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LA ROCHEFOUCAULD François VI, duc de (Histoire de la littérature)

Publié le 10/01/2019

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LA ROCHEFOUCAULD François VI, duc de (1613-1680). Partagée successivement entre des occupations aussi éloignées l’une de l’autre que l’engagement partisan, politique et militaire, d’une part, et la création littéraire en milieu mondain, d'autre part, la vie de La Rochefoucauld porte témoignage du destin d’une certaine noblesse risquant dans l’aventure de la Fronde ses dernières chances féodales, puis, vaincue par l'habileté de Mazarin et l'affirmation précoce de l’autorité de Louis XIV, contribuant à façonner, dans la vie oisive des salons et de la Cour, la grande image littéraire du règne. Les Maximes ont eu une grande part dans la réussite de cette percée aristocratique dans la production littéraire du XVIIe siècle, apportant, par surcroît, une préoccupation universaliste et moraliste que l’on aurait attendue davantage, à l'époque, de l’initiative d'un autre milieu social.

 

Littérature et mondanité

 

François VI de La Rochefoucauld est né à Paris. Marié vers l’âge de quinze ans à Andrée de Vivonne, dont il aura plusieurs enfants, et après quelques incursions sur les champs de bataille où l’appellent sa condition et un nom illustre, il commencera, dans l’entourage comploteur de la reine et de la duchesse de Chevreuse, une

 

carrière de conspirateur et de rebelle qu’il poursuivra jusqu’à l’échec définitif de la Fronde. Des promesses d'Anne d’Autriche, une liaison avec la duchesse de Longueville, sœur du duc d'Enghien, quelques maladresses de Mazarin contribueront à maintenir celui qui n'est encore que le prince de Marcillac, premier-né du duc de La Rochefoucauld, dans une fidélité aux princes rebelles parfois peu convaincue, mais qui lui fit payer de sa personne au cours des affrontements avec les troupes royales.

 

11 « fait sa paix » avec le roi en 1653, travaille quelques années au rétablissement de sa maison et à la rédaction de ses Mémoires, dont une édition clandestine (et partiellement désavouée) paraît à Amsterdam en 1662. Sa participation aux activités mondaines et littéraires des salons de l’époque se traduit par sa contribution au Recueil des portraits et éloges en vers et en prose, publié en 1659 par les soins de MIIc de Montpensier, et par les liens très forts d’amitié qu’il noue avec Mme de La Fayette — on dit qu’il mit la main à la rédaction de la Princesse de Clèves — et surtout avec Mmc de Sablé, laquelle présidera, on le sait, à l’entreprise de l’écriture-jeu des maximes, dont La Rochefoucauld sera le maître d’œuvre et le champion incontesté. La dernière partie de la vie de l'auteur sera consacrée à la mise au point et à la publication de son recueil des Maximes et sentences morales, dont la première édition paraît en 1664. Le succès autorisera cinq éditions successives, parfois très remaniées et/ou augmentées. La Rochefoucauld écrivit également des Réflexions diverses, qui ne furent pas publiées de son vivant. Il meurt, âgé de soixante-sept ans, des suites d'un violent accès de goutte.

 

Le livre des Maximes connaît, depuis plus de trois siècles, un succès le plus souvent indifférent à la figure historique de son auteur et aux circonstances bien particulières de sa production : ce n’est pas faute d’être bien informé; mais il n’est pas facile d’engager un dialogue sur la vanité des vertus et les motivations troubles du comportement humain, avec un personnage au profil biographique aussi intimidant que celui de François VI, duc de La Rochefoucauld, illustre frondeur par dépit contre Mazarin et pour l’amour de la duchesse de Longueville, la sœur du Grand Condé; de reconnaître cette valeur de vérité générale, qu’ambitionne tout écrit moraliste, à une œuvre née dans le milieu le plus socialement circonscrit qui sans doute ait jamais été, œuvre inspirée, contrôlée et, parfois, littéralement dictée par lui.

 

Pourtant, en sollicitant les données de l’histoire littéraire, on pourrait découvrir, dans la vie et la personnalité de La Rochefoucauld, des aspects mieux assortis à l’idée que la sensibilité critique moderne se fait de l'écrivain : et d’abord, cette coupure si nette entre la période de la jeunesse intrigante et de l’aventure guerrière et celle de la retraite avec la création littéraire; itinéraire banal et rassurant, conduisant de l’action à la méditation, de l’agitation mondaine à l'isolement dans l'écriture. Mais, on le sait, cette « retraite » fut le lot commun et forcé de bien des grands seigneurs, assagis par la volonté politique du jeune roi, et les Maximes ne furent rien moins qu'une création isolée. La carrière de La Rochefoucauld n’est pas sans analogie avec celle de sa complice dans la rédaction des Maximes, Mme de Sablé, précieuse convertie aux charmes d’un jansénisme mondain, « retirée » à Port-Royal, et renouvelant dans la querelle religieuse un goût un peu émoussé des cabales politiques et des intrigues romanesques.

