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Le Mendiant de Hugo (Les Contemplations)

Publié le 12/02/2012

Extrait du document

hugo

Le Mendiant

Un pauvre homme passait dans le givre et le vent. Je cognai sur ma vitre ; il s'arrêta devant Ma porte, que j'ouvris d'une façon civile. Les ânes revenaient du marché de la ville, Portant les paysans accroupis sur leurs bâts.  C'était le vieux qui vit dans une niche au bas  De la montée, et rêve, attendant, solitaire,  Un rayon du ciel triste, un liard de la terre,  Tendant les mains pour l'homme et les joignant pour Dieu.  Je lui criai : « Venez vous réchauffer un peu.  Comment vous nommez-vous ? « Il me dit : « Je me nomme Le pauvre. « Je lui pris la main : « Entrez, brave homme. « Et je lui fis donner une jatte de lait. Le vieillard grelottait de froid ; il me parlait,  Et je lui répondais, pensif et sans l'entendre.  « Vos habits sont mouillés «, dis-je, « il faut les étendre,  Devant la cheminée. « Il s'approcha du feu.  Son manteau, tout mangé des vers, et jadis bleu,  É talé largement sur la chaude fournaise, Piqué de mille trous par la lueur de braise, Couvrait l'âtre, et semblait un ciel noir étoilé.  Et, pendant qu'il séchait ce haillon désolé  D'où ruisselait la pluie et l'eau des fondrières,  Je songeais que cet homme était plein de prières,  Et je regardais, sourd à ce que nous disions,  Sa bure où je voyais des constellations.

 

Victor Hugo, Les Contemplations (1856)

Tâchez, à l'aide de ce court poème de Victor Hugo, de définir les procédés et de caractériser le génie du maître.

L'abondance, parfois excessive, est un des traits du génie de Hugo. Rarement elle s'unit chez lui, comme chez La Fontaine, à la brièveté. Sobriété est pour lui synonyme d'indigence, d'impuissance. Dans une page célèbre il s'est moqué - un peu lourdement - de la sobriété classique. Un court poème, comme celui-ci est, dans son oeuvre, une exception, de même que Saison des Semailles, duquel il serait intéressant de le raprocher....

hugo

« 1° Le pauvre sur la route, 2° l'appel du poke, 3° le portrait moral du « men- diant 2, 4° l'hospitalite du poke, 5° la conversation, 6° la vision symbo- lique.

Suivons pas a pas ce developpement, relevant au passage ales procedes habituels de l'auteur. Ir*It 1° On devine V.

Hugo, confortablement installe dans un interieur luxueux et chaud, tandis que dehors souffle une Apre bise.

Les premiers mots nous introduisent en plein sujet.

Un pauvre homme vient a passer dans le givre et le vent.

L'expression passait dans le givre peut heurter les realistes intran- sigeants.

Le givre, c'est le brouillard congele sur les arbres, sur l'herbe, on ne passe pas dans le givre quand on marche sur une route.

Simple audace d'expression, dira-t-on; le givre represente le froid glace.

Et l'image est si jolie, si poetique! Admettons; mais deux autres details semblent mal s'accor- der avec celui-ci.

Vent et givre ne vont point de pair, et, moins encore, la pluie, dont il est question plus loin.

Nous sommes avertis, des ce premier vers que l'auteur ne se pique pas d'une exactitude rigoureuse.

Il se pro- pose d'eveiller notre pitie; it multiplie, a cet effet, les elements hostiles.

Il rappelle que la pauvrete est en proie a toutes les intemperies; le porte raison contre les raisonneurs.

2° La vue de ce passant l'a emu.

Il cogne a sa vitre.

II efit pu dire : je frappai.

Il prefere ce verbe plus energique, plus populaire.

II est e peuple 3, en 1854; it se doit d'employer un vocabulaire democratique.

Et puis it sait sa langue; cogner veut dire heurter, frapper contre, et Jul semble plus précis. Le pauvre a entendu.

11 s'arrete devant - ma porte.

Le e grand niais d'alexandrin 3 esta disloque Avouons que cet enjambement hardi, et celui du 6° vers : an has -- de la montee...

nous paraissent malaises A justi- fier.

II en est de plus heureux chez ce maitre du rythme.

- Le poke ne laisse pas A un serviteur le soin d'ouvrir to porte devant laquelle stationne le mendiant; il se derange lui-mgme.

II a appele le passant; il le revolt.

L'accueil qu'il lui fait est courtois, respectueux; on peut decouvrir ces nuances dans l'epithete civile.

La deference s'unit chez lui A la pale. En ouvrant la porte, il a apercu d'autres passants sur la route.

Il leur accorde un regard, sans plus.

Ce sont les dues, revenant du marche de la ville.

Les hetes passent avant les Bens, sans doute parce que les baudets font le plus gros du travail, portent les denrees a l'aller et les paysans au retour.

n'est-ce IA qu'une note pittoresque, destinee a corser le spectacle, ou l'image de l'indifference des campagnards envers la detresse d'autrui? Parce qu'ils gagnent peniblement leur vie, ils sont durs aux malheureux.

Au lieu de (Mier leur bourse bien garnie apres le =wale, ils se contentent de penser : e II n'avait qu'a travailler comme nous, et il n'en serait pas reduit A men- dier.

> Quelle que soit l'intention du poke, soulignons i'exactitude du croquis. Nous nous representons facilement maraichers ou fermieres « accroupis sue le e bat 2 de leur monture, a la place des legumes, du beurre, des ceufs, des volailles vendus an marche.

3° Le mendiant est entre.

Au salon? a la cuisine? Peu importe...

De son visage, de son corps, nous ne saurons rien non plus.

De son histoire, pas davantage.

Son portrait est tout moral.

A peine le peintre evoque-t-il son pitoyable logis : « une niche, au has de la montee Ce mot accentue la misere du vieux.

11 n'habite pas une chaumiere, une baraque, un tandis, mais une niche comme un chien.

II vit en marge de l'humanite.

Et que fait-il?... Solitaire en ce gite miserable, il reve.

La pauvrete tree autour de lui la solitude, et la solitude engendre le reve...

e car que faire en un gite, a moins que l'on ne songe? reve...

et il attend..

Quoi? Oh! peu de chose.

De la vie ii n'exige rien d'excessif : Un rayon du ciel triste, un Bard de la terre-. Nous n'avions pas encore rencontre d'antithese; en voici une, et tres belle, fires naturelle.

Le soleil, c'est l'ami du pauvre, tin don ineffable du ciel; il rechauffe les membres transis du misereux qui n'a pas les moyens d'entre- tenir du feu tout le long du jour.

Ses rayons sont porteurs de joie et d'espoir.

Le rayon hivernal est d'autant plus attendu, d'autant mieux accueilli qu'il est plus rare, que le ciel est plus sombre, plus triste...

A in terre, le « vieux b ne demande guere plus : un Bard, un quart de sou.

lieu- reux temps oil l'on parlait encore de cette menue monnaie, oil les « crain- quebilles g chantaient dans la rue : e Du bon cresson d'fontaine pour la sauté du corps, a six liards In botte! 3, Deux bottes de cresson pour 3 sous!.... 1o Le pauvre sur la route, 2 o l'appel du poète, 3 o le portrait moral du « men­ di!lnt », 4 o l'hospitalité du poète, 5o la conversation, 6 o la vision symlm,­ lique.

Suivons pas à pas ce développement, relevant au passage les procédés habituels de l'auteur.

~ * ** 1 • On devine V.

Hugo, confortablement installé dans un intérieur luxueux et chaud, tandis que dehors souffle une âpre bise.

Les premiers mots nous introduisent en plein sujet.

Un pauvre homme vient à passer dans le givre et le vent.

L'expression passait dans le givre peut heurter les réalistes intran­ sigeants.

Le givre, c'est le brouillard congelé sur les arbres, sur l'herbe, on ne passe pas dans le givre quand on marche sur une route.

Simple audace d'expression, dira-t-on; le givre représente le froid glacé.

Et l'image est si jolie, si poétique! Admettons; mais deux autres détails semblent mal s'accor­ der avec celui-ci.

Vent et givre ne vont point de pair, et, moins encore, la pluie, dont il est question plus loin.

