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L'art de persuader dans l'Oraison funèbre d'Henriette d'Angleterre.

Publié le 17/02/2011

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Dans le domaine de l'éloquence, tout ce qui a du succès ne persuade pas nécessairement. Dans la première moitié du XVIIe siècle, la familiarité, la vulgarité, les anecdotes grotesques faisaient la réputation d'un grand nombre de prédicateurs qui n'ont pas converti beaucoup d'âmes. Tout aussi peu persuasifs étaient ceux qui abusaient de l'érudition mythologique, de la préciosité, des beautés superflues. Enfin, au temps de Bossuet, on accourait sans se convertir aux sermons froidement logiques, rédigés en neuf points; certains prédicateurs se poussaient en cour par leurs éloges flagorneurs, d'autres décourageaient le pécheur par leur excès d'austérité. Avec Bossuet, l'Oraison funèbre revient à son véritable but : convertir les hommes par la contemplation de la mort et de l'éternité. Mais même un orateur sincère et efficace doit être conscient de ses moyens d'action.

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« chacun est forcé de reconnaître la justesse de ses maximes religieuses parfois banales, fondées sur le bon sens.

Il al'habileté de prêcher la vanité des choses humaines à un public encore sensibilisé par la Fronde et la Révolutiond'Angleterre qui lui ont montré la fragilité des trônes. 3.

L'interprétation surnaturelle des faits humains.L'erreur de prédicateurs trop complaisants avait été de prononcer des sermons assez profanes sous prétexte des'adapter à un public peu dévot.

Ils n'ont converti personne.

Bossuet au contraire ramène tout au surnaturel,comme il le fera dans l'Histoire universelle.

C'est ce qu'il appelle, dans la deuxième partie, la prédestination.Avec un art consommé dans la présentation, il tire des enseignements religieux de n'importe quel fait : Dieu a voulula mort prématurée de Madame, après une vie si éclatante, pour nous donner une leçon, nous montrer la vanité dece monde. 4.

L' argumentation.Il n'en faut ni trop ni trop peu.

Les preuves doivent être simples, tangibles.

Elles sont tirées de l'Écriture, del'Histoire, de la vie courante.

Elles doivent s'insérer naturellement dans la trame de l'oraison.

La démonstration estrigoureuse et simple.

Tout est contenu ici dans une antithèse pascalienne entre la grandeur et le néant.

Dans lapremière partie sont opposés la vie éclatante et l'anéantissement rapide.

Dans la deuxième partie la vraie grandeurde l'homme, et les vrais mérites de sa vie s'opposent à la première partie.

La conclusion s'impose : la vie est unpéril, la mort une grâce qui assure la vraie grandeur : Mais ces idoles que le monde adore, à combien de tentationsdélicates ne sont-elles pas exposées? La gloire, il est vrai, les défend de quelques faiblesses, mais la gloire lesdéfend-elle de la gloire même? Ne s'adorent-elles pas secrètement? Ne veulent-elles pas être adorées?...

N'est-cedonc pas un bienfait de Dieu d' avoir abrégé les tentations avec les jours de Madame? Bossuet a donc su convaincreen choisissant exactement ce qui avait frappé les contemporains dans cette destinée : la vie brillante, la mortsubite.

Et la voix du prédicateur semblait dire aux grands : Tu es ille vir ( Livre des Rois, II, 1-2, 7), u cette destinéeest aussi la tienne.

» C.

- LE STYLE 1.

La rhétorique.Bossuet persuade en employant les moyens qui furent ceux des grands maîtres : Démosthène et Cicéron.

L'Aigle deMeaux a acclimaté dans notre littérature la période de Cicéron.

De nombreuses phrases ont ici entre six et dixlignes.

Les plus longues se trouvent à la fin des paragraphes.Dans la composition de cette oraison funèbre nous trouvons.

certaines des parties classiques du discours : exorde,narration, confirmation, réfutation, péroraison.

Mais elles sont disposées sans raideur, car souvent les différentsthèmes s'enchevêtrent.Toutefois, cette rhétorique apparaît peu.

Cet art est naturel et sobre de moyens.

Comme Racine, Bossuet éliminetoutes les beautés inutiles.

C'est la simplicité qui fait souvent sa force : Non, après ce, que nous venons de voir, lasanté n'est qu'un nom, la vie n'est qu'un songe, la gloire n'est qu'une apparence, les grâces et les plaisirs one sontqu'un dangereux amusement ; tout est vain en nous. 2.

Le rythme.Ces phrases retentissent sous les voûtes de Saint-Denis comme les périodes cicéroniennes frappaient les échos duforum.

Elles sont sans cesse soutenues par un souffle ascendant, elles suivent une courbe mélodique qu'accentuentles silences ménagés au sommet ou à la fin.

Souvent, alors que logiquement la phrase pourrait finir, une autreproposition la prolonge et le decrescendo se répercute dans nos âmes, engendrant une mélancolie qui nous faitperdre pour un moment le goût des plaisirs de la vie : La mort ne nous laisse' pas assez de corps pour occuperquelque place...

; — notre chair change bientôt de nature, notre corps prend un autre nom...

; — il devient un je nesais quoi qui n'a plus de nom dans aucune langue ; tant il est vrai que tout meurt en lui, jusqu' à ces termesfunèbres par lesquels on exprimait ses malheureux restes !3.

La force.« Les passions sont les seuls orateurs qui persuadent toujours » (La Rochefoucauld), Comme Démosthène, Bossuetpersuade parce qu'il est sincère et animé d'une conviction religieuse profonde.

Il avait bien connu Henrietted'Angleterre, avait été honoré de ses bienfaits, avait assisté à sa mort.

Rien, dans l'éloquence, ne peut remplacercette réalité vue et sentie.Un prélat ordinaire aurait pu formuler les mêmes vérités d'une manière aimable, anodine quoique juste, et n'auraittouché personne.

Bossuet a une force extraordinaire lorsqu'il parle de Dieu, affirme le néant et la grandeur del'homme, montre la puissance inexorable de la mort ou loue le vrai mérite : Il ne faut pas permettre à l'homme de semépriser tout entier, de peur que croyant avec les impies que notre vie n'est qu'un jeu où règne le hasard, il nemarche sans règle et sans conduite au gré de ses aveugles désirs...

; — tout est vain en l'homme si nous regardonsce qu'il donne au monde ; mais au contraire tout est important, si nous considérons ce qu'il doit à Dieu.D'où vient cette force unique dans la littérature religieuse, parce qu'elle nous en impose, emporte notre conviction,ne laisse aucune place à la raillerie du libertin, écrase l'objection, subjugue les coeurs? On peut l'analyser, enchercher les causes dans la structure des phrases, le choix du vocabulaire, le nombre des verbes, on n'aura jamaisdéfini ce je ne sais quoi qui est la passion apostolique, l'enthousiasme que décrivait Platon.. »

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