Imposteur.

Il a a déguisé le personnage sousl'ajustement d'un homme du monde » ; il lui a donné "un petit chapeau, de grands cheveux, un grand collet, uneépée et des dentelles sur tout l'habit".

Il faut en conclure que le premier Tartuffe n'avait pas le costume d'un hommedu monde ; non pas celui d'un ecclésiastique ; il est inconcevable que Molière ait eu l'audace de faire paraître enscène un prêtre, à plus forte raison pour lui donner un rôle odieux ; mais le costume austère, semi ecclésiastique,que portaient souvent ceux qui voulaient mépriser les vanités de ce monde.

Pourtant pour reconstituer le premierTartuffe il faut vraiment trop d'hypothèses, qui le plus souvent se contredisent.

Nous sommes beaucoup mieuxrenseignés sur le second, sur l'Imposteur, par une Lettre sur la comédie de l'Imposteur, d'auteur inconnu, quil'analyse évidemment avec une grande exactitude.

La comparaison montre des changements qui intéressent l'art deMolière.

Quelques autres, comme a essayé de le prouver M.

Charlier, témoigneraient du désir chez Molière "d'affaiblirla portée satirique de son oeuvre".

M.

Michaut n'est pas de cet avis.

Il fait remarquer, à juste titre, que le troisièmeTartuffe reprend, au lieu du titre de l'Imposteur, celui de la première version, incontestablement la plus hardie,comme il résulte des explications mêmes de Molière.

En fait, la satire semble bien, pour l'essentiel, être restée lamême et les affaiblissements n'ont pu être sensibles que pour ceux, nombreux d'ailleurs, qui, en fait de religion,épluchaient les mots et les syllabes.Il reste à savoir contre qui, exactement, la satire était dirigée.

Sans aucun doute contre la sorte de dévotionfanatique, persécutrice que défendaient sincèrement des gens qui n'étaient pas des hypocrites.

On a maintes foisremarqué, à juste titre, qu'il n'y a pas dans la pièce que Tartuffe ; qu'Orgon et Mme Pernelle, s'ils ne sont pasodieux, sont bien plus ridicules et tout aussi funestes ; ils sont pourtant parfaitement sincères.

Mais, dans lesjustifications de sa Préface et de ses placets, jamais Molière ne parle d'Orgon ni de Mme Pernelle.

Sans doute ilaurait pu concevoir une pièce où il aurait montré les dangers et les ridicules d'une piété outrée et maniaque qui, ennous absorbant dans les devoirs envers Dieu, nous fait oublier, pour leur malheur, nos devoirs envers les nôtres ;tout comme Philaminte, pour servir la science, oublie ses devoirs envers son mari et sa fille Henriette.

Mais cettepièce il n'aurait pas pu la faire jouer, ni même l'écrire sans risquer, pour le moins, sa liberté.

Il n'aurait même pas pula faire jouer, cent ans plus tard, sinon en la reculant dans un lointain passé et en procédant par allusions, En fait, ille répète avec obstination, sa pièce est uniquement dirigée contre les faux dévots, contre les imposteurs.Que faut-il penser de son affirmation ? Et l'hypocrisie dévote était-elle alors si répandue qu'elle justifiât, ensoulevant tant de colères et de fracas, la dénonciation .indignée qu'en fait la pièce.

On l'a nié, et Brunetière est deceux-là.

Vers 1660 il n'y aurait eu que quelques libertins de doctrine, pas mal de bons vivants qui, avec lesprudences nécessaires, auraient vécu sans se soucier des exigences de la piété et, pour le plus grand nombre, deschrétiens sincèrement attachés à leur foi.

La conséquence serait qu'à travers les imposteurs dont personne nesouffrait, Molière aurait visé tous ceux qui voulaient non pas bien vivre mais vivre pieusement.

La conséquence netient pas parce que l'affirmation est contredite par les faits.

Il y avait si bien des hypocrites dangereux qu'on n'avaitpas cessé de les dénoncer.

