Le plaisir que l’on peut éprouver à la lecture de Manon Lescault de l’Abbé Prévost tient-il seulement à son évocation romanesque de personnage en marge ?
Publié le 13/12/2023
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Dissertation
Le plaisir que l’on peut éprouver à la lecture de Manon Lescault
de l’Abbé Prévost tient-il seulement à son évocation
romanesque de personnage en marge ?
Note :
Observations :
Manon Lescaut reste l’œuvre la plus connue de l’Abbé
Prévost, appartenant au mouvement des lumières, elle parut en
1731 ce roman est le septième tome des Mémoires d’un jeune
homme de qualité qui s’est retiré du monde.
L’abbé Prévost eut
une carrière littéraire mouvementée, et une personnalité
tumultueuse qui l’ont conduit à parcourir l’Europe et à connaitre
l’exil, ce qui n’est pas sans rappeler le destin des personnages
dans Manon Lescaut qui eux aussi connaissent une vie marquée
par la fugue et l’errance.
Prévost connaît des déboires, comme
des problèmes d’argent et a une relation tumultueuse avec
l’Église, qu’il quitte puis réintègre à deux reprises, avant de
mourir en 1763.
Malgré toutes les controverses dont il a fait
l’objet, l’Abbé Prévost est considéré comme l’un des écrivains
majeurs du XVIIIe siècle, dont le roman Manon Lescaut.
Une
œuvre à dimension morale qui vise à mettre en garde contre
les ravages de la passion amoureuse, qui est très largement
reconnue et appréciée.
Le plaisir qu’éprouve le lecteur à lire
Manon Lescaut de l’Abbé Prévost relève-t-il seulement de
l’aspect
sentimental
et
merveilleux
des
personnages
marginaux ? Nous étudierons dans un premier temps,
qu’effectivement l’œuvre a un sens romanesque suscité par les
personnages en marge qui donnent envie au lecteur.
Mais nous
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nuancerons en démontrant que ce roman n’a pas seulement
une évocation romanesque et que l’auteur cherche à explorer
d’autres thèmes.
Effectivement le plaisir que le lecteur peut éprouver à la
lecture de ce roman tient à l’évocation romanesque de
personnage en marge.
Manon et Des Grieux sont des personnages représentés en
tant que marginaux.
Si Manon est d’emblée un personnage mis
de côté puisque envoyée au couvent, Des Grieux choisit lui une
vie marginale par amour pour elle.
Manon vient d’une famille
modeste et n’est jamais aussi heureuse que lorsqu’elle se
trouve au cœur de la vie parisienne.
Elle souhaite entrer dans la
classe sociale supérieure.
Renoncour met en évidence la
différence entre sa situation et ses qualités : «il y en avait une
dont l'air et la figure étaient si peu conformes à sa condition,
qu'en tout autre état je l'eusse prise pour une personne de
premier rang ».
Elle démontre régulièrement une culture qui lui
permet d'échapper aux vulnérabilités : elle s'exprime avec
élégance et elle connait Racine.
Cependant, elle est tout le
temps ramenée à sa condition de fille aux mœurs légères par
les regards des personnages qui représentent le pouvoir et la
norme.
Elle doit donc faire face aux mises à l'écart qu'elle
subit : ses parents l’envoient au couvant, ses amants trompés
la capturent et la condamnent à être déportée vers la
Louisiane.
Cependant, elle essaye d'obtenir sa liberté en optant
pour une vie indépendante des normes sociales : elle désobéit à
ses parents, elle vole, elle s'évade de prison.
Elle se rebelle
contre les normes qui l'oppriment et n'hésite pas à jouer le rôle
d'une séductrice manipulatrice.
Des femmes sont soumises à
certains hommes, elle s'accorde le droit de profiter d'eux en
retour.
Elle mène une vie simple en Nouvel Orléans, loin des
tentations parisiennes.
Lorsque Synnelet souhaite se marier
avec elle, elle ne cherche pas à ruser pour lui obtenir de
l'argent.
Sa moralité a changé.
Sa souffrance et sa mort
finissent d’idéaliser son destin.
La marginalité de Manon est
aussi mise en place par la narration, le récit à la première
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personne éloigne sa propre voix, qui est entendue que par la
subjectivité de Des Grieux.
Ses prises de parole en direct sont
rares, et seule une lettre écrite par elle-même donne vraiment
accès à ses pensées.
Les lecteurs ne connaissent même pas
son apparence.
Manon est une figure mystérieuse, la seule
protagoniste féminine et la seule quête de Des Grieux, ce qui la
place au cœur du récit mais en marge de la narration.
La
« bonne naissance » et les valeurs liées à son statut
caractérisent Des Grieux.
Il attire l'attention de Renoncour
parce que lui aussi est un « homme de qualité ».
Sa vision de
l'amour est héroïque et c'est cette qualité qu'il met tout le
temps en avant.
