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LA STRATÉGIE ARGUMENTATIVE DANS BOULE DE SUIF DE MAUPASSANT

Publié le 14/03/2015

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Nous pouvons également remarquer plusieurs types de contrastes : notamment ceux qui servent à accentuer l'effet de l'acte valorisé, par exemple, l'opposition « caresses héroïques/êtres hideux ou détestés «. Constater que l'on éprouve de la répulsion pour l'être à qui l'on prodigue les caresses met en valeur la domination de soi. D'autres oppositions comme « généraux/esclaves « ou associations comme « corps/champs de bataille « indi­quent la supériorité envers l'ennemi qu'assure le sacrifice de son corps, le sentiment de puissance qu'il peut appor­ter. L'association du sacrifice-dévouement et de la ven­geance (1. 15) confèrent une dimension collective, publique, au don du corps. D'autres contrastes portent davantage sur les personnages, insistant sur le courage des femmes qui se mettent volontairement dans des situa­tions scabreuses pour remplir leur devoir : « cette Anglaise de grande famille «, « horrible et contagieuse maladie « (1. 16-18) : contraste entre la noblesse du per­sonnage et la bassesse de la maladie.

 

L'ensemble de ces mises en valeur sert à démontrer à la prostituée que le sacrifice se justifie.

L'étude de la thèse et des arguments n'est pas facile dans ce texte, dans la mesure où rien n'est dit clairement et ouvertement. La thèse n'est pas énoncée, et les argu­ments ne sont pas toujours faciles à identifier.

·   L'absence d'énonciation de la thèse

 

Ni l'objectif ni la thèse défendue ne sont connus de l'argumentataire. Seul le lecteur et les argumentateurs sont au courant de l'objectif poursuivi, puisqu'il a été annoncé au préalable par le comte : « il faudrait la déci­der « (p. 52). On connaît donc le but poursuivi, mais non la thèse qui sous-tend la stratégie discursive. On assiste ici à une sorte de processus d'argumentation inversé : exemples et arguments précèdent l'énonciation de la thèse qui n'est avancée qu'après ce passage argumentatif. C'est ensuite, en effet, que le comte, prenant Boule de Suif à part, fait la déclaration suivante : « Donc vous pré­férez nous laisser ici, exposés comme vous-même à tou­tes les violences qui suivraient un échec des troupes prussiennes, plutôt que de consentir à une de ces complai­sances que vous avez eues si souvent dans votre vie ? « (p. 57). Encore que... la thèse ne soit pas directe­ment énoncée ici, puisque le comte critique d'abord la position de Boule de Suif pour ensuite avancer ce qu'elle pourrait faire. Admettons donc que, de ce passage, le lec­teur puisse a posteriori déduire la thèse sous-tendant le passage argumentatif étudié. Nous pourrions alors la for­muler comme suit : « Consentir à une complaisance envers l'officier prussien est moins grave que de nous laisser bloquer ici. « En tout état de cause, cette thèse n'est pas énoncée dans le passage étudié.

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« • La mise en scène du passage La position des personnages Nous ne reprendrons pas ici l'étude des personnages qui se trouve dans le chapitre IV ; rappelons seulement les deux points suivants : les sujets argumentateurs ont une position sociale élevée ; Boule de Suif, femme publi­ que, exclue, déchue, sans culture ni « éducation » est en position de faiblesse, socialement réprouvée.

Un groupe soudé et une personne isolée Certes, au départ, les trois couples de « notables »ne s'entendaient pas vraiment, mais il y a formation d'un bloc contre Cornudet et Boule de Suif, lors du voyage en diligence.

Maupassant insiste sur l'alliance des femmes qui sont les plus actives dans l'argumentation : « elles devaient faire, leur semblait-il, comme un faisceau de leurs dignités d'épouses en face de cette vendue sans ver­ gogne » (p.

26-27).

Ce groupe désigne Boule de Suif non comme une personne avec qui discuter d'égale à égale, mais comme une cible à abattre qu'il méprise totalement.

Face à cette coalition, Boule de Suif est isolée.

Seule depuis que Comudet, l'unique exclu qui aurait pu se ral­ lier éventuellement à sa cause, a décidé de ne pas prendre parti dans l'histoire : « Cornudet cependant restait à l'écart, complètement étranger à cette affaire» (p.

53).

Nous sommes presque certains que Comudet n'aidera pas Boule de Suif, au moins pour deux raisons : d'une part, parce qu'il est vexé que la jeune femme ne lui ait pas accordé ses charmes (p.

41), d'autre part, et peut-être plus profondément, en raison de sa position politique ; en tant que républicain et démocrate, il oppose aux bour­ geois un discours idéologique « révolutionnaire » ; Boule de Suif, elle, reste attachée à la bourgeoisie.

Entre les deux groupes, les religieuses n'ont pas pris position.

Nul doute cependant qu'elles ne peuvent que réprouver la prostitution.

Mais si elles ont toutes les rai­ sons pour condamner une prostituée, elles peuvent aussi. »

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