Nous sommes avertis, dès ce premier vers que l'auteur ne se pique pas d'une exactitude rigoureuse.

Il se pro­ pose d'éveiller notre pitie; il multiplie, à cet effet, les éléments hostiles.

Il rappelle que la pauvreté est en proie à toutes les intempéries; le poète à raison contre les raisonneurs.

2• La vue de ce passant l'a ému.

Il cogne à sa vitre.

Il eût pu dire : je frappai.

Il préfère ce verbe plus énergique, plus p{)pulaire.

Il est «peuple», en 1854; il se doit d'employer un vocabulaire democratique.

Et puis il sait sa langue; cogner veut dire heurter, frapper contre, et lui semble plus précis.

Le pauvre a entendu.

Il s'arrête devant - ma porte.

Le «grand niais d'alexandrin» est «disloqué».

Avouons que cet.

enjambement hardi, et celui du 6• vers : au bas -- de la montée ...

nous paraissent malaisés à justi­ fier.

Il en est de plus heureux chez ce maître du rythme.- Le poète ne laisse pas à un serviteur le soin d'ouvrir la porte devant Jaquelle stationne le mendiant; il se dérange lui-mgme.

Il a appelé le passant; ille reçoit.

L'accueil ~'il lui fait est courtois, respectueux; on peut découvrir ces nuances dans 1 épithète civile.

La déférence s'unit chez lui à la pitié.

En ouvrant la porte, il a aperçu d'autres passants sur la route.

Il leur accorde un regard, sans plus.

Ce sont les ânes, revenant du marché de la ville.

Les bêtes passent avant les gens, sans doute parce que les baudets font le plus gros du travail, portent les denrées à l'aller et les paysans au retour.

n'est-ce là qu'une note pittoresque, destinée à corser le spectacle, ou l'image de l'indifférence des campagnards envers la détresse d'autrui? Parce qu'ils gagnent péniblement leur vie, ils sont durs aux malheureux.

Au lieu de délier leur bourse bien garnie après le marché, ils se contentent de penser : « II n'avait qu'à travailler comme nous, et il n'en serait pas réduit à men­ dier.

» Quelle que soit l'intention du poète, soulignons l'exactitude du croquis.

Nous no.us représentons facilement maraîchers ou fermières «accroupis» sur le « bât » de leur monture, à la place des légumes, du beurre, des œufs, des volaines vendus au marché.

3 • Le mendiant est entré.

Au salon? à la cuisine? Peu importe ...

De son visage, de son corps, nous ne saurons rien non plus.

De son histoire, pas davantage.

Son portrait est tout moral.

A peine le peintre évoque-t-il son pitoyable Jogis : « une niche, au bas de la montée ».

Ce mot accentue la misère du vieux.

Il n'habite pas une chaumière, une baraque, un taudis, mais une niche comme un chien.

Il vit en marge de l'humanité.

Et que fait-il? ...

Solitaire en ce gîte misérable, il rêve.

La pauvreté crée autour de lui la solitude, et la solitude engendre le rêve ...

« car que faire en un gîte, à moins que l'on ne songe?» Il rêve ...

et il attend ..

Quoi? Oh! peu de chose.

De la vie if n'exige rien d'excessif : Un rayon du ciel triste, un lia:rd de la terre ....

Nous n'avions pas encore rencontré d'antithèse; en voici une, et très belle, très naturelle.

Le soleil, c'est l'ami du pauvre, un don ineffable du ciel; il réchauffe les membres transis du miséreux qui n'a pas les moyens d'entre­ tenir du feu tout le long du jour.

Ses rayons sont porteurs de joie et d'espoir.

Le rayon hivernal est d'autant plus attendu, d'autant mieux accueilli qu'il est plus rare, que le ciel est plus sombre, plus triste ...

A la terre, le « vieux » ne demande guère plus : un liard, un q_uart de sou.

Heu­ reux temps où l'on parlait encore de cette menue monnaie, où les « crain­ quebilles » chantaient dans la rue : « Du bon cresson d'fontaine pour la santé du corps, à six Ii.ards la botte! » Deux bottes de cresson pour 3 sous! .... »

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