À la fin du livre, son retour auprès de son frère
semble symboliser sa réintégration sociale.
Leur relation avec
Manon le pousse à transgresser toutes les normes : il a rompu
avec sa famille, abandonné l'ordre de Malte, renoncé à son
engagement au séminaire et il triche, vole et tue.
Avant sa
rencontre avec Manon, il crée un portrait de lui-même, ses
regrets en contraste avec les expériences qu'il a vécu dans des
situations marginales de la société :« Si j’eusse alors suivi ses
conseils, j’aurais toujours été sage et heureux.
Si j’avais du
moins profité de ses reproches dans le précipice où mes
passions m’ont entraîné, j’aurais sauvé quelque chose du
naufrage de ma fortune et de ma réputation ».
Sa seule
préoccupation est de rester à côté de Manon, même si elle est
expulsée.
Sa vision lui permet de justifier sa décision de quitter
son rang que sa naissance lui avait offerte.
La trame est celle d’une passion amoureuse houleuse et
immorale, qui peut véritablement passionner le lecteur.
Cependant, il ne s’agit pas simplement ici du récit d’une
passion amoureuse (thème bien trop commun).
Les deux héros
sont des personnages en marge, Manon a un penchant au
plaisir qui est immoral pour la société de son époque.
Le libertinage est un thème important de l’œuvre : Manon
choisit de vivre en femme libre, elle refuse de suivre l’ordre
moral, qui est sévère à son époque et suit avant tout le plaisir
sensuel.
Ce rapport compliqué à la morale se voit également
dans sa relation avec Des Grieux parce qu'elle défend une
vision du bonheur qui est contraire aux valeurs traditionnelles,
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pour elle, le confort matériel, les divertissements et les plaisirs
sont essentiels : « c'est une sotte vertu que la fidélité ».
Des Grieux, lui, est sans cesse confronté à la contradiction qui
règne entre vertu et amour, qu'il tente de concilier.
Ses
nombreuses disputes avec son ami Tiberge montrent ce combat
intérieur de des Grieux entre son amour pour Manon et sa
tendance naturelle à la vertu, illustré dès le début du roman :
« J'ai l'humeur naturellement douce et tranquille […] et l'on me
comptait pour des vertus quelques marques d'aversion
naturelle pour le vice.
» L'évêque d'Amiens lui propose même
de renoncer à l'ordre de Malte et de prendre l'habit
ecclésiastique, ce qu'il s'apprête à faire après la première
trahison de Manon.
Le chevalier affirme que ses résolutions
étaient pleines de « sainteté » et qu'il ressentait une véritable
« joie intérieure » en les accomplissant.
Il comprend encore
moins quand il s'aperçoit qu'il lui a suffi de revoir Manon pour
que tout s'écroule.
Malgré son penchant naturel à la vertu et de
la honte qu'il ressent parfois, des Grieux ne peut pas résister à
son amour.
Peu à peu, les tentatives d'explication de son
comportement deviennent justifiées : dans son dernier grand
dialogue avec Tiberge, le chevalier arrive même à le convaincre
que « les délices de l'amour sont ici-bas nos plus parfaites
félicités ».
Certes, dans ce récit, la morale est préservée
puisque des Grieux et Manon reçoivent les « châtiments du
Ciel » annoncés par Tiberge : ils se retrouvent seuls et sans
ressources en Amérique, et Manon meurt de froid dans une
plaine américaine.
Pourtant, la constance de l'amour de
des Grieux, ses arguments de plus en plus émouvants et
persuasifs comme ce que l'on pourrait appeler la conversion
finale de Manon (qui s’en veut sincèrement des peines qu'elle a
causées au chevalier) forment une puissante apologie de
l'amour.
Le lecteur peut s’identifier aux personnages et réfléchir
aux choix moraux que leurs actions révèlent.
Il peut éprouver
un plaisir de lecture qui est celui d’être témoin de l’immoralité.
La forte passion de ce couple est au cœur de l’histoire.
C’est la passion qui déclenche et fait s’enchaîner les péripéties.
Ce que crée l'abbé Prévost avant toute chose avec ce roman
c'est un nouveau couple d'amoureux mythiques, destinés à
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faire partie des grands amoureux de la littérature.
L'abbé
Prévost semble le désirer car dans ce récit il y a beaucoup
d'allusions à la beauté de ce couple, qui touche les cœurs.
Dès
la première séparation forcée de des Grieux et Manon, lorsque
l'hôte et les domestiques de l'auberge de Saint-Denis revoient
passer seul des Grieux sous la garde de son frère, ils déplorent
son malheur.
La même émotion face à ce couple pousse le valet
de l'Hôpital où est enfermée Manon à leur venir en aide.
Même
le vieux G.… M.…, quand il est le plus en colère est obligé
d'accepter : « Les pauvres enfants ! […] Ils sont bien aimables
l'un et l'autre ».
Tout au long du roman, les remarques sur....
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