La vie est un songe (analyse)
Publié le 17/01/2022
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Le Sigismond de Calderón n'est pas devenu une figure mythique de l'Occident comme le Dom Juan de Tirso de Molina. Pourtant, La vie est un songe a connu très tôt un succès européen. Dès 1654, celle-ci est traduite aux Pays-Bas sous le titre de Sigismond, prince de Pologne, par Schouwenbergh.
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Sans doute faut-il voir là l'influence des autos sacramentales.
L'auto met en scène des personnages qui sont des allégories (le Monde, le Riche, le Laboureur, le Pauvre, la Beauté, sont par exemple les acteurs du Grand Théâtre du monde) ; ils incarnent les forces (le bien, l'orgueil, la sagesse) qui déchirent la création.
III - SIGNIFICATION ET PORTÉE
L'expression d'une inquiétude collective
La vie est un songe est le miroir d'une crise de conscience, l'expression dramatique d'un monde en plein bouleversement et en cela profondément baroque.
Calder6n peint en effet un univers énigmatique, indéchiffrable comme le montre l'erreur de Basyle, une société déchirée par la guerre civile, des famillesdisloquées, le jaillissement, à travers les excès de Sigismond, d'une liberté anarchique, une humanité errante enproie à l'illusion.
Bref, un monde en désordre qui aspire pathétiquement à l'ordre, celui-là même que ledénouement semble restaurer.
Presque au même moment, semblable inquiétude s'exprime chez le Pascal qui écrit : « Quelle chimère est-ce doncque l'homme, quelle nouveauté, quel monstre, quel chaos, quel sujet de contradiction, quel prodige, juge de touteschoses, imbécile ver de terre, dépositaire du vrai, cloaque d'incertitude et d'erreur, gloire et rebut de l'univers...
»(Pensées, n° 164, éd.
Sellier)
Une résonance universelle
Cette abstraction, ce dépouillement qui fait des personnages des épures réduites à l'essentiel — la force qui leshabite —, confèrent au théâtre caldéronien un caractère intemporel.
Situé dans un espace-temps strictement théâtral (cf.
la Pologne de Jarry dans Ubu Roi), le drame de Sigismond devient celui, intemporel, de la liberté humaine aux prises avec le monde naturel et social.
La faute de Basyle, roi dépossédé, est celle de l'homme qui,dans sa démesure faustienne, cherche à se rendre « maître et possesseur de la nature », comme le voudra leDescartes du Discours de la méthode (paru, rappelons-le, deux ans après La vie est un songe).
Quant à Rosaura, la violence de sa souffrance, l'excès même de sa volonté de vengeance qui la porte au désir de meurtre, exprimentune revendication de respect, une révolte contre une condition inacceptable qui rencontre un écho toujours actuel.
Le Sigismond de Calderón n'est pas devenu une figure mythique de l'Occident comme le Dom Juan de Tirso deMolina.
Pourtant, La vie est un songe a connu très tôt un succès européen.
Dès 1654, celle-ci est traduite aux Pays-Bas sous le titre de Sigismond, prince de Pologne, par Schouwenbergh.
Trois ans plus tard, une nouvelle inspirée de la pièce paraît à Paris sous la signature d'un académicien, Le Motel de Boisrobert.
Au XXe siècle, la piècede Calderón fascinera la psychanalyse, notamment Otto Rank, et surtout inspirera, au théâtre, Hoffmannsthal etPasolini.
Dans La Tour (1920), l'écrivain autrichien reprend les principaux personnages, élimine la deuxième intrigue, et installe la rivalité œdipienne sur fond d'empire austro-hongrois agonisant.
Pasolini, dans Calderón (1973) — la seule de ses six pièces représentée de son vivant — fera revivre à nouveau le prince Sigismond et le roi Basyle,devenu l'incarnation de la bourgeoisie et du pouvoir.
Calderón reste ainsi notre contemporain.
C'est un auteur moderne : d'abord, par l'excès invraisemblable des situations et des passions représentées, excès qu' Arthaud cherchera à retrouver dans son « théâtre de la cruauté» ; ensuite, par le foisonnement et la beauté de la langue poétique.
Comme chez Arthaud, et peut-être plus encore chez Claudel — le plus caldéronien de nos dramaturges —, il y a chez Calderón la volonté d'employer unelangue résolument séparée du langage ordinaire, mais d'autant plus apte à épouser la violence des sentiments ; unelangue charnelle, proche du cri, que l'usage du vers enracine dans la respiration des personnages..
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