 

L’aveu de son caractère mélancolique que nous fait l'auteur dans le célèbre autoportrait serait-il plus intéressant? Il permettrait de postuler chez lui une prédisposition psychique à l’éveil et au parcours de la connaissance moraliste : de la séparation du monde à l’observation puis à la jubilation compensatoire dans la réussite for

rochefoucauld

« melle de la maxime.

Mais, là encore, rien de plus conven­ tionnel, de plus complaisamment affiché à l'époque, que cette humeur mélancolique ...

Voyez Alceste.

D'autre part, les autres écrits de La Rochefoucauld, les Réflexions diverses et les Mémoires n'ont pas connu, on le sait, le succès des Maximes.

Les premières s'offrent, au mieux, comme une étape incertaine sur le chemin de l'écriture des Maximes, dans les domaines qu'elles explorent en commun, et, pour ce qui les distin­ gue, comme un ensemble de règles de bonne conduite, nécessaires à la vie en société; préoccupation bien étran­ gère aux Maximes, et même opposée, serait-on tenté de dire, tellement celles-ci nous imposent une vision de l'homme entêté dans son égoïsme et sa vanité et peu disposé à ces prudences et à ces concessions mondaines prônées par le� Réflexions.

Quant aux Mémoires, désa­ vantagés par l'inévitable comparaison qu'ils appellent avec ceux du cardinal de Retz, rival du duc dans l'aven­ ture politique et la littérature mémorialiste, ils n'ont connu, lors de leur publication, clandestine et altérée, du vivant de l'auteur, qu'un succès de circonstance et, sous leur forme actuelle et achevée, sont une «invention» philologique récente.

L'image de l'énonciateur anonyme des Maximes ne sort guère éclairée ni enrichie de sa confrontation avec celle de l'honnête homme soucieux de définir de nouvelles règles de civilité que nous découvrent les Réflexions diverses.

ou avec celle de l'aristocrate, rancunier et chevaleresque, des Mémoires.

Mais vouloir, à toute force, actualiser la personnalité de J'écrivain La Rochefoucauld, et tirer les Maximes vers l'image familière que l'on a aujourd'hui d'une œuvre littéraire, ce n'est pas seulement pécher par anachro­ nisme, c'est, surtout, manquer l'intérêt propre de l'ou­ vrage, qui lui vient moins de l'originalité d'une vision du monde toute personnelle de l'auteur- vision dont la recherche et la cohérence supposée égarent bien des critiques -que de son étroite dépendance de l'environ­ nement et des circonstances mondaines de sa conception.

Les Maximes, en effet, sont une œuvre d'inspiration et même d'exécution collective, répondant à une intention avouée de divertissement littéraire : on joue à la maxime comme on se divertit des comédies de proverbes ou des ballets.

La correspondance entre les trois principaux col­ laborateurs : La Rochefoucauld, Mme de Sablé et Jacques Esprit, est pleine de détails significatifs et savoureux, au sens propre du terme, sur la mise en scène ludique de l'entreprise; en ce sens, la discontinuité du texte, le blanc de 1' espace typographique, caractéristique du genre, est d'abord le signe que la maxime a commencé par avoir une existence autonome, «privée», qu'elle a circulé dans la correspondance échangée par l'auteur et ses amis, glissée parfois entre l'annonce d'un envoi de truf­ fes et la demande d'une recette de potage (il y a, chez La Rochefoucauld, chez la marquise de Sablé aussi, une attente gourmande de la « prochaine livraison >> ).

De la même façon, une fois l'ouvrage publié, l'intervalle entre deux maximes indiquera le temps laissé à la surprise du lecteur, savourant une vérité nouvelle, née du savant assemblage des mots.

Et si la postérité a légitimement retenu et isolé des autres productions du même genre le recueil de La Rochefoucauld, recueil, d'ailleurs, dans une certaine mesure -si faible soit-elle -collectif, c'est parce que, de ce trio complice d'amateurs de formu­ les sentencieuses, La Rochefoucauld a été, de l'avis de tous, et d'abord de ses contemporains, le meilleur fai­ seur, celui qui a le mieux compris et exploité les règles du jeu, qui en a également le mieux assumé les audaces idéologiques implicites.

De quoi s'agissait-il, en effet? En s'inspirant d'un thème augustinien à la mode, « mettre sur le ton des sentences " les remarques et les jugements que 1' obser- vation des hommes suggère, pour se convaincre de la fausseté de leurs « vertus ».

L'. »

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