LE ROMAN ANGLAIS
Publié le 09/02/2019
Extrait du document
L’air du grand large
Bien que Joseph Conrad (1856-1924) ait été l’ami de James Hardy leurs romans ne se ressemblent pas. De son véritable nom Josef Teodor Konrad Nalecz Korzeniowski, Joseph Conrad est né en Bologne d’un père aristocrate et traducteur de Victor Hugo dont il partage l’exil politique. Conrad s’engage dans la marine française à 17 ans puis passe ensuite en Angleterre et obtient la nationalité anglaise. Mais il s’ennuie dans la marine marchande malgré le charme exotique que lui procurent de nombreux voyages en Malaisie et au Congo. En 1894, il abandonne l’uniforme d’officier, se marie et s’oriente vers la littérature.
Dans ses premières œuvres, Conrad s’inspire de l’ambiance aventureuse et exotique de ses traversées. La folie Almayer (1895) et Un paria des îles (1896) connaissent un grand succès. 11 y exalte dans une langue somptueuse le credo victorien: la fidélité, la droiture, la responsabilité. Avec ses romans ultérieurs comme Le cœur des ténèbres (1902), Typhon (1903) ou La ligne d'ombre (1917), Conrad s’éloigne de cette vision initiale un peu romantique. Il s’intéresse de plus en plus à des thèmes pessimistes et à des personnages marginaux: un traître dans L’agent secret (1907), un délateur dans Sous les yeux d’Occident (1911). Ces choix provoquent la désaffection d’un lectorat qui
avait été attiré par des histoires d’aventure maritime. Aujourd’hui, Conrad est considéré comme l’un des plus grands romanciers de tous les temps.
L’esthétisme
Oscar Wilde (1854-1900) se détache complètement de ce mouvement sombre et pessimiste. Ayant beaucoup voyagé en France durant sa jeu-
nesse, il s’inspire, entre autres, d’écrivains comme Théophile Gautier (1811-1872), dont il hérite un certain sens de la préciosité. Dès ses débuts, il est renommé autant, si ce n’est plus, pour la valeur de ses écrits que pour sa personnalité d’esthète raffiné et extravagant. Avec la parution de son roman Le portrait de Dorian Gray (1891), il obtient un succès qui ne se démentira jamais plus. Ses comédies, Une femme sans importance (1893) et De l'importance d'être constant (1895), lui apportent la richesse. Mais cette période heureuse ne dure pas. Malheureux en ménage, il est en outre condamné en 1895 à deux ans de travaux forcés pour homosexualité. Une fois libéré, il est ruiné. Il s’installe à Paris, vit sous un nom d’emprunt et y meurt d’une méningite.
La démesure
L’un des derniers écrivains anglais qui marque profondément le xixe siècle est Robert Stevenson (1850-1894). Il charme le public avec des ouvrages fort différents les uns des autres. Son roman d’aventure, LTle au trésor (1883), lui vaut un franc succès qu’il retrouve trois ans plus tard avec Docteur Jekyll et Mister Hyde, livre qui nous plonge au cœur des contradictions et des ambiguïtés humaines. C’est également un maître de la littérature enfantine: Le jardin poétique des enfants (1885), Les nouvelles mille et une nuits (1882). De santé fragile, il se retire à Samoa (Polynésie) où, adulé par les indigènes qu’il défend inlassablement, il meurt en 1894.
Les romancières
À la même époque, les femmes font leur apparition sur la scène littéraire. En effet, le xixe siècle, en dépit de toute sa rigueur étouffante, est aussi une période de grands changements sociaux. Sous l’effet de la révolution industrielle, les classes sociales s’éloignent du modèle féodal qui dominait la Grande-Bretagne depuis des siècles. Le prolétariat se forme et tente un début d’organisation, la bourgeoisie et les classes moyennes étendent leur pouvoir, tandis que la noblesse perd de son influence et de sa puissance, même si elle s’adapte beaucoup mieux à ces bouleversements que l’aristocratie française. Tirant profit de cette évolution, plusieurs femmes vont non seulement surgir dans le paysage romanesque anglais, mais aussi le marquer profondément de leur empreinte. Les sœurs Brontë, notamment, ont frappé les esprits. Ces trois sœurs -Charlotte (1816-1855), Emily (1818-1848) et Anne (1820-1849)-s’illustrent chacune à leur tour dans le domaine littéraire. Pourtant, seule Charlotte connaît le succès de son vivant, avec son roman Jane Eyre (1847). L’œuvre des trois sœurs développe toujours le même thème: le statut de la femme dans la société victo
National Portrait Gallery
rienne, qui tente d’affirmer son identité au sein d’un monde dominé par les hommes. D’ailleurs, Charlotte a adopté un pseudonyme asexué, Cur-rer Bell, pour publier ses ouvrages. Les sœurs Brontë menèrent une vie austère dans un village isolé du Yorkshire sous la coupe de leur père, pasteur tyrannique, et d’une tante acariâtre, leur mère étant morte en 1821. Toutes trois mourront phtisiques avant leur père. Emily qui s’éteindra la première en 1848, refusera même de se soigner. Elles assisteront à la déchéance de leur frère Bran-
well, qui peignit le seul portrait que nous connaissons d’elles. Leurs poèmes et leurs romans utilisent comme toile de fond des paysages de landes, dont l’ambiance glaciale et sauvage est particulièrement bien retranscrite dans le chef-d’œuvre d’Emily Les hauts de Hurlevent, publié en 1847 et dont deux exemplaires seulement furent vendus. Anne, quant à elle, reste célèbre grâce à Agnes Grey, datant de la même année.
«
Le
roman anglais
inconséquent, avait contractées.
Profondément
humilié par ce labeur imposé, il n'a de cesse de
retranscrire cette matière autobiographique dans
des romans, tels Les aventures de M.
Pickwick en
1837, Oliver Twist en 1838, Nicolas Nickleby en
1839 et David Copperfield en 1849.
-
Les romancières
À la même époque, les femmes font leur appari
tion sur la scène littéraire.
En effet, le XIX' siècle, en
dépit de toute sa rigueur étouffante, est aussi une
période de grands changements sociaux.
Sous
l'effet de la révolution industrielle, les classes
sociales s'éloignent du modèle féodal qui domi
nait la Grande-Bretagne depuis des siècles.
Le pro
létariat se forme et tente un début d'organisation,
la bourgeoisie et les classes moyennes étendent
leur pouvoir, tandis que la noblesse perd de son
influence et de sa puissance, même si elle s'adapte
beaucoup mieux à ces bouleversements que
l'aristocratie française.
Tirant profit de cette évolu
tion, plusieurs femmes vont non seulement surgir
dans le paysage romanesque anglais, mais aussi
le marquer profondément de leur empreinte.
Les
sœurs Brontë, notamment, ont frappé les esprits.
Ces trois sœurs -Charlotte (1816-1855), Emily
(1818-1848) et Anne (1820-1849) -s'illustrent
chacune à leur tour dans le domaine littéraire.
Pourtant, seule Charlotte connaît le succès de son
vivant, avec son roman Jane Eyre (1847).
L'œuvre
des trois sœurs développe toujours le même
thème: le statut de la femme dans la société victo-
rienne, qui tente d'affirmer son identité au sein
d'un monde dominé par les hommes.
D'ailleurs,
Charlotte a adopté un pseudonyme asexué, Cur
rer Bell, pour publier ses ouvrages.
Les sœurs
Brontë menèrent une vie austère dans un village
isolé du Yorkshire sous la çoupe d,e leur père, pas
teur tyrannique, et d'une tante acariâtre, leur
mère étant morte en 1821.
Toutes trois mourront
phtisiques avant leur père.
Emily, qui s'éteindra la
première en 1848, refusera même de se soigner.
Elles assisteront à la déchéance de leur frère Bran- well,
qui peignit le seul portrait que nous connais
sons d'elles.
