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LE CARACTÈRE DE BALZAC

Publié le 04/04/2011

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« Balzac était debout (chez Mme de Girardin) devant la cheminée... Il n'était pas grand, bien que le rayonnement de son visage et la mobilité de sa stature empêchassent de s'apercevoir de sa taille; mais cette taille ondoyait comme sa pensée ; entre le sol et lui il semblait y avoir de la marge; tantôt il se baissait jusqu'à terre comme pour ramasser une gerbe d'idées; tantôt il se redressait sur la pointe des pieds pour suivre le vol de sa pensée jusqu'à l'infini. Il ne s'interrompit pas plus d'une minute pour moi, il était emporté par sa conversation avec M. et Mme de Girardin. Il me jeta un regard vif, pressé, gracieux, d'une extrême bienveillance. Je m'approchai pour lui serrer la main, je vis que nous nous comprenions sans phrase et tout fut dit entre nous; il était lancé, il n'avait pas le temps de s'arrêter. Je m'assis et il continua son monologue, comme si ma présence l'eût ranimé au lieu de l'interrompre. L'attention que je donnais à sa parole me donnait le temps d'observer sa personne dans son éternelle ondulation. Il était gras, épais, carré par la base et les épaules; le cou, la poitrine, le corps, les cuisses, les membres puissants ; beaucoup de l'ampleur de Mirabeau, mais nulle lourdeur; il y avait tant d'âme qu'elle portait tout cela légèrement et gaîment, comme une enveloppe souple et nullement comme un fardeau; ses bras gesticulaient avec aisance; il causait comme un orateur parle. «

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« hommes désirent l'admiration, et, en quelque sorte, la soumission des autres hommes à leurs pensées.

Balzac n'a paséchappé à la règle, il avait besoin de cette gloire légitime comme d'un excitant cérébral et moral, cela n'a causé dedommage à personne.

On s'étonne, de nos jours, de voir certains commentateurs le lui reprocher ! Baudelaire, qui aima et admira Balzac sans réserve, parle de son « adorable naïveté ».

Voilà sans doute le dernier mot du caractère de Balzac.

Naïveté, c'est-à-dire qu'ilétait toujours neuf, toujours apte à s'étonner, à s'émerveiller, à s'enthousiasmer et, sur le plan supérieur, à deviner,à comprendre.

Il n'était jamais blasé, il n'abordait rien avec une méfiance a priori et c'est bien là une condition derenouvellement indéfini. Cet « égoïste » était bon et généreux.

Les témoignages des contemporains sont unanimes.

Sainte-Beuve lui-même n'y contredit point.

La correspondance ne permet dedéceler aucune fêlure dans cette spontanéité du don de soi, qui fit que Balzac fut tellement aimé.

Il ne marchandaitpas son admiration, entière, sans retour, comme en témoigne l'étonnant article sur La Chartreuse de Parme et surStendhal, du 25 septembre 1840 dans la Revue Parisienne où, dit Alain : « le mouvement d'admirer est sublime ». Toute sa vie Balzac fut affamé de tendresse et d'amitié.

Sa correspondance en est un témoignage direct, mais son œuvre — où il livre ses véritables pensées et sesplus profonds sentiments en les prêtant à ses personnages —, nous a laissé des textes bien significatifs, neseraient-ce que ses devises : fuge, late, tace...} aux cœurs blessés l'ombre et le silence... On a dit qu'il avait la passion de l'intimité et qu'il s'est défendu de jamais livrer son cœur au public.

Mais voici ce qu'ilprête de lui-même au journaliste Blondet dans Les Paysans : Les hommes habitués à rouler dans les abîmes de lanature sociale, à tout comprendre, à ne rien réprimer, se font une oasis dans le cœur ; ils oublient leurs perversitéset celles d'autrui ; ils deviennent, dans un cercle étroit et réservé, de petits saints ; ils ont des délicatessesféminines; ...ils se font angéliques pour la seule personne qui les adore, et ils ne jouent pas la comédie, ils mettentleur âme au vert, pour ainsi dire ; ils ont besoin de brosser leurs taches de boue, de guérir leurs plaies, de panserleurs blessures! Dans une lettre à Mme Hanska, il avoue : il n'y a que les âmes méconnues et les pauvres qui sachent observer,parce que tout les froisse et que l'observation résulte d'une souffrance.

La mémoire n'enregistre bien que ce qui estdouleur. La vie et l'œuvre de Balzac, a-t-on dit, sont des chefs-d'œuvre d'énergie.

Certes.

En dehors des commandementsde l'inspiration et du génie, Balzac a voulu La Comédie Humaine Il a lutté contre tout, en connaissance de cause,avec héroïsme.

Non point pour prendre une attitude, comme le romantisme l'imposa à Byron, Chateaubriand ouVigny, mais parce qu'il était un ouvrier consciencieux, qui bâtit parce qu'il doit bâtir. Toute la correspondance témoigne de cette volonté acharnée : il y a longtemps que les angoisses et moi nous noussommes mesurés ! Je les ai domptées, je les dompterai encore ! (Lettre à sa sœur Laure, 1834) Je suis comme surun champ de bataille (à sa mère, 1834).

3e souffrirai encore, il est vrai, mais enfin je triompherai, et, dans lecombat, il faut marcher et ne pas s'attendrir (à sa sœur Laure, 1835). Jamais le torrent qui m'emporte n'a été plus rapide; jamais une œuvre plus majestueusement terrible n'a commandéle cerveau humain.

Je vais, je vais au travail comme le joueur au jeu...

J'arriverai tué ! (à Mme Zulma Carreaud,1835) De pareils tours de force veulent des prodiges, c'est comme les campagnes d Italie (à Mme Hanska, 1835). En 1844, il parle de l'enfer de ses seize années de labeur, mais il n'a jamais désespéré ni capitulé, la maladie et lamort seules eurent raison de sa volonté.

« C'était, dit Emile Faguet, un admirable ouvrier de lettres, probe,consciencieux, scrupuleux, acharné.

Il est de ceux pour qui ont été choses méritées, même moralement, le succèset la gloire.

». Le cerveau de Balzac était admirablement organisé. Tout ce dont l'artiste de génie a besoin pour la création de son œuvre, il le possédait et, au premier chef, les troisfacultés maîtresses : l'imagination, la mémoire, la puissance d'abstraction. « Il avait l'imagination, la vraie, non pas celle qui s'exerce dans les mots, qui fait des métaphores, construit laborieusement des symboles, mais celle qui crée deschoses, des êtres et des événements.

» (Émile Faguet) Car cette imagination ne s'exerçait sur des chimères que dans sa vie, où il dépassait presque toujours le réel, et où. »

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