Le Discours du Père Souël
Publié le 28/03/2014
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Le Discours du Père Souël
René vient de raconter sa malheureuse« histoire «(son insatisfaction permanente
due au« vague des passions '"son amour ambigu pour sa soeur
Amélie, sa tentation de suicide ... ) au Sachem Chactas, « son père adoptif
«, et au PèreSouël, missionnaire au fort Rosalie, chez les Natchez, Indiens
de la Louisiane. Le premier corn patit et pleure, le second plus austère désire
tirer une leçon morale de ce comportement. C'est ainsi qu'il prend la parole;
ce sont les dernières pages du récit.
«Rien, dit-il au frère d'Amélie\ rien ne mérite, dans cette histoire,
la pitié qu'on vous montre ici. Je vois un jeune homme entêté
de chimères, à qui tout déplaît et qui s'est soustrait aux charges
de la société pour se livrer à d'inutiles rêveries. On n'est point, mon-
5 sieur, un homme supérieur parce qu'on aperçoit le monde sous
un jour odieux. On ne hait les hommes et la vie, que faute de voir
assez loin. Étendez un peu plus votre regard, et vous serez bientôt
convaincu que tous ces maux dont vous vous plaignez sont de purs
néants. Mais quelle honte de ne pouvoir songer au seul malheur
10 réel de votre vie, sans être forcé de rougir l Toute la pureté, toute
la vertu, toute la religion, toutes les couronnes d'une sainte rendent
à peine tolérable la seule idée de vos chagrins. Votre soeur
a expié sa faute2; mais, s'il faut dire ici ma pensée, je crains que,
par une épouvantable justice, un aveu sorti du sein de la tombe
15 n'ait troublé votre âme à son tour. Que faites-vous seul au fond
des forêts où vous consumez vos jours, négligeant tous vos
devoirs? Des saints, me direz-vous, se sont ensevelis dans les
déserts? Ils y étaient avec leurs larmes et employaient à éteindre
leurs passions le temps que vous perdez peut-être à allumer les
20 vôtres. Jeune présomptueux qui avez cru que l'homme se peut suffire
à lui-même! La solitude est mauvaise à celui qui n'y vit pas
avec Dieu; elle redouble les puissances de l'âme, en même temps
qu'elle leur ôte tout sujet pour s'exercer. Quiconque a reçu des
forces, doit les consacrer au service de ses semblables; s'il les
25 laisse inutiles, il en est d'abord puni par une secrète misère, et tôt
ou tard le ciel lui envoie un châtiment effroyable. «
Troublé par ces paroles, René releva du sein de Chactas sa tête
humiliée. Le Sachem aveugle se prit à sourire; et ce sourire de la
bouche, qui ne se mariait plus à celui des yeux, avait quelque chose
30 de mystérieux et de céleste.« Mon fils, dit le vieil amant d'Atala3,
il nous parle sévèrement; il corrige et le vieillard et le jeune homme,
et il a raison. Oui, il faut que tu renonces à cette vie extraordinaire
qui n'est pleine que de soucis: il n'y a de bonheur que dans les
voies communes. «
Chateaubriand, René, 1802.
1) Frère d'Amélie: René avait pour soeur Amélie, dont il s'était épris. 2) A
expié sa faute: Amélie, pour fuir cette« affection «partagée, rentra au couvent
et y mourut en « soignant ses compagnes attaquées d'une maladie
contagieuse «. 3) Le vieil amant d'Atala : Ch actas, dans sa jeunesse aima
une jeune Indienne, Atala, qui, s'étant promise à la religion, s'empoisonna
pour ne pas succomber à sa passion.
• Une péroraison (1. 23 à 26)
• Le texte insiste clairement sur l'engagement social. C'est un sermon à
valeur générale: tous(« quiconque«) au service de tous(« ses semblables«).
• La menace est double (toujours le rythme binaire)
- psychologique : « secrète misère « ;
- religieuse : « un châtiment effroyable «.

«
a expié sa faute2; mais, s'il faut dire ici ma pensée, je crains que,
par une épouvantable justice, un aveu sorti du sein de la tombe 15 n'ait troublé votre âme à son tour.
Que faites-vous seul au fond
des forêts où vous consumez vos jours, négligeant tous vos
devoirs? Des saints, me direz-vous, se sont ensevelis dans les déserts? Ils y étaient avec leurs larmes et employaient à éteindre leurs passions le temps que vous perdez peut-être à allumer les 20 vôtres.
Jeune présomptueux qui avez cru que l'homme se peut suf fire à lui-même! La solitude est mauvaise à celui qui n'y vit pas
avec Dieu; elle redouble les puissances de l'âme, en même temps
qu'elle leur ôte tout sujet pour s'exercer.
Quiconque a reçu des
forces, doit les consacrer au service de ses semblables; s'il les 25 laisse inutiles, il en est d'abord puni par une secrète misère, et tôt
ou tard le ciel lui envoie un châtiment effroyable.
» Troublé par ces paroles, René releva du sein de Chactas sa tête humiliée.
Le Sachem aveugle se prit à sourire; et ce sourire de la
bouche, qui ne se mariait plus à celui des yeux, avait quelque chose 30 de mystérieux et de céleste.« Mon fils, dit le vieil amant d'Atala3, il nous parle sévèrement; il corrige et le vieillard et le jeune homme,
et il a raison.
Oui, il faut que tu renonces à cette vie extraordinaire
qui n'est pleine que de soucis: il n'y a de bonheur que dans les
voies communes.
» Chateaubriand, René, 1802.
1) Frère d'Amélie: René avait pour sœur Amélie, dont il s'était épris.
2) A
expié sa faute: Amélie, pour fuir cette« affection »partagée, rentra au cou vent et y mourut en « soignant ses compagnes attaquées d'une maladie
contagieuse ».
3) Le vieil amant d'Atala : Ch actas, dans sa jeunesse aima
une jeune Indienne, Atala, qui, s'étant promise à la religion, s'empoisonna
pour ne pas succomber à sa passion.
1.
Des suggestions
Appuyons, à nouveau, notre explication sur la composition qui nous fournit
le fil directeur, puisqu'il s'agit d'un sermon rigoureux dans son
argumentation.
Appliquons le conseil n
° 3, la prose d'art de Chateaubriand nous y aidera.
2.
De l'aide
1) Situation Amélie morte, le récit de René doit finir.
Or, il faut conclure pour ne pas
rester dans l'ambiguïté.
Le sermon du Père Souël est commandé par un besoin de mise au point
de l'auteur.
Chateaubriand pressent déjà que la jeunesse sympathisera avec
le héros.
Il faut donc tirer une morale, faire une leçon.
Ne pas oublier que.
»
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