Leurs poèmes et leurs romans utili
sent comme toile de fond des paysages de landes,
dont l'ambiance glaciale et sauvage est particuliè
rement bien retranscrite dans le chef-d'œuvre
d'Emily, Les hauts de Hurlevent, publié en 1847 et
dont deux exemplaires seulement furent vendus.
Anne, quant à elle, reste célèbre grâce à Agnes
Grey, datant de la même année.
Jane Austen (1775--1817), en revanche, connut
une enfance heureuse au sein d'une famille unie.
Ses récits s'inspirent de la vie quotidienne et
régulière qu'elle mena parmi les siens.
Clas
siques, sobres et malicieux, ses romans sont
d'une rare finesse et teintés d'une philosophie de
la vie très aristocratique qui bannit les déborde
ments.
Ainsi, dans Persuasion (1818), l'héroïne,
Anne Eliot, rompt ses fiançailles afin de ne pas
contrarier sa famille et ses amis.
À l'opposé de cette œuvre classique et respec
tueuse se trouve celle d'Elizabeth Gaskell
(181(}-1865).
À partir de 1850, cette femme éner
gique, contemporaine des sœurs Brontë, se·lia
d'amitié avec Charlotte, dont elle écrira la biogra
phie.
Animée d'un sens très aigu du bien et du
mal et d'intentions humanitaires, elle ne cesse de
combattre dans ses écrits la pauvreté et l'injustice.
Elle le fait d'une manière poignante et émouvante,
ayant elle-même côtoyé cet univers.
Épouse d'un
pasteur, elle a en effet de nombreuses occasions
de se confronter à la réalité sociale.
Ses princi
paux romans sont Mary Barton (1848), Les dames
de Cranford (1851-1853), Nord et Sud (1855).
Mary Ann Evans, �
plus connue sous
le nom de George
Eliot, fut une femme
radicale dans ses
prises de position
et très libre dans
sa vie personnelle.
Elle défendit
la classe ouvrière
dans ses écrits.
�
Les trois sœurs
Brontë peintes
par leur frère Branwell.
Ce dernier figurait
au centre de ce
tableau mais, sous
l'emprise de l'alcool
et de l'opium qui le
conduisit à la mort,
il s'en est effacé.
Dans la solitude et
le dénuement du
presbytère paternel,
ses sœurs
composèrent
des œuvres fortes,
violentes, où
perce le désespoir.
i Jane Austen vécut parmi les siens sa vie A durant.
Elle écrivait sans s'isoler, dans
une pièce commune, à la merci de toutes
les irruptions fortuites.
Jane Austen influença fortement une autre
romancière anglaise, George Eliot (1819-1880).
De son vrai nom Mary Ann Evans, elle rejette
courageusement les règles victoriennes.
Ainsi,
.
elle vit ouvertement, de 1854 à 1878, avec un
homme marié et se déclare athée après avoir été
élevée très pieusement.
George Eliot est considérée comme la première
romancière moderne.
En effet, ses écrits ne se
contentent plus de remplir un rôle de divertisse
ment, mais abordent des thèmes de réflexion por
tant sur l'art, la théologie et la philosophie.
Son
œuvre s'articule autour de deux thèmes: la fécon
dité de l'échec pourvu qu'il ait un sens, l'égalité
des âmes et leur destruction par l'urban isation.
Très sensible aux problèmes sociaux de l'époque,
elle choisit souvent comme toile de fond la société
rurale, dévastée par le capitalisme naissant.
Cet
art atteint la perfection en 1872 dans Middlemarch,
Étude de la vie de province.
Elle retranscrit scrupu
leusement le moindre détail de cette vie et s'inté
resse particulièrement au langage populaire.
Ses
héros sont souvent des parias: une infanticide
dans Adam Bede (1859), un homme trahi qui
sombre dans l'avarice, mais qui se rachète en
adoptant une enfant abandonnée, dans Silas Mar
ner (1861).
Elle a décrit également de façon inou-.
»
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