Le personnage de CYRANO DE BERGERAC
Publié le 15/10/2017
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L'immense succès de Cyrano, dès sa création au théâtre de la Porte-Saint-Martin, le 28 décembre 1897, a rangé cette pièce dans le genre populaire, délaissé par la critique littéraire. Car, il faut en convenir, Cyrano est au drame romantique ce que l'opérette est à l'opéra. Rostand use de procédés parfois grossiers. La mise en scène fait appel à une machinerie, à des jeux, aussi importants que spectaculaires. On se bat sur la scène, le siège d'Arras est réprésenté et l'assaut qui tue Christian est joué. Rostand prend à la lettre les recommandations du théâtre romantique hugolien : multitude des personnages, précision des décors, mouvements, multiplication des lieux et des époques. Ecrite en 1830, une telle pièce eût été considérée comme un chef-d'œuvre. En 1897, elle intervient trop tard dans
Acte I, Scène 4
CYRANO
Moi, c'est moralement que j'ai mes élégances. Je ne m'attife pas ainsi qu'un freluquet, Mais je suis plus soigné si je suis moins coquet ; Je ne sortirais pas avec, par négligence, Un affront pas très bien lavé, la conscience Jaune encor de sommeil dans le coin de son œil, Un honneur chiffonné, des scrupules en deuil. Mais je marche sans rien sur moi qui ne reluise, Empanaché d'indépendance et de franchise (...).

«
geux
jusq u'à la lémérité, aussi prompl à lirer l'épée qu à lancer le mot qui pan en néchc, qui
à fa f01s
cingle cl fait rire, « retroussant son
esprit ainsi qu'une moustache»; ayant pour
idéal de faire «sonner les vérités comme des
éperons"· Dans cette évolution presque sym
bol iq ue du personnage et dans son « &rossis
semenl » à l'échelle d'une comédie romantique
qui a entraîné plusieurs générations de spec
tateurs en plus de soix.antc ans, Cyrano semble
quelque peu un frére lointain de don Qui
chotte • ; il ne se bat pas absolument contre
des moulins; mais dirigeant son instinct que
relleur contre le mensonge, les compromis, les
préj� les lâchetés, la sottise, que le poète lui
fait evoquer comme des spectres dans une
hallucination finale, il mesure que la mission
de vengeur des méprisés ou opprimés, de
défenseur des justes causes ct de d1ampion des
amoureux qu il entreprend de servir poussé
par l'amitié, ne va pas sans amcnumc.
Mais
qu'impone : «C'est bien plus beau lorsque c'esl
inutile!" Cette mélancolie tendre du person
na$C est une émouvante invention de théâtre
qut se superpose à la réalité historique.
Amou
reux de Roxane •.
il aoceptc de n'être que
ponc-parolc de Christian de Neuvillette,
d'inventer, d'écrire ou de dire i;W" procuration
les mots d'amour; puis, a pres la mon de
Christian, de se taire sur le secret et pendant
quatorze ans de jouer le rôle du «vieil ami qui
vient pour être drôle"· Admirable astuce theâ
tralc, pathétique resson irré$istiblc pour les
foules, qui muent le bretteur C
yr.10 0 en un
héros de l'histoire du cœur ayant fait couler des
larmes autant que les personnages les plus
fameux du romantisme et du mélodrame.
C'est pour ajouter une crédibilité de fait à
l'hypothése sentimentale
que le drama
turge
appuya sur le thème d'une laide ur exagérée de
9:'?- no, sur
un nez diff orm e qui justifie
l 'ebl ou issant jeu
verbal d'une des plus célèbres
tirades de la pièce, sur un « pareil appendice »
qui oblisc les interprètes du rôle à user d'un
nez postiche ou plastique.
En fait, les quelques
gravures ayant
lransmis les traits du vrai
Cyran o
sont bien difiërentes des photos des
in terp rètes : un nez trés aquilin, en promon
toire ccncs, mais non monstrueux et qui
apPOne un démenti, comme la vic amoureuse
meme de l'authentique Cyrano, aux mots que,
pour les besoins de son affa
bulation, lui prête
Rostand: «J'ai redouté l'amante à l'œil
moqueur." Un autre trait du personnage sur
quot insiste le dramaturge (renchérissant sur la
réalité, car Cyrano fut dans la vic historique
assez redevable au duc d'Arpajon), c'est le
dédain des puissants, la volonte de marcher
sans se p
lier ct de vivre sans solliciter, la fiené
de pouvoir aller même au-delà du dédain
jusqu'au mépris.
«Ne pas monter bien haut,
peut�tre, mais tout seul ! ,.
conclut, comme un
«cocorico,.
ou un coup de clairon, une autre
tirade célèbre de la pièce.
Soulignons d'ailleurs
qu e toutes ces tirad es, tous ces «morceaux de
bravoure "• si caractéristiques de la manière de Ros11nd,
se réfèrent à l'explication du carac
tère de Cyrano, à son ponra it lyrique.
Au tota l
de ces traits divers, Cyrano
, poele
bretteur,
plume ct namberse tOUJOUrs en action, amou
reux d'une ébloutssante et cocasse éloquence
quand il libère son cœur sous ramère comédie
qu
'il joue volontairement, est devenu un type français symbolique1 quelque peu cocardier, et
attaché à cc « panacne " qui est le mot final de
la p ièce ct en quelque sone le mot clef du
personnage.
Cet attachcmc.nt populaire au
héros fut tel qu'à une enquête sur le person
nage littéraire pré�ré ou que l'on eût souhaité
être, une énorme majorite des réponses dési
sna Cyrano (derrière lui venaient Jean Val
Jean • et d'Anagnan •, tous trois prêoédant de
beaucoup des personna ges nommés en ordre
trés dispersé, dont
Roméo • !).
T.
Le rôle fut crêé en 1897 par Constant
Coquelin (1841-1909); l'auteur ct son futur
interprète s'étaient connus à la Renaissance
lors de la lecture de la Princesse lointaine (0).
Sarah Bernhardt -qui
j_oua it alors Alcmène •
d'Amphitryon (0) avec Coque lin dans Sosie •
- avait invité à cette lecture son pensionnaire
qui demanda à Rostand de lut écrire une
pièce; le poète songea aussitôt à Cyrano.
Ren
contre si heureuse qu'elle justifia la dédicace
célèbre de la pièce: «C
'est à l'âme de Cyrano
que je voulais dédier cc poème.
Mais
puisqu'elle a passé en vous, Coquelin1 c'est à
vous que je la dédie.
" Outre son temperament.
»
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