LE LIBERTINAGE HÉROÏQUE chez MARIVAUX

L'amour fait partie des thèmes de prédilection des conversations du salon de Mme de Lambert, lieu où, dit-on, naquit le marivaudage. Les débats se fondent sur une antinomie entre l'amour héroïque et l'amour tendre, ce dernier tombant en désuétude depuis la fin du règne de Louis XIV, depuis l'avènement de « l'amour à la mode «, issu de la Régence.

Parce qu'elle devient vite partisane, la querelle fige les conceptions adver­ses et la dispute n'est plus qu'une confrontation de deux discours sur l'amour qui ne s'écoutent plus. L'engagement prévaut sur la réflexion • il faut choisir son camp, et batailler dans un espace normé et normatif. Marivaux reflétera dans des oeuvres de facture allégorique le caractère figé de cette dispute. En incarnant le libertinage et l'amour platonique dans des figures mythologiques allégoriques, il reprend les traits carac­téristiques d'un combat d'école, virulent, didactique mais quelque peu sclérosé.

À partir des trois pièces allégoriques que sont L'Amour et la Vérité (1720), Le Triomphe de Plutus (1728) et La Réunion des Amours (1731), on peut observer combien, en dix ans, l'auteur dramatique prend peu à peu ses distances pour affirmer une pensée originale sur l'amour qui se dispense de l'allégorie et se défend par la bouche d'êtres de chair et de sang.