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Le moulin de E. VERHAEREN, Les Soirs.

Publié le 22/02/2012

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Le moulin tourne au fond du soir, très lentement, Sur un ciel de tristesse et de mélancolie, Il tourne et tourne, et sa voile, couleur de lie, Est triste et faible, et lourde et lasse, infiniment. Depuis l'aube, ses bras, comme des bras de plainte, Se sont tendus et sont tombés; et les voici Qui retombent encor, là-bas, dans l'air noirci Et le silence entier de la nature éteinte. Un jour souffrant d'hiver sur les hameaux s'endort, Les nuages sont las de leurs voyages sombres, Et le long des taillis qui ramassent leurs ombres, Les ornières s'en vont vers un horizon mort. Autour d'un pâle étang, quelques huttes de hêtre Très misérablement sont assises en rond; Une lampe de cuivre éclaire leur plafond Et glisse une lueur aux coins de leur fenêtre. Et dans la plaine immense au bord du flot dormeur Ces torpides maisons, sous le ciel bas, regardent Avec les yeux fendus de leurs vitres hagardes, Le vieux moulin qui tourne et, las, qui tourne et meurt. E. VERHAEREN, Les Soirs. Vous ferez un commentaire composé de ce poème. Vous pourrez vous attacher, par exemple, à dégager les procédés par lesquels l'auteur crée un tableau triste et étrange.  

explication linéaire Dans un premier temps, on procède à une explication linéaire en ayant soin de noter au fur et à mesure les regroupements possibles. Le commentaire composé se présente, en effet, sous une forme ordonnée. • «Le moulin tourne au fond du soir, très lentement. « Le titre du poème, le premier vers posent le thème. L'article défini souligne qu'il s'agit — soit d'un élément connu de l'auteur (né en Belgique, il chante fréquemment les paysages de Flandre) — soit d'un symbole représentant tous les moulins de ces pays.

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« «Il tourne et tourne, et sa voile, couleur de lie - 4 / 4 / 4 Est triste et faible, et lourde et lasse, infiniment.

» 4 / 4 / 4 Ces deux alexandrins ont donc une structure parallèle avec, de plus, l'élision du e muet.

Le procédé donne unecertaine fluidité aux vers qui atténue ce que la relance des «et» aurait de trop dur.

Le mouvement du textes'accentue grâce à l'enjambement. Enfin, la lie désigne le dépôt que laisse un liquide, particulièrement du vin.

Il indique aussi ce qui est vil et bas,renforçant la tristesse, la fatigue de l'ensemble.• Deuxième quatrain.

«Depuis», les formes passées des verbes permettent un bref retour en arrière qui décrit lalongue journée.

«L'aube» donne la mesure du «soir» (premier vers). On notera l'emploi par deux fois du mot «bras» qui appartient d'ordinaire à un être humain.

L'animation rend pluspathétique l'effort et l'échec.

La comparaison a ceci de particulier qu'elle semble, à priori, renvoyer du même aumême.

Seul le terme «plainte» est ainsi dégagé; comme pour «tristesse et mélancolie», la subs-tantivation accentuela généralité du propos. Le contre-rejet «et les voici» (où le présentatif est encore souligné par la conjonction) permet d'anticiper la fin duvers à «sont tombés», le mettant en relief.

Ce contre-rejet souligne au vers suivant «qui retombent encor».

Leprocédé rappelle ce que nous disions pour le verbe «tourne».

En outre, l'adverbe renchérit sur le préfixe. L'effet d'éloignement, suggéré avec «sur le ciel», est bien mis en évidence par l'adverbe «là-bas» à la rime.

Demême que «la lie», «l'air noirci» soulignent la saleté, l'usure.

Tous deux sont d'ailleurs à la rime.

On peut penser «auxvilles tentaculaires», aux industries qui «éteignent la nature».

