Devoir de Philosophie

La scène de ce drame est le monde... Paul Claudel

Publié le 19/03/2020

Extrait du document

claudel

«La civilisation chrétienne vient de quelque part et va ailleurs. C’est là l’origine de son côté dramatique; l’Histoire a un sens et le rôle du dramaturge — Shakespeare, par exemple —, est de déterminer ce sens et de montrer d’où elle vient et où elle va. »

(Entretiens avec J. Amrouche, «34e entretien»)

«Le Soulier de satin ou Le Pire n’est pas toujours sûr Action espagnole en... quelques journées. Coup bref de trompette. L’Annoncier remercie. Il poursuit; La scène de ce drame est le monde et plus spécialement l’Espagne à la fin du XVIe siècle, à moins que ce ne soit le commencement du XVIIe siècle. L’auteur s’est permis de comprimer les pays et les époques, de même qu’à la distance voulue plusieurs lignes de montagnes séparées ne font qu’un seul horizon. »

«Christophe Colomb a été un peu un achèvement du Soulier de satin. On ne peut pas s’empêcher d’être frappé de la correspondance, de la ressemblance qu’il y a entre Christophe Colomb et Don Rodrigue: l’un est un conquérant, l’autre est un découvreur; tous les deux, on peut dire, sont ce que les Russes appellent des « rassembleurs » de la terre, rôle qui m’a toujours été extrêmement sympathique puisque, tout jeune encore, quand, des hauteurs de mon village, je voyais pour ainsi dire toute la terre se déployer devant moi, j’avais l’idée de cette vocation qui s’impose à certains hommes de rassembler tout ce qui s’offre à leur vue et d’en faire un objet d’une espèce de conquête. » 

 

« — Et je me revois à la plus haute fourche du vieil arbre dans le vent, enfant balancé parmi les pommes. De là, comme un dieu sur sa tige, spectateur du théâtre du monde, dans une profonde considération, j’étudie le relief et la conformation de la terre, la disposition des plantes et des plans; l’œil fixe comme un corbeau, je dévisage la campagne déployée sous mon perchoir, je suis du regard cette route qui, paraissant deux fois successivement à la crête des collines, se perd enfin dans la forêt. Rien n’est perdu pour moi, la direction des fumées, la qualité de l’ombre et de la lumière, l’avancement des travaux agricoles, cette voiture qui bouge sur le chemin, les coups de feu des chasseurs. Point n’est besoin de journal où je ne lis que le passé; je n’ai qu’à monter à cette branche, et, dépassant le mur, je vois devant moi tout le présent. La lune se lève; je tourne la face vers elle, baigné dans cette maison des fruits. Je demeure immobile, et de temps en temps une pomme de l’arbre choit comme une pensée lourde et mûre.»

claudel

« 14 • DRAME (et univers) / 105 personnages de la p1ece.

Si le Vice-Roi de Naples est l'homme de l'Europe, Rodrigue fait sienne la vocation catholique d'annexer l'Amérique, tandis que Prouhèze s'évertue à défendre l'Afrique menacée par l'Islam.

Mais si le drame prend son ampleur dans la confrontation des individus et du monde, il acquiert son humanité dans le conflit personnel qui, tout à la fois, unit et sépare ces indivi­ dus: « ce drame est l'histoire de deux amants qui ne peuvent pas parvenir à se rejoindre.» (Entretiens avec Jean Amrou­ che, 35e entretien).

Prouhèze, unie par le sacrement du mariage à Don Pelage puis à Don Camille, est une femme interdite à Rodrigue, en dépit d'une passion réciproque.

► Comme Le Pire n'est pas toujours sûr - sous-titre du Soulier de satin, le drame (historique et individuel) se voit pleinement motivé par le recours à un dessein providen­ tiel: l'Espagne, lieu privilégié du drame, n'est pas seule­ ment le champion de l'Occident catholique au cours de cette période historique qu'est la Renaissance, elle est également investie d'une mission qui transcende !'His­ toire: faire triompher la foi chrétienne, comme le frère jésuite, frère de Rodrigue, attaché par les pirates à son mât, à cette croix qui «flotte sur la mer».

Rodrigue, le conquérant, poursuit l'œuvre de Christophe Colomb, le découvreur.

Tous deux sont voués à donner à !'Histoire un sens, c'est-à-dire, selon Claudel, une orientation vou­ lue par Dieu et incarnée dans un mouvement qui va d'une origine vers sa fin : « La civilisation chrétienne vient de quelque part et va ailleurs.

C'est là l'origine de son côté dramatique; !'Histoire a un sens et le rôle du dramaturge -Shakes­ peare, par exemple - , est de déterminer ce sens et .de montrer d'où elle vient et où elle va.» (Entretiens avec J.

Amrouche.

« 34e entretien») Ainsi Rodrigue apparaît-il comme l'un de ces « rassem­ bleurs» qu'évoque Claudel dans le 4c entretien avec J.

Amrouche.

La remarque est d'importance car Claudel rattache cette conception, à l'œuvre dans son drame, à une vocation personnelle, conçue dans son enfance:. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles