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L'ART DE BALZAC

Publié le 05/04/2011

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   Balzac a longtemps cherché sa voie, on le sait, et avant d'atteindre soudain sa perfection dans Les Chouans, s'est essayé-dans des œuvres « alimentaires « d'un romanesque ébouriffant : Jane la Pâle, L'Héritière de Birague, etc. à imiter la littérature à la mode, singulièrement la littérature anglaise et le roman de Walter Scott. Il voulait, disait-il, être le Walter Scott de la France, plus un architecte.    Il a d'ailleurs été fidèle à cette admiration de sa jeunesse et son jugement sur le grand écrivain est un bon jugement. Pour lui, Walter Scott élevait le roman à la valeur philosophique de l'histoire et y réunissait à la fois le drame, le dialogue, le portrait, le paysage, la description, le merveilleux et le vrai, ces éléments de l'épopée.    Molière, La Bruyère, sans doute Diderot (Sur les caractères) marquèrent fortement de leur influence salutaire l'imagination du jeune Balzac qui dévorait leurs œuvres. Ces maîtres dans la connaissance de l'homme et de la société trouvaient dans le futur créateur de La Comédie Humaine un disciple parfait.    D'autre part Balzac était singulièrement attiré par les sciences «naturelles. Il professait pour Cuvier une immense admiration, il se disait l'élève de Geoffroy Saint-Hilaire, à qui il dédia Le Père Goriot.    Enfin la lecture passionnée de Lavater et de Gall qui avaient alors établi les premiers fondements de la morphologie donnait à Balzac la certitude quasi scientifique des rapports qu'il pressentait intuitivement entre les apparences physiques et le moral des hommes.

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« même temps que ses tableaux de mœurs, les uns ne pouvant s'expliquer que par les autres.

Le fil se noue alors surune triple trame, lentement pour le roman mélancolique de Renée de Maucombe; rapidement, avec des effilochures,des ruptures violentes, pour le roman brûlant et dévastateur de Louise ; et du même mouvement cadencé, régulier,indifférent et machinal sur la trame de la vie extérieure, famille, mœurs, événements. Tout concourt cependant aux dénouements, on ne peut rien retrancher, rien ajouter, l'unité est totale, et si elle aété insaisissable, si le mécanisme a échappé au critique déçu, le lecteur, une fois le livre achevé a conscience detout savoir, de tout comprendre. C'est le caractère essentiel de l'art balzacien.

Et après tout c'est le caractère essentiel de l'art tout court.

Ce quirend une sculpture comme la Vénus de Milo, une peinture comme la Joconde, une tragédie comme Phèdre ou Hamlet,une comédie comme Tartuffe, une musique comme la Cinquième Symphonie, et tant de poèmes de Musset, Hugo,Baudelaire, Verlaine, immortels, c'est, bien plus que leur perfection formelle, la vie qui circule en eux, que ce soitdans le marbre, la couleur, les mots ou les notes.

Les siècles ni les modes n'y font rien. Nous ne pouvons mieux faire que de citer le jugement excellent d'Émile Faguet dans son Balzac sur cette importantequestion : « Il habitait un monde qui émanait de lui, de lui une fois mis en mouvement et en action par des observations, mêmerapides.

Des êtres logiques, vraisemblables et complets sortaient de son cerveau et marchaient devant ses yeux etdevant les nôtres.

Et ils agissaient disant ce qu'ils devaient dire et faisant ce qu'ils devaient faire d'après leurtempérament, leur éducation et l'influence de leurs entours, ayant le caractère de leur origine et de leur complexion,les habitudes de leur caractère, les idées de leurs habitudes, les paroles de leurs idées et les actes de leur langagepleins, solides, organisés, vivants...

tous animés et qui respiraient.

C'est le premier trait et c'est le don essentiel del'artiste : le sentiment de la vie et la faculté d'en donner l'illusion.» L'homme de génie qu'est Balzac, continue Faguet, « vit dans ses personnages, sans quoi il ne pourrait pas les fairevivants, et, d'autre part, ces différents moi, il les a si bien extériorisés, qu'il déteste les uns et aime les autres ». La vie qui anime le roman balzacien et qui lui donne cette vérité, cette crédibilité, apparaît souvent dans des motsd'une telle force, d'une telle spontanéité, que l'on a l'impression de les entendre physiquement, que la scène, lesêtres se trouvent-soudain présents et qu'il semble qu'on en soit les témoins, sinon les acteurs.

Citons-en quelques-uns : Le colonel Chabert que l'on a cru mort à Eylau, revenant à Paris après de longues années de maladie et de misère,raconte ses aventures à Me Derville, le célèbre avoué.

Celui-ci lui donne deux louis : Je vais donc pouvoir fumer descigares, dit-il. On explique à Lucien de Rubempré qu'il faut choisir un parti politique et s'y agréger : — Libéraux, royalistes, il fautchoisir.

De quel côté vous rangez-vous? — Quels sont les plus forts? demande immédiatement Rubempré. L'avare Grandet apprend à son neveu que son père est mort.

Douleur du neveu, grande et sincère.

Alors Grandet :Mais ce n'est rien, il a fait faillite et tu n'as pas un sou. La courtisane mariée Mme Marneffe, dit coquettement à son protecteur, le riche parvenu Crevel, parfumeur : — Tune m'aimes pas ce matin.

Riposte immédiate de Crevel : — Je ne t'aime pas, Valérie ! Je t'aime comme un million! Pour Balzac le détail avait une valeur primordiale. Un de ses personnages les plus intelligents Mme de la Baudraye (Un prince de la Bohême) est son porte-parole : Jene crois pas aux dénouements, dit-elle.

Il faut en faire quelques-uns de beaux pour montrer que Fart est aussi fortque le hasard, mais on ne relit une œuvre que pour les détails. Balzac voyait son personnage, il voyait tous ses traits physiques, et il voyait le lieu où ce personnage vivaithabituellement, l'un déteignant sur l'autre.

Par exemple Mme Vauquer, qui tient une pension de famille au QuartierLatin, est grasse comme le graillon qui, de sa sombre cuisine, empuantit toute la maison : Sa face vieillotte,grassouillette, du milieu de laquelle sort un nez en bec de perroquet ; ses petites mains potelées, sa personnedodue comme un rat d'église, son corsage trop plein et qui flotte...

Enfin toute sa personne explique la pension,comme la pension implique sa personne.

L'embonpoint blafard de cette petite femme est le produit de cette vie...(Le Père Goriot) L'usurier Gobseck : ...

Jaunes comme ceux d'une fouine, ses petits yeux n'avaient presque point de cils etcraignaient la lumière; mais l'abat-jour d'une vieille casquette les en garantissait.

Son nez pointu était si grêlé dansle bout que vous l'eussiez comparé à une vrille.

Il avait les lèvres minces...

Cet homme parlait bas, d'un ton doux, etne s'emportait jamais.

Son âge était un problème...

Tout était propre et râpé dans sa chambre, pareille, depuis ledrap vert du bureau jusqu'au tapis du lit, au froid sanctuaire de ces vieilles filles qui passent leur vie à frotter leursmeubles...

Sa vie s'écoulait...

sans faire plus de bruit que le sable d'une horloge antique.

Quelquefois ses victimess'emportaient : puis après il se faisait un grand silence comme dans une cuisine où l'on égorge un canard.

(Gobseck). »

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