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LE DÉCLIN DU ROMANTISME

Publié le 22/04/2012

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QuANT à Gérard de Nerval, l'un de nos écrivains les plus précieux, on pourrait dire qu'il s'était déguisé par la folie. De même que Baudelaire s'est déguisé dans la maladie. C'est presque la fin du romantisme au sens physique; la destruction des cerveaux romantiques. Baudelaire, aujourd'hui, prend figure à la fois de dernier romantique, de premier réaliste, de premier symboliste et de premier poète postérieur à toutes ces écoles. Mais il faut marquer aussi la position de Victor Hugo dans cette fin du romantisme. La première Légende des Siècles est construite en plein centre du pays ....

« Illusions perdues, dépeint par le détail l'affaire que fut le romantisme.

Même dans la vie privée et les amours des poètes, le côté sordide n'est que trop apparent.

Pour ce manque d'harmonie entre la grande littérature et l'époque, il ne faut pas blâmer les romantiques.

Les classiques étaient dans une situation semblable.

Le règne de la raison n'a jamais existé dans les faits du xvne siècle.

La Fronde est une complète absurdité.

La conduite de La Rochefoucauld se lançant dans la guerre civile pour faire plaisir à une femme dont il était amoureux est d'un romantisme excessif, ainsi que ses deux abominables vers préservés par Voltaire : Pour mériter son cœur, pour plaire à ses beaux yeux, J'ai fait la guerre aux rois, je 1 'aurais faite aux dieux.

La mentalité de la France entre 1 b30 et 1670 était irifiniment plus romantique qu'entre 1820 et 1840.

Ainsi la littérature d'une période n'est ni entièrement parallèle aux sentiments dominants dans cette période ni non plus, évidemment, opposée aux tendances privées.

C'est pour cela qu'il y a du romantisme dans Racine et du cynisme dans Victor Hugo.

Mais cela aide à comprendre aussi pourquoi les modes littéraires ne peuvent pas durer.

Ce ne sont pas seulement la satiété et l'ennui qui se révoltent, ce sont aussi des sentiments plus profonds négligés pendant quelque temps.

Mais les âmes poétiques ne se laissent pas si facilement opprimer par leur période.

Aussi, l'époque que nous appelons ici la fin du romantisme contient-elle quelques-unes des plus belles manifestations littéraires du romantisme, et non seulement littéraire.

L'idéal de l'amour romantique, idéal de félicité entre un homme et une femme qui ont défié les conventions sociales et appartiennent l'un à l'autre pour l'éternité, n'a jamais été atteint par les romantiques eux-mêmes.

Les amours de Musset et de George Sand ont bien mal fini.

La grande aventure romantique de Mme d'Agoult et Liszt, bien plus mal encore.

Les amours de Victor Hugo sont des catastrophes : son grand mariage roman­ tique tourne très mal après 1830; sa passion romantique avec Juliette vint échouer dans l'épisode de Mme Biard, et la plus grande partie de la vie d'Olympia est remplie d'aventures qui n'ont absolument rien de romanesque.

Les Chansons des Rues et des Bois en font d'ailleurs un aveu clair.

Mais voilà que la réussite de l'amour romantique est obtenue dans cette fin du romantisme, et peut-être pour la seule fois : ce sont les Browning qui défient les conventions sociales, quis' enfuient de Londres en Italie, qui réalisent l'idéal de la fidélité parfaite et de l'amour éternel sans une tache, sans une faute, sans une aventure, du commencement jusqu'à la mort.

IL est curieux, en un sens, et naturel dans un autre, que la réussite d'un idéal, comme chez les Browning, coïncide dans le temps avec la banqueroute de cet idéal, comme chez Baudelaire.

Il est évident que la perfection d'une forme d'art rend impossible toute nouvelle tentative dans cette forme : on se trouve alors en présence d'imitations inférieures qui ne sont plus de l'art.

Une fois l'amour romantique parfaitement exprimé, on ne pouvait plus recommencer à l'exprimer, il fallait chercher autre chose.

Cette banqueroute du tableau de l'amour parfait romantique est marquée implacable­ ment chez Baudelaire.

Lorsqu 'il dit par exemple : Qu'importe ta bêtise ou ton indifférence? Masque ou décor, salut! J'adore ta beauté.

Baudelaire a exprimé le contraire de l'idéal romantique de l'amour.

Caricaturé un peu, cet idéal romantique avait été clairement exprimé par Bouilhet : Qu'importe ton sein maigre, 0 mon objet aimé? On est plus près du cœur quand la poitrine est plate.

(Ce qui, en un sens, marque aussi une fin du romantisme.). »

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