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Langue et style - Thérèse Raquin de Zola

Publié le 14/03/2020

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Une grande puissance d’évocation

Le style de Zola possède un fort pouvoir de suggestion : il donne constamment à voir. Les adjectifs qualificatifs concourent à produire cet effet. Les phrases en comportent au moins un, souvent deux ou trois. Leur présence et leur accumulation isolent la scène narrée, qui s’impose ainsi plus facilement à l’esprit. C’est le cas, par exemple, lorsque Thérèse, remariée à Laurent, contemple la galerie du Pont-Neuf :

« Le passage humide, ignoble, traversé par un peuple de pauvres diables mouillés, dont les parapluies s’égouttaient sur les dalles, lui semblait l’allée d’un mauvais lieu, une sorte de corridor sale et sinistre où personne ne viendrait la chercher et la troubler » (p. 217).

Zola ne pratique guère la litote 1 chère aux écrivains classiques. Il recherche au contraire volontiers l’excès, le paroxysme. Camille n’est pas seulement souffreteux, il est toujours « ignoble ». Les rêves sont « brûlants ». Les assassins vivent dans « l’écœurement » et l’« épouvante ». La haine qui bientôt les dresse l’un contre l’autre est « atroce, aux éclats terribles » (p. 251) : « C’étaient des scènes atroces, des étouffements, des coups, des cris ignobles, des brutalités honteuses » (p. 253).

Cette écriture de l’exagération pousse parfois Zola à privilégier le sordide et l’insupportable. C’est notamment vrai dans l’épisode où Laurent se rend chaque jour à la morgue (chap. XIII).

Le sens de la formule

Des « phrases chocs » annoncent ou résument les situations romanesques :

« Le soir, Thérèse, au lieu d’entrer dans sa chambre qui était à gauche de l’escalier, entra dans celle de son cousin, qui était à droite. Ce fut tout le changement qu’il y eut dans sa vie, ce soir-là » (p- 43).

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« «Tousses instincts de femme nerveuse éclatèrent avec une violence inouïe; le sang de sa mère, ce sang africain qui brûlait ses veines, se mit à couler, à battre furieusement dans son corps maigre » (p.

73).

Roman de la névrose et de la folie 1, Thérèse Raquin renferme enfin de véritables diagnostics médicaux.

Par exemple : « On eût dit les accès d'une effrayante maladie, d'une sorte d'hys­ térie du meurtre.

Le nom de maladie, d'affection nerveuse était réellement le seul qui convînt aux épouvantes de Laurent.

Sa face se convulsionnait, ses membres se roidissaient» (p.

201-202).

« Auparavant, il [Laurent] étouffait sous le poids lourd de son sang, il restait aveuglé par l'épaisse vapeur de santé qui l'entourait; main­ tenant, maigri, frissonnant, il avait la verve inquiète [ ...

].La mala­ die en quelque sorte morale, sa névrose, dont tout son être était secoué, développait en lui un sens artistique d'une lucidité étrange » (p.

229).

1 Le vocabulaire du corps et du désir Parce que Zola est convaincu que la psychologie dépend de la physiologie 2, les références au corps sont très nombreuses : la constitution malingre de Camille, la puissante carrure de Laurent, la silhouette de Thérèse, le corps paralysé de Mme Raquin, les cadavres déposés à la morgue.

Les personnes se définissent d'abord par leur présence physique au monde.

Les yeux et les regards jouent ainsi un rôle essentiel.

Ils signifient l'entente ou le dégoût des uns ou des autres.

Le mépris de Thérèse pour Camille s'exprime dans la simple phrase suivante : « [ ...

] Thé­ rèse regarda longtemps cette face blafarde qui reposait bêtement sur l'oreiller, la bouche ouverte » (p.

95).

A l'inverse, les deux amants se comprennent sans mot dire parce que « leurs regards s'étaient ren­ contrés, noirs et ardents » (p.

100).

Zola est en outre l'un des premiers romanciers à décrire ouverte­ ment le désir physique, sans romantisme aucun : « Cette face d'amante s'était comme transfigurée, elle avait un air fou et caressant; les lèvres humides, les yeux luisants, elle rayonnait.

1.

Cf.

p.

55 à 62.

2.

Selon Zola, les pensées, les réactions, les émotions dépendent du fonctionnement des organes.

PROBLÉMATIQUES ESSENTIELLES 87. »

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