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L'Assommoir de Zola: « Un tableau exact de la vie du peuple »?

Publié le 22/01/2020

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3° une documentation technique très précise concernant les métiers qu’il décrit : fleuriste, blanchisseuse, couvreur, boulonnier, chaîniste, laveuse. De ce point de vue, Zola nous donne un document excellent sur la vie ouvrière de l’époque (outils, prix, salaires, conditions de travail,..) que les historiens et d’autres sources confirment;

4° des notes qu’il a prises lui-même au cours de promenades dans le quartier de la Goutte-d’Or et qui sont comme les carnets d’esquisses que remplissent les peintres sur le motif. Ces notes passeront presque textuellement dans le roman et restituent avec vérité et acuité la vie et la forme de ce quartier (ex. : p. 12, 14, 44; etc...). Mais il faut remarquer une fois encore que dans ces descriptions le réel est trié, interprété, organisé et transposé dès qu’il est regardé avec une intuition étonnante ; ce que Zola retient de la rue Neuve de la Goutte-d’Or, ce sont « des boutiques noires », des « épiceries borgnes », des « cours puantes » et un arbre, l’arbre de Gervaise (p. 115) qui devient, dès les carnets préparatoires, un symbole : « l’arbre (un acacia) avançant dans la rue, la gaieté de la rue » (f° 105). Autre exemple plus caractéristique : dans la rue de la Goutte-d’Or, il voit, à côté d’une maréchalerie, la boutique d’un horloger; il est frappé par « le petit établi tout plein d’outils mignons et de choses délicates sous des verres ». Immédiatement ce réel devient symbole : « l’image de la fragilité au milieu du vacarme et des secousses de la rue populacière ». De la même façon, il insiste, dans sa description de la grande maison, sur certains détails : ceux qui lui semblent caractériser la condition ouvrière et qui lui ont fait choisir d’ailleurs cette maison parmi tant d’autres : « Toute noire, sans sculptures, les fenêtres avec des persiennes noires, mangées, et où des lames manquent... » (f° 106). La maison est donc vue et choisie en fonction d’une idée que Zola possédait déjà : la vie ouvrière est faite de pauvreté, de saleté, de tristesse, etc...;

5° enfin, il prend des notes - 13 pages - sur l’ouvrage de Denis Poulot, Question sociale - le sublime ou le travailleur comme il est en 1870 et ce qu’il peut être, désigné le plus souvent sous le titre : Le sublime.

Il faut s’arrêter sur cette dernière source, la plus importante, puisque, dès 1875, on a accusé le romancier d’avoir plagié l’œuvre de Denis Poulot. Il reconnaît d’ailleurs l’avoir utilisée parce que c’était un « livre de documents ».

Denis Poulot était en effet un ancien « compagnon » devenu industriel. Son livre est divisé en deux parties. La première s’intéresse à la vie des ouvriers et aux méfaits de l’alcoolisme. La deuxième donne des solutions pour régler la question sociale : éducation, syndicats, et entente avec les patrons ; plus tard, « associations d’ouvriers possesseurs ».

Zola s’intéresse presque uniquement à la première partie, ne retenant de la seconde que la nécessité du développement de l’éducation, une idée qui lui a toujours été chère. Pourquoi? En 1875, il a affirmé nettement dans l’ébauche de L’assommoir : « Le roman de Gervaise n’est pas le roman politique. » Son but est de peindre le « milieu déplorable dans lequel vit la jeune femme et dont elle est la victime ». Denis Poulot, comme Francisque 

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« appelait un « dossier préparatoire ».

On peut y suivre la genèse de l'œuvre.

Car il pensait par écrit, et nous connaissons ainsi ses raisonnements, ses buts, ses remords ...

L'ébauche de L'assommoir est nette : « Le roman doit être ceci : montrer le milieu peuple et expliquer par ce milieu les mœurs du peuple; comme quoi, à Paris, la soûlerie, la débandade de la famille, les coups, l'acceptation de toutes les hontes et de toutes les misères, vient (sic) des conditions mêmes de l'existence ouvrière, de travaux durs, des promis­ cuités, des laisser-aller ...

» " Ma Gervaise Macquart doit être l'héroïne ( ...

) Je prends Gervaise à Paris à 22· ans (en 1850) et je la conduis jusqu'en 1869, à 41 ans.

Je la fais passer par toutes les crises et toutes les hontes imaginables( ...

) Je la montre mourant à 41 ans épuisée de travail et de misère » (Ms 10271, f0 158 et suiv.).

L'écrivain prévoit alors de donner comme titre au roman : " La simple vie de Gervaise Coupeau.

» « L'essentiel de l'intrigue était déterminé, et les per­ sonnages avaient déjà leurs traits, on le constate une fois de plus, avant la mise en train du travail de documentation » conclut H.

Mitterand 1• Tous les romans de Zola se nourrissent en effet, beau­ coup plus qu'on ne le pense, de toute sa vie : expériences multiples, conversations, lectures anciennes, etc ...

, remontent à la surface ati moment de la composition, sans passer par les dossiers préparatoires.

Cette symbiose entre la vie, l'œuvre du journaliste et l'œuvre du romancier, est très importante pour L'assommoir et elle , lui donne son accent particulier.

LA DOCUMENTATION ET SON UTILISATION Les documents que Zola.

a rassemblés pour écrire ce roman sont peu nombreux si on pense aux recherches qu'il a pu entreprendre pour d'autres œuvres.

Il a réuni en effet environ 75 feuillets de notes, contre une centaine pour Son Excellence Eugène Rougon ou Nana, près de 300 pour Au bonheur des dames et 340 pour le deuxième roman ouvrier, Germinal.

1.

Pour le détail de l'étude de ce dossier préparatoire et de sa genèse, consulter les notes qu'H.

Mitterand a jointes à son édition du roman dans la collection de la Pléiade.

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