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LE HÉROS RACINIEN

Publié le 15/05/2011

Extrait du document

A) Esquisse générale.

— Héros et héroïnes de Racine sont d'une étonnante variété : amants heureux ou malheureux, amantes, épouses et mères, ambitieux, grands capitaines, rois barbares, croyants et fanatiques. — Les personnages de Racine ont presque tous la vérité de la vie réelle. a) Racine ne les fait, dans l'ensemble, ni trop vertueux, ni absolument scélérats, ni trop coupables. Il a suivi le conseil d'Aristote; il veut exciter non pas l'admiration pour des héros parfaits, ni l'indignation ou l'horreur pour des monstres tout à fait odieux, mais la pitié et la terreur devant des êtres appartenant à la même humanité que nous tous. b) Ces êtres, bien loin d'apparaître faits tout d'une pièce, sont d'une extrême mobilité psychologique; ils varient d'heure en heure comme on varie dans la vie. Non à leur volonté, mais au gré des passions et des intérêts. Ils passent de la tendresse à la cruauté, comme Agamemnon; de la vertu au crime, comme Néron; de l'audace au désarroi, comme Agrippine et comme Athalie. c) Etres faibles, par conséquent dominés par les passions ou tyrannisés par les circonstances; esclaves d'eux-mêmes, esclaves d'autrui également : Oreste d'Hermione, celle-ci de Pyrrhus, Pyrrhus d'Andromaque, elle-même hésitante.

« moment venu, il agit avec une promptitude foudroyante.

Entraîneur d'hommes, éloquent, lyrique, il fanatise seslévites.

Son habileté a de l'envergure : il sait l'art de la mise en scène; sa présentation du jeune roi des Juifs estd'un politique très psychologue.

Enfin il ne recule pas devant le meurtre nécessaire à la victoire du vrai Dieu.

Enmême temps il a pour arme la ruse, c'est par la ruse la plus hardie qu'il triomphe de son imprudente ennemie.

Voltairea dénoncé ce rôle et ce caractère et pris contre Joad le parti d'Athalie.

Mais Racine a fait vrai, car Joad est bienl'instrument du terrible Jéhovah.

C'est un authentique héros biblique, un grand maître de la puissance sacerdotale;Racine n'a pas oublié le prophète : au moment de la lutte décisive, il le jette en extase et lui fait prophétiser lesgrandeurs de l'Eglise.— Racine semble parfois prendre plaisir à appeler sur de grandes figures une pitié mêlée d'un mépris foncier pour lanature humaine.

Cela est sensible surtout pour Agamemnon.

Certes, ce "grand roi" est majestueux et solennel; maisc'est en même temps un pauvre homme, qui doit se débattre entre Clytemnestre et Ulysse, comme entre son amourpaternel et son ambition.

Ce monarque qui, par passion du pouvoir, va jusqu'à vouloir faire périr sa fille, Racineprétend que nous le plaignions.

Nous le voyons donc acquis au sacrifice de sa fille dans un moment d'aveuglement,ensuite pris dans l'engrenage malgré ses efforts pour s'en dégager.

Tourmenté de remords, il essaie d'empêcher lavictime d'arriver en Aulide, puis tente de la faire évader.

Entre temps, le voilà aux mains d'Ulysse, qui joue contre luidu sentiment national.

En revanche, il est sévère avec Clytemnestre, violent vis-à-vis du trop indépendant Achille...Vivante et très originale figure.— Le génie de Racine, plus souvent, s'anime d'une sorte de pessimisme féroce; il a créé des caractères violents,cruels, Sauvages : un Néron, par exemple, et quelques autres.a) Néron, ce névrosé cruel, ce demi-fou dangereux, n'est pas tout à fait celui de Tacite, le triste garçon débauchéet coureur de tavernes, cabotin, jockey de cirque : encore quelques mots de Narcisse nous font-ils entrevoirb) Mais c'est lé monstre naissant qui dans ses hésitations, les imputant à sa mère., à sa femme, à ses précepteurs,n'oublie pas ses « trois ans de vertu ».