L'impression de désolation s'accentue encore par «lesilence entier» et par l'absence des bruits de la nature. • Troisième quatrain.

La saison choisie évoque bien évidemment le sommeil et la mort de la nature.

En outre,l'antéposition du complément de lieu rejette le verbe à la fin du vers et permet la rime sémantique «s'endort/mort».De même, la postposition de l'adjectif «sombres» appelle la rime sémantique «ombres» qui gagne ainsi en valeurexpressive. La nature est à l'unisson puisque les nuages eux-mêmes n'ont plus la force de quitter le pays.

On note là l'oppositionentre le mouvement circulaire et le mouvement linéaire.

L'évasion est impossible puisque même l'horizon est «mort».Les seules lignes de fuite des ornières, avec ce que cela suppose de boue et d'enlisement, n'aboutissent donc à rien.

D'ailleurs, le poète soulignele repli sur soi avec «les taillis ramassent leurs ombres».

On remarquera la voyelle grave a dans le second vers, le onasillé et le son èr qui tente une sorte d'échappée. • Quatrième quatrain.

Nous venons de relever l'impression de repli.

Or, « Autour» commence ce quatrain.

L'eaustagnante de l'étang intensifie le manque de perspective, souligné encore par « en rond ».

« Les huttes » suggèrentla pauvreté, d'autant qu'elles sont «en hêtre», bois de pauvre valeur, facilement attaqué par les vers.

L'adverbe, ausuperlatif, insiste.

Comme l'auteur avait fait vivre le moulin, il donne aux maisons une attitude humaine («sontassises»), qui est celle du repos.

Les intérieurs flamands inspirèrent souvent peintres et poètes.

La chaleur descuivres, l'abondance des victuailles, la luisance des beaux meubles, tout indique la richesse.

Ici, au contraire, lacouleur est affaiblie : certes, l'auteur parle d'«éclaire», mais l'action se heurte...

au plafond; signe encore d'unmonde qui ne supporte pas l'évasion.

En outre, la lumière atténuée se transforme en «lueur» lorsqu'elle affronte lemonde extérieur, et l'expression «glisse aux coins de leur fenêtre» suggère que tout se fait discrètement, sans éclatet comme honteusement. • Cinquième quatrain.

Le poète introduit la grandeur, alors que jusqu'à présent, seules, les ornières filant versl'horizon avaient indiqué cette idée.

Ce n'est pas contradictoire.

Les quelques habitations groupées, le moulinsoulignent la solitude de ces paysages.

Ils en donnent la mesure et tentent, peut-être, de compenser par les formescirculaires, l'étendue de la plaine, comme si l'homme était absent de cet univers sans ressort et sans dynamisme. Le ciel bas est à la nature ce que le plafond est à la hutte : une limite.

Le flot dormeur reprend le verbe «s'endort»,«l'étang» se confirme avec ces «torpides maisons» (c'est-à-dire frappées de torpeur).

Cet adjectif amène etexplique sans doute l'adjectif «hagardes».

Le mouvement incessant du moulin hypnotise.

Les yeux fendus évoquentle sommeil (ils ne sont pas grands ouverts), ils refusent de s'ouvrir pleinement au monde extérieur. Comme précédemment, nous remarquons que les yeux désignent les fenêtres, c'est-à-dire que le poète emploie levocabulaire de l'animé pour l'inanimé.

Le rejet du vieiix moulin, complément de «regardent» met en évidence l'objetde la vision.

L'adjectif «vieux» précise le nom.

Le dernier vers se termine sur la mort qui rime à nouveau avecdormeur (cf.

«s'endort/mort»). On peut expliquer de deux façons le fait que l'auteur représente le moulin, les maisons comme des êtres vivants etde même la nature avec «les nuages» «las de leurs voyages sombres», tandis que les «taillis» «ramassent leursombres » et que les « ornières » « vont vers un horizon mort» : le procédé, fréquent en poésie, permet de gagner. »

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