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LA TRAGÉDIE AU XVIIIe siècle

Publié le 30/05/2012

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Elle était bien malade, dès le jour où elle perdit Racine: par un effort de génie qui ne sera pas renon velé, il avait su pousser son observation bien au-dessous de la surface polie des moeurs actuelles jusqu'aux explosions immorales, douloureuses, brutales, des passions naturelles. Comme le hasard ne suscite après lui personne qui puisse faire équilibre aux circonstances par son tempérament, la force des circonstances l'emporte, et étouffe la tragédie. La vie de société ne laisse pas aux émotions profondes de l'individu le droit de s'exprimer, et élimine de plus en plus rigoureusement par la tyrannie...

« l'homme qui avait fait l'intérêt de la tragédie au siècle précédent disparaît sans laisser de traces.

La forme du genre subsiste, mais la vie s'en est retirée.

La tragédie se fait par procédés : elle consiste dans un système de règles ct de moyens que l'on considère comme inamovibles.

Les formules des situations, des caraeteres, des passions se sont fixées.

Ce n'est p}us qu'un exercice littéraire, un jeu de société, où il ne s'agit que de passe1· adroitement par les conditions con­ venues.

Tout l'art des auteurs, tout l'intérêt des spectatenrs se portent à peu près sur cette unique question : étant donné un sujet tragique, comment les situations tragiques seront-elles ingé­ nieusement esquivées et réduites aux bienséances? On n'a,plus à regarder la nature : il suffit de connaître Hacine, Corneille et Quinault.

Hacine est pris pour un maitre d'élégance et de noblesse.

Corneille enseigne à corser un sujd pa1· l'histoire, les intrigues de palais.

Et Quinaull, entin, Quinault montre à bâtir un roman héroïque et galant :car le vide de ces tragédies ne peut être rempli que pa1· les complications roman"esques.

C'est ce que nous apprenaient déjà Campistron et Lagrange­ Chancel, dont j'ai dit précédemment un mot; et Crébillon n'est pas pour modifier nos conclusions 1 • Crébillon, qui eut un immense succès, e:;t un homme d'imagination active, sans cesse occupée à emméle1· et it dl:m1\lrr les flls d'une action romanesque.

La qualité des matériaux lui est indifférente : il prend à La Calprenède, à Corneille, it Uacinc, des situations, drs caractères, des sentiments; il amalgame des lieux co111muns, il invente des férocités ou des héroïsmes sans exemple; peu lui importe; jamais il n'a jeté un regard vers la nature.

Il traitr, la tragédie comme un problème, dont les données sont conventionnelles et ne doivent jamais être discutées.

Le tout est de tirer de ces données ce qu'elles compor­ tent de situations surprenantes.

!\lais qu'est-ce qu'une situation surprenante? Crébillon eut une idée géniale: il comprit que, dans l'état des mœurs, une belle scène était celle qui présenterait la situation la plus contraire aux bienséances, d'une manière -con­ forme à ces bienséanc~s 2 • Des sujets horribles, adroitement affadis, voilit tout son art.

1.

Pro. »

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