Le monstre naît véritablement devant nous, grandissant à chaque scène :d'abord le plaisir, qu'il avoue, d'avoir aimé les larmes dé Junie; puis ses ordres menaçants à la jeun fille, l'odieusecomédie de froideur qu'il l'oblige à jouer pour Britannicus, lui caché et terrifiant derrière une tapisserie; puis sespropos sanglants à Britannicus et l'ordre d'arrêter sa mère; ensuite la grande scène avec cette mère qui lui faitencore peur, son hypocrite résignation, sa secrète résolution d'en finir; enfin, après le sursaut' de vertu arraché parBurrhus, la chute décisive dans l'assassinat...c) Racine s'arrête là; mais il aurait pu nous montrer, dans une suite dramatique des plus logiques, ce que montrel'Histoire.: la mère poignardée, l'épouse éventrée.— Au second plan, tin Narcisse, un Mathan, véritables génies du mal :a) Narcisse, cet affranchi, agit par intérêt (Et pour nous rendre heureux perdons les misérables), en orgueilleuxcynique qui méprise l'humanité, en psychologue consommé et pervers qui s'empare des hommes en jouant de leursvanités, de leurs passions, de leurs mauvais instincts.

C'est lui qui pousse Néron sur sa pente tragique qui excite sapassion pour Junie, sa haine pour Britannicus, sa résistance à Agrippine; il est le tentateur.

de Néron, il espionneBritannicus et dénonce ses entrevues avec Junie, enfin il prépare le poison.b) Mathan est un renégat, il a renié sa toi première paf jalousie et orgueil blessé, il aurait voulu se voir l'égal deJoad.

C'est lui qui excité la reine à s'emparer de Joas; il est heureux de venir dans le temple provoquer le grand-prêtre en réclamant Eliacin comme otage; il mine le crédit de son collègue Abner, favorable au pontife.

Il a conquisla faveur des rois par ses flatteries; par le déguisement de toutes les vérités désagréables, par sa complaisance àtoutes leurs passions.

Par surcroît; c'est un lâche; quand ;Joad lui jette sa malédiction, il se retire désemparé.

Ilgarde d'ailleurs au fond du coeur tin reste de terreur à l'égard du Dieu qu'il a renié.

Et cela redouble sa haine.

CeDieu semble le défier; c'est ce Dieu même que sa rage voudrait anéantir.— Des personnages de femmes surtout révèlent le pessimisme de la psychologie racinienne.

Ce sont les ambitieusessans frein, Agrippine, Athalie:a) L'Agrippine de Racine né vit que pour exercer le pouvoir ou, quand elle l'a perdu, pour le reprendre.

Les Honneursrte lui suffisent pas, elle veut l'autorité véritable.

Elle ne se soucie guère des deux amoureux dont elle ne prend lamise en main que parce qu'elle a momentanément dés intérêts communs avec eux.

Au fond même, elle lescompromet, et le fratricide accompli, Néron semblant affaissé, elle se reprend à espérer, oubliant vite Britannicus.Elle ramène tout à elle; son égoïsme est féroce.

C'est bien tranquillement, avec un cynisme calme, qu'elle évoqueles crimes commis par elle en vue du rang suprême.

Elle serait capable d'autres crimes encore.

Les principesvertueux ne lui servent que d'armes contre son fils rebelle.

Et la Vertu de ce fils ne lui importait que par rapport àelle-même.

Par là nous pouvons entrevoir, mieux encore que par quelques-Mies de ses allusions, l'impudicitédépeinte par Tacite et que Racine a voulu négliger.b) Athalie, puissante reine, orgueilleuse et méprisante, faible en réalité, car personne né lui est dévoué, n'a sus'attirer ni respect ni amour.

Elle est faible même au secret d'elle-même : devenue incapable d'une politique stable,elle a plus de fureurs que d'énergie; elle manque de décision; elle perd son temps en consultations, et son ennemi ladevance.

Voyez comme un rêve la tourmente; voyez comme elle tombe facilement dans le piège du grand-prêtre.Tout cela, parce que Dieu l'égare et l'aveugle.

Elle est dans ses mains.

D'une reine intrépide il a fait une femme.

Ellese montre plus femme qu'Agrippine, mais aussi, il faut le dire, devant des ennemis de plus haute taille, puisqu'elleaffronte, par delà Joad, Jéhovah lui-même.— Le Racine violent et cruel a peint surtout des amoureuses frénétiques : a) Hermione, Roxane, femmes douces outerribles selon que l'homme répond à leur passion ou la fuit, préférant la mort de leur amant à son infidélité; b)Phèdre, qui, folle de jalousie, consent à la mort de celui qui l'a dédaignée; c) toutes trois, pauvres proies d'unepuissance mystérieuse et terrible qui les pousse au crime; d) mais Phèdre, infiniment plus complexe que les deuxautres.— Un Racine "doux et tendre", tout sentiment et tout coeur, existe également, et c'est le créateur de figuresféminines qui font contraste avec les précédentes :A) Andromaque, princesse fière et pourtant résignée, héroïne du souvenir; Bérénice, qui sacrifie son amour à la. »

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