LE RENOUVELLEMENT DES MYTHES
Publié le 26/04/2014
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LE RENOUVELLEMENT DES MYTHES
« Les mythes - comme tout ce qui vit - ont besoin d'être irrigués et renouvelés sous peine de mort «, écrit Michel Tournier dans Le Vent Paraclet (1977).
Comment le dramaturge a-t-il réussi à « irriguer « et à « renouveler « un mythe antique dans la pièce Amphitryon 38 de Jean Giraudoux.
Plan
I. II modifie les données du mythe
1. L'histoire
2. Les personnages
II. Il introduit la fantaisie
1. L'humour
2. L'anachronisme
3. La parodie
II. Il charge le mythe d'ambiguïté
1. L'ambiguïté du dénouement
2. L'ambiguïté du genre
3. L'ambiguïté du sens
Introduction
Qu'il soit romancier, dramaturge ou poète, quel écrivain n'a jamais eu recours au mythe antique ? Réfléchissant dans Le Vent Paraclet, son autobiographie intellectuelle, à l'intégration du mythe dans son œuvre romanesque, Michel Tournier affirme que « les mythes comme tout ce qui vit - ont besoin d'être irrigués et renouvelés sous peine de mort «. Par l'image de l'irrigation, l'apport de l'eau nécessaire à la croissance de la végétation, il signifie que pour empêcher les mythes de dépérir, il est nécessaire que, siècle après siècle, des écrivains y puisent leur inspiration. Tel est le cas de Giraudoux qui, après Plaute et Molière, après le Portugais Camoëns et le romantique allemand Heinrich von Kleist, a donné avec Amphitryon 38 la trente-huitième version dramatique du mythe fondateur de la légende d'Hercule. Or comment Giraudoux a-t-il renouvelé le mythe ? Trois éléments de réponse peuvent être donnés : en modifiant les données du mythe ; en y introdui¬sant de la fantaisie ; en le chargeant d'ambiguïté.
«
fidélité, ce qui lui permet de poser un pro blème moderne, l'avenir du couple.
Au lieu
d'écrire le drame de la conscience d 'Amphitryon, il scrute la conscience d 'Alcmène.
Il introduit, en outre, deux nouvelles scènes, l'échange des serments entre
époux e t une substitution.
L 'échange des serments, dû à une ini tiative d'Alcmène (acte
II, scène 6), a pour effet de créer un suspens tra gique, puisqu'Alcmène dit : « Je jure
d'être fidèle à Amphitryon, mon mari, ou de mourir ! ».
Le spectateur peut alors se
de mander si Giraudoux va donner au mythe une coloration tragique.
Au contraire, la
scène de substitution tire le mythe du côté du vaudeville.
Profitant de l'arrivée
impromptue de Léda, l'une des anciennes conquêtes de Jupiter, Alcmène lui
demande de la rempl acer auprès de Jupiter.
Cette fine mouche d 'Alcmène saura -t-elle
abuser le roi des dieux par ce sub terfuge et infléchir le cours d'un destin fixé de toute
éternité ?
b.
Les personnages
Giraudoux modifie aussi la distribution.
S'il grossit le rôle d 'Alcmèn e, il
diminue en revanche celui de Mercure.
Dans le mythe, les deux dieux, Jupiter et
Mercure, prennent les traits de deux mortels, Amphitryon et son valet Sosie.
Or,
contrairement à Plaute et à Molière qui tiraient les effets les plus plaisants,
notamment sous la forme de quiproquos en cascade, de ce double déguisement,
Giraudoux ne donne qu'un rôle épisodique à Mercure -Sosie, car il préfère représenter
Mercure sous sa véritable identité de dieu et de messager des dieux.
De plus, il a modifié la significat ion du personnage d'Alcmène.
En acceptant la
condition humaine et sa limite, la mort, Alcmène montre une sagesse et un sens de la
mesure typiquement grecs.
Elle obéit en effet au grand précepte : « mêdén agan » = «
rien de trop » et rien ne lui est plus ét ranger que cette démesure ou « hybris », cause
des souf frances ou de la mort de tant de héros mythiques, Prométhée, Œdipe ,
Achille...
Par son idéal de fidélité, son intelligence et son humour, Alcmène est le
porte -parole de Giraudoux.
Enfin, en la dotant d'une sensibilité et d'une complexité
plus grandes, il ne cherche pas pour autant à rabaisser le mari pour mieux grandir
l'épouse : quoique cocu, Amphitryon garde sa dignité ainsi que la sympathie du
spectateur, il ne tombe pas dans le ridicule.
Quel morte l pourrait, en effet, lutter vic -
torieusement contre les dieux ?
II. Il introduit de la fantaisie
Même si le dramaturge moderne peut prendre des libertés avec les caractères
et les situations, le cadre général du mythe reste contrai gnant : Jupiter possédera
Alcmène.
En revanche, il a toute latitude de donner libre cours à sa fantaisie dans le
détail.
Giraudoux ne s'en prive pas, usant alternativement de l'humour, de
l'anachronisme et de la parodie.
a) L'humour
De l'humour, façon plaisante de présenter les choses, on trouvera des
échantillons dans presque toutes les scènes.
D'abord, Giraudoux n'hésite pas à traiter
les dieux avec irrévérence.
Dès la première scène, Mercure se moque d 'un Jupiter qui
ne craint pas de « perdre une nuit au milieu de cactus et de ronces pour apercevoir
l'ombre d'Alcmène » et lui donne des conseils avisés : « entrez par la porte, passez par
le lit, sortez par la fenêtre ».
Son pouvoir est ravalé à « cette espèce d'oisi veté
suprême, cette fonction de contremaître spécialiste du cha ntier divin » (II, 5).
Quand
Jupiter prend la forme d'Amphitryon, Mercure lui reproche de flotter dans son « sac
humain », puis le compare à « un ver luisant humain » (I, 5).
Alcmène, de son côté,
ne manque pas une occasion de prendre Jupiter de haut : « N e me parle pas de ne pas
mourir tant qu'il n'y aura pas un légume immortel » (II, 2).
L'humour enfin donne du
piquant à la périphrase (la lune devient « une boule vide ») ou à l'énumération,
quand Giraudoux brise son essor par une chute cocasse : « les div erses manières de se.
»
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