LAROUSSE Pierre : sa vie et son oeuvre

LAROUSSE Pierre (1817-1875). Pierre Larousse est né à Toucy, en Bourgogne. Son enfance rurale d'écolier de l’enseignement laïque, son adolescence de boursier de l’école normale primaire à Versailles (1834-1837), puis son expérience d’instituteur dans son bourg natal (1837-1840), définissent le programme de sa vie : une pédagogie vivante, ancrée dans une expérience heureuse et laborieuse de la vie, colorée par un tempérament généreux et profondément optimiste.

A Paris, où il s’établit en 1840, il fréquente assidûment la bibliothèque Sainte-Geneviève, suit des cours publics et, pour subsister, corrige des montagnes de copies et donne des leçons dans un internat privé. Il devient très modestement répétiteur et surveillant en 1848 et le demeurera jusqu'en 1851; c’est alors qu’il rencontre celle qui sera la compagne de sa vie, Suzanne Caubet, qu’il n’épousera qu’en 1872. En 1852, avec un autre Bourguignon instituteur, Augustin Boyer, il fonde une très petite maison d’éditions pédagogiques. Il avait alors déjà publié plusieurs ouvrages, dont une Lexicologie des écoles primaires (1849, devenue Grammaire lexicologique en 1850) et un Traité élémentaire d'analyse grammaticale (1851). Sa nouvelle entreprise lui permet de composer et de diffuser de nombreux manuels et de publier deux périodiques, l'École normale (1858-1865) et /’Émulation (1862-1864). Bien qu’il porte un intérêt passionné à tous les aspects de l’enseignement (voir, par exemple, son Education morale et intellectuelle : méthode socratique, 1859), c’est l’apprentissage de la langue maternelle et notamment du lexique, qui le retient surtout.

Le « démon de la lexicologie » {TÉcole normale, t. II, p. 8) et de l’étvmologie (Jardin des racines grecques, 1858, latines, 1860) conduit Larousse le pédagogue à l’encyclopédie et au dictionnaire. C’est pour fournir à ses chers élèves un instrument de travail compréhensible qu’il compose et édite en 1856 un Nouveau Dictionnaire de la langue française, ancêtre du futur Petit Larousse, qui juxtapose vocabulaire, encyclopédie et locutions latines; ces notes encyclopédiques et les citations latines sont imprimées sur des pages roses : innovation dont on connaît la fortune... En 1860, Larousse y ajoute les noms propres. Le modèle est au point; devenu Dictionnaire complet... en 1869, l’ouvrage sera par la suite illustré et deviendra, après la mort de son initiateur, le Petit Larousse (Claude Augé, 1902).

Cet ouvrage, ainsi que deux grammaires françaises, assure la prospérité à l’éditeur et lui permet d'envisager la réalisation du Grand Dictionnaire universel du xixe siècle, qui commence de paraître en 1864, un an après les premiers fascicules du Littré. Travaillant à son grand œuvre comme un forcené — probablement depuis 1860 ou 1861 —, Pierre Larousse, malade, épuisé, sera frappé de congestion cérébrale à trois reprises : en 1868, en 1869, enfin en 1871, après le drame de la guerre et de la Commune et l’épreuve personnelle que fut la mort de sa mère. A cinquante-deux ans, Larousse est un cadavre intellectuel : il survivra cependant encore trois ans.

Carrière brève et intense, qui correspond à un double destin : celui de l’instituteur démocrate, qui s’incarne surtout dans un projet encyclopédique; celui de l’entrepreneur d’éditions — encore que le succès capitaliste