Il n'y a pas seulement les Hypocrites de Scarron ; il y a aussi ce roman de Vitald'Audiguier, la comédie de Le Métel d'Ouville dont nous avons parlé.

Il y a aussi bien le roman de Sorel, Polyandre etmaintes satires contre les dévots hypocrites des deux sexes, depuis Régnier et Angot de l'Esperonnière jusqu'àGaraby de la Luzerne.

Bien mieux chacun pouvait connaître certains de ces hypocrites, ou certains de ceux qu'onpouvait accuser de l'être.

Tout le monde cherchait et trouvait des originaux de Tartuffe et souvent lesdénonciateurs étaient des gens d'une piété éprouvée comme le P.

Rapin ou le Janséniste Deslions ; on désignaitainsi le baron de Renty, le marquis de Fénelon, le comte d'Albon, le comte de Brancas, l'abbé de Pons, l'abbéRoquette, qui devint évêque d'Autun et sur qui s'accordent Mme de Sévigné, Choisy, Saint-Simon, etc...

Plussûrement, bien qu'aucun contemporain ne l'ait nommé, Molière aurait pu prendre pour modèle, a peut-être pris pourmodèle un Charpy dont les aventures faisaient courir les langues dans le quartier qu'il habitait.

Ce Charpy écrivaitdes livres mystiques et, comme Tartuffe à sa paroisse, édifiait par sa piété les fidèles de l'église des Quinze-Vingts.Comme Orgon rencontre Tartuffe il y est rencontré par une Mme Hausse qui échange avec lui des conversationsdévotes et l'invite à venir, le plus souvent possible, les continuer chez elle.

Bientôt, comme Tartuffe chez Orgon,Charpy s'impatronise, chasse de la maison tous ceux qui ne croyaient pas en lui et, comme Tartuffe d'Elmire,s'éprend de la fille de Mme Hansse, Mme Patrocle.

M.

Patrocle, tout comme Orgon, trouve fort bon qu'un sainthomme s'intéresse à sa femme.

Charpy d'ailleurs, à la différence de Tartuffe, ne fut pas démasqué.

Après desaventures diverses il fut sans doute empoisonné.

M.

Baumal a conté, par surcroît, les avatars d'un nominé Crétenetqui, à Lyon, à une époque où Molière a pu entendre parler de lui, s'était fait une cour de dévotes qu'il guidait dansles voies de la sainteté ecclésiastique.

Peu importe d'ailleurs que Molière ait songé expressément aux uns ou auxautres.

Car ils suffisent à prouver qu'on rencontrait alors des personnages qui, sincèrement ou non, vivaient plus oumoins comme Tartuffe, des sortes de directeurs de conscience laïques avec lesquels dévots et dévotes tenaientcommerce assidu, qui prenaient sur leurs fidèles une autorité mystique et pouvaient céder à la tentation de dirigerleur vie terrestre comme leur vie spirituelle.Il est probable, il est tout au moins possible que Molière ait voulu combattre d'autres dévots qui, ceux-là, étaient ouavaient été puissants et organisés.

Des âmes pieuses, actives et inquisitoriales avaient fondé une Compagnie duSaint-Sacrement, compagnie secrète qui s'était donné pour but, non seulement et très généreusement des oeuvrescharitables, visites de prisonniers, aumônes, etc..., mais encore la restauration de la foi et la pratique stricte desvertus exigées par la foi.

Pour hâter cette restauration elle avait organisé un système savant de surveillance de lavie privée.

Elle dénonçait aux parents les fils joueurs ou débauchés, aux maris les femmes trop galantes et auxfemmes les maris qui couraient le guilledou.

Comme elle était très nombreuse, qu'elle avait des filiales dans toute laFrance et qu'elle comptait parmi ses membres de puissants personnages, saint Vincent de Paul, Olier, Bossuet, lesLamoignon, le Prince de Conti, le comte de Noailles, etc..., elle poussait activement aux honneurs ceux qui laservaient et sévissait durement contre ceux qu'elle tenait pour des pécheurs endurcis.

Si bien qu'elle avait soulevé. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles