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Le poète en chiffonnier de la modernité (Baudelaire)

Publié le 07/09/2013

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baudelaire

Le Vin n'est plus considéré comme un remède, mais

comme la source d'une jouissance et d'une force spirituelle

qui permet à l'Homme de lutter contre sa condition. «Le Vin

des chiffonniers« s'inscrit dans la lignée des grands poèmes

de la révolte et de la désillusion.

L'ivresse poétique est dotée d'une double fonction, celle de

su~tituer le rêve à la réalité, celle aussi de dévoiler l'injustice

et le mensonge qui fondent cette réalité. La poésie est à la

fois la source d'une fiction compensatrice et l'arme d'un dévoilement

vengeur. Dans sa variante ultime, la conclusion du

poème effectue un renversement. Le vin n'est plus un adjuvant

du sommeil, il en est l'adversaire, l'ivresse qu'il procure

est celle d'un réveil de l'esprit qui refuse la résignation prêchée

par les puissances suprêmes.

Il est troublant de constater que la genèse de ce poème

témoigne d'une évolution radicalement inverse de celle des

idées politiques de Baudelaire, sous J'influence de Joseph de

Maistre, au cours de la période correspondante. Sans doute

faut-il y voir une manifestation de la dualité baudelairienne.

Mais si cette dualité s'explique par la polarité des postulations

Comme le chiffonnier, le poète s'empare des objets hors

d'usage. Il leur trouve une utilité et une jouissance nouvelles

dans son ordre de valeurs, alors qu'ils sont méprisés et rejetés

dans la société bourgeoise. Le poète de la modernité est donc

un mainteneur plus qu'un novateur au sens propre. Mais

contrairement à ce qui arrive parfois au chiffonnier, il ne sauve

pas de la destruction des objets précieux; ceux qu'il choisit, qu'il

trie avec amour reçoivent au contraire leur valeur poétique de

leur état de débris. C'est parce qu'ils ont été déclassés, c'est

parce qu'on ne peut plus reconnaître leur fonction, parce qu'ils

ont perdu leur sens, leur destination, leur intégrité que ces

fragments peuvent servir de matériau à l'oeuvre d'art. Le poète

se livre vis-à-vis de la tradition, de l'héritage littéraire, à la

mêmë mission de sauvetage que le chiffonnier sur les poubelles

des banlieues.

Le poète doit lui aussi créer des formes nouvelles à partir

des restes, des vestiges d'une culture décomposée. Comme

Noé dans son arche, il entasse dans sa besace les échantillons

qui vont constituer le catalogue d'une mémoire culturelle

menacée de disparition par le 'triomphe du Veau d'or, ce

nouveau Déluge non décrété par en haut, par Dieu, mais

provoqué d'en bas, par une huma

baudelaire

« d'utilité ou de jouissance.

Le voici qui, à la clarté sombre des réverbères tourmentés par le vent de la nuit, remonte une des longues rues tortueuses et peuplées de petits ménages de la montagne Sainte-Geneviève.

Il est revêtu de son châle d'osier avec son numéro sept.

Il arrive hochant la tête et butant sur les pavés comme les jeunes poètes qui passent toutes leurs journées à errer et à chercher des rimes.

Il parle tout seul; il verse son âme dans l'air froid et ténébreux de la nuit.

C'est un monologue splendide à faire prendre en pitié les tragédies les plus lyriques.

"En avant! marche! division, tête, armée!" Exactement comme Buonaparte agonisant à Sainte-Hélène! Il paraît que le numéro sept s'est changé en sceptre de fer, et le châle d'osier en manteau impérial.

Maintenant il compli­ mente son armée.

La bataille est gagnée, mais la journée a été chaude.

Il passe à cheval sous des arcs de triomphe.

Son cœur est heureux.

Il écoute avec délices les acclama­ tions d'un monde enthousiaste.

Tout à l'heure il va dicter un code supérieur à tous les codes connus.

Il jure solen­ nellement qu'il rendra ses peuples heureux.

La misère et le vice ont disparu de l'humanité.

» Des objets de rebut Comme le chiffonnier, le poète s'empare des objets hors d'usage.

Il leur trouve une utilité et une jouissance nouvelles dans son ordre de valeurs, alors qu'ils sont méprisés et rejetés dans la société bourgeoise.

Le poète de la modernité est donc un mainteneur plus qu'un novateur au sens propre.

Mais contrairement à ce qui arrive parfois au chiffonnier, il ne sauve pas de la destruction des objets précieux; ceux qu'il choisit, qu'il trie avec amour reçoivent au contraire leur valeur poétique de leur état de débris.

C'est parce qu'ils ont été déclassés, c'est parce qu'on ne peut plus reconnaître leur fonction, parce qu'ils ont perdu leur sens, leur destination, leur intégrité que ces fragments peuvent servir de matériau à l'œuvre d'art.

Le poète se livre vis-à-vis de la tradition, de l'héritage littéraire, à la mêmë mission de sauvetage que le chiffonnier sur les poubelles des banlieues.. »

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