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LABÉ Louise : sa vie et son oeuvre

Publié le 09/01/2019

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LABÉ Louise (avant 1524-1566). Louise Labé est l’un des très rares écrivains dont la séduction et le mystère offrent à chacun — et cela même en dehors des frontières de sa langue — l’illusion qu'elle est un jardin secret dont il serait seul à posséder quelque pan. Curieux phénomène, si l’on songe que l’œuvre de la Belle Cordière (puisque c’est ainsi qu’on l’appela à Lyon, de son temps) est mince et d’une grande simplicité apparente.

 

Née peut-être à la Grange Blanche, un domaine que possédait sa famille aux abords de Lyon, Louise est fille d'un riche marchand cordier, Pierre Charly, dit Labé. De son éducation, on sait ce qu’elle nous en dit : qu’elle brodait bien, et que, telle une héroïne de l’Arioste, elle savait

 

[...] en armes, fière, aller

 

Porter la lance et bois faire voler,

 

Le devoir faire en l'estour furieus,

 

Piquer, volter le cheval glorieus...

 

Il est possible qu’en compagnie de son frère maître d’armes elle ait participé à un tournoi, en 1542, devant le futur Henri II, qui montrera une évidente complaisance dans le privilège qu’il accordera plus tard à son œuvre. Maintenant elle chante, accompagnée de son luth, et compose en français et en italien, langue que, comme

 

beaucoup de Lyonnais, elle domine parfaitement; elle connaît aussi l’espagnol, mais elle ne fait pas pour autant figure de femme savante, et, dans ce milieu où telle dame écrit en latin et telle autre s’entoure d’instruments d’astronomie, ses choix sont tout poétiques : elle se nourrit d'auteurs italiens, depuis Pétrarque jusqu’aux derniers disciples de Bembo, dont elle fait siens les rythmes et les obsessions.

 

Mais Louise, qui a un sens très vif du réel, raffole de tout ce que peut lui offrir, dans une ville aussi brillante que Lyon, une société bien vivante, aux codes raffinés; elle crée autour d’elle un petit monde d’admirateurs fidèles, qui n’hésiteront pas à lui tresser une couronne de poèmes : les Escrits. Sa très célèbre beauté lui vaut de nombreux amants; elle ne les aime pas tous. Son mari, Ennemond Perrin, riche cordier lui aussi, épousé vers 1540 et mort en 1560, est une présence que seul Olivier de Magny a l’audace de moquer : méchant procédé quand on a été, comme lui, aimé avec tant de passion et de talent. Sur la route d'Italie, en effet, le poète, frais émoulu des cercles parisiens, s’éprend d’elle; tels Sand et Musset, ils composent ensemble, et l’on voit paraître les mêmes vers ambigus dans leurs deux œuvres. De cette passion et de bien d’autres naissent les Élégies et les Sonnets de Louise, mais cela ne plaît pas au vulgaire ni aux moralisateurs : des chansons circulent, qui font d’elle une courtisane, et de Genève, Calvin la traite de plebeia meretrix\\ il sera de bon ton, chez les historiens réformés de Lyon, de lui garder cette mauvaise réputation. Loin de tout cela, Louise ne s'inquiète que de l’absence de l’amant, et de poésie : « La récréation de l’étude laisse un contentement de soi, qui nous demeure plus longuement. Car le passé nous réjouit, et sert plus que le présent, mais les plaisirs des sentiments se perdent incontinent et ne reviennent jamais [...]. Nous retrouvons le plaisir passé qu’avons eu ou en la matière dont écrivions, ou en l’intelligence des sciences où lors étions adonnés ». Ainsi dédie-t-elle son Débat d’Amour et Folie à la vertueuse Clémence de Bourges, qui se laissera mourir d’amour.

 

Louise, elle, meurt après avoir dicté un testament qui nous la montre entourée de ses amis italiens, toute préoccupée de remercier la fidélité de ses fermiers et serviteurs et d’offrir aux jeunes femmes voisines quelques robes neuves.

 

« Le plus grand plaisir qui soit après amour, c’est d’en parler » : tel est bien le mobile qui lui fait écrire cette petite merveille en prose, le Débat d’Amour et Folie, qui paraît dans la gerbe de ses Œuvres de 1555. Ce n’est pourtant pas un chef-d’œuvre de composition : quatre discours inégaux, dont le dernier — deux longs monologues des dieux Apollon et Mercure — mange tout. Elle semble avoir pris son sujet un peu à tout le monde, aux traités italiens sur l’amour de Bembo ou d’Ebreo, à l'Éloge de la folie d’Érasme, aux Contes de Cupido et d’Atropos de Lemaire de Belges, à tous les poèmes qui

« affrontent l'amour à la mort ou l'amour à la haine.

Quoi de plus banal, en effet.

que l'idée de mettre en présence Amour et Folie, se disputant la préséance avec tant de vigueur que Folie en crève les yeux d'Amour, puis panse sa blessure d'un bandeau que l'on ne pourra plus arra­ cher? Vénus se lamente : Amour ne verra plus sa beauté; et puis i 1 accouplera les vieux avec les jeunes, les beaux avec les laids, les nobles avec les vilains.

Apollon prend la défense d'Amour, Mercure celle de Folie.

Jupiter tran­ che dans l'ambiguïté, comme le dira très bien La Fon­ taine, qui réécrira à sa manière ce petit dialogue d'humour: Le résultat enfin de la sup rê m e cour Fut de con da mn er la Folie A servir de guide à l'Amour.

En fait, sous la procédure contradictoire, les points de vue sont les mêmes; Apollon, comme Mercure, fait l'éloge des conduites humaines et justifie la présence de 1' amour dans la société; puisque, de toute manière, amour est fou, on le Joue comme le puissant moteur de toutes les séductions, de tous les raffinements, des modes (Louise écrit sur le vêtement les plus belles pages que l'on puisse alors imaginer).

L'originalité de Louise est d'avoir pour la première fois allié l'amour et le rire : le mélancolique, dans le Débat, c'est l'homme solitaire et sans amour, le « loup-garou }>.

Pas de complaisance pour le tragique, chez elle.

Cela n'étonnera que ceux qui n'in­ terprètent pas en termes de vie la mort sensuelle qu'elle appelle dans sa poésie.

Outre le Débat d'Amour et Folie, trois élégies à l'an­ cienne mode (marotique) et vingt-quatre sonnets à la nouvelle (celle de Du Bellay, de Ronsard, et de l'ami plus proche, Tyard) ont suffi pour immortaliser le nom de Louise Labé.

C'est un peu un mystère d'écriture, tant celle-ci est vigoureuse et simple, musicale comme celle des plus grands.

Les érudits peuvent s'acharner à lui trouver des modèles italiens et français, Louise leur échappe.

On croit à du laisser-aller, et on s'aperçoit que rien n'est plus construit que le sonnet. »

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