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LE ROMAN NOIR (Histoire de la littérature)

Publié le 01/12/2018

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histoire

ROMAN NOIR. L’expression « roman noir » fait aussitôt surgir des images terrifiantes et risibles de ruines, de souterrains où se déroulent de sombres mystères souvent sanglants. Avec ses jeunes filles persécutées, ses traîtres, ses moines diaboliques (qui traduisent plus le rêve de sacrilège et de blasphème que l'anticléricalisme), le roman noir fascine parce qu’il fait appel aux instincts de cruauté, au désir d’aventures terribles pour échapper à l’ennui, à tout ce qu’il y a en nous de nocturne et de refoulé. Il repose, comme la tragédie, sur la terreur et la pitié, mais non sublimées, organisées plutôt en scènes destinées à électriser les nerfs, à régaler l’imagination d'une dérive sur les abîmes éternels de la méchanceté et de la souffrance.

 

Aux xviiie et xixe siècles, on parlait de « roman de terreur », de « genre sombre », de « roman gothique », de « genre frénétique ». En vulgarisant l’appellation de « roman noir » et en l’appliquant notamment au Château d’Otrante (1764) de Walpole. trop souvent considéré comme la source du genre, André Breton et les surréalistes ont favorisé la confusion entre toutes ces catégories, en particulier entre le roman noir et le roman « gothique ». Ces deux derniers ont, certes, beaucoup en commun, mais si le roman gothique est une mode qui peut se localiser historiquement de 1760 à 1850, le roman noir est un phénomène littéraire et sociologique quasi permanent. En France, il n’est nullement lié au gothique anglais. Baroque et méditerranéen d'origine, il s'est facilement acclimaté sur notre terroir. Par les traductions, nous en avons exporté les thèmes et les personnages types en Angleterre, qui nous les a renvoyés sous un habillage gothique, occasion d'un véritable coup de foudre pour notre romantisme friand de ruines médiévales, de nuit, de passions sans frein.

 

La tradition française

 

Le roman noir « moderne » s'est formé en France entre 1700 et 1720. Causes historiques immédiates : les persécutions et les guerres désastreuses de la fin du règne de Louis XIV, qui, avec l’angoisse, ont fait resurgir le baroque; la montée du sensualisme et la priorité donnée aux émotions, aux sensations. Causes plus anciennes : le conflit entre l’enseignement de l’Eglise et le rêve d'amour, la pénible condition féminine. Les thèmes étaient prêts; le néo-baroque du début du XVIIIe siècle n’avait qu'à les détacher d’un vaste socle romanesque ancien : déjà les romans grecs du iiie siècle montraient des jeunes filles livrées aux pirates, une jeune femme foudroyée la nuit de ses noces, des mortes-vivantes sortant de leurs cercueils. A la fin du siècle encore, quand triomphe le gothique anglais, on continue à réimprimer ces romans, de même que les séries de « nouvelles galantes et tragiques» de Bandello (1554), de l’évêque Camus, de Rosset, de Malingre (xviie siècle). De ces aventures angoissantes, de ces drames passionnels devenus thèmes populaires le XVIIIe siècle naissant fait un roman aristocratique, où la liste des belles mal-mariées « infortunées », victimes de maris « bizarres » et de tyrans de toutes sortes, pourrait former un véritable martyrologe de l'amour.

 

Réaliste dans ses cruautés morales et physiques, sans mystère, le roman noir de la première moitié du xviiie siècle est surtou : psychologique : adultères, jalousies, vengeances, remords en constituent la matière. Mais les malheurs de la vertu ont un sens : ils illustrent la difficulté de vivre et d'aimer, un vague doute sur la morale et les institutions, la sourde panique des âmes sensibles frustrées. Les Mémoires du comte de Comminge, de Mme de Tencin (1735), de nombreuses scènes des romans de l'abbé Prévost — incapables de fixer un genre — créent une thématique qui devient un ingrédient nécessaire du roman d'aventures et surtout des pseudo-Mémoires qui fourmillent alors. On la retrouve jusque dans les premiers romans de Marivaux et dans la Religieuse de Diderot. Déjà sont en place les décors sauvages des Apennins et des forêts de Franconie, les bandes de hors-la-loi sacrifiant leurs victimes féminines dans des salles souterraines, les moines libertins, les ermites.

 

Vers 1770, avec la vogue de la sensibilité et du pathétique, apparaît le « genre sombre »; dans un style trépidant, haletant, Baculard d’Arnaud narre sur un autre registre les mêmes « épreuves du sentiment », sur fond de cimetières, d’ossuaires, de délectation mélancolique et morbide. D’Ussieux (le Décaméron français), Loaisel de Tréogate (la Comtesse d'Alibre, 1779) suscitent comme lui les frissons enchantés du public.

 

Sade marque à la fois l'aboutissement et le dépassement de cette tradition française du roman noir. Le château des Cent Vingt Journées de Sodome, le caveau dans lequel ses tortionnaires font descendre Justine, certaines nouvelles des Crimes de l'amour (« Miss Henriette Stral-son », « Ernestine », « Eugénie de Franval ») sont des modèles du genre, mais Sade introduit un ton nouveau : le mal est considéré chez lui comme une activité naturelle, et donc agréable. L'idée de plaisir apparente le roman noir au roman libertin, et le thème fondamental de la vertu persécutée change de sens. De plus, dans des romans où tout est dit, nommé, le naturalisme ne laisse plus à l'imagination la pâture qu'elle attend dans le genre noir, dont Sade se plaît à railler les puérilités au début de Juliette.

 

Il appartenait à Ducray-Duminil, à la fin du siècle, dans Victor ou l'Enfant de la forêt (1796), dans Cœlina ou l'Enfant du mystère (1798), qui connurent un énorme succès, de rendre tous ces thèmes à leur origine populaire, pour un nouveau public qui prenait le goût du « noir » dans le mélodrame. Il reprend le style vibrant de Baculard, mais, dès 1800, le gothique anglais envahit son œuvre.

 

Le « noir » importé : frénésies romantiques

 

C’est en 1797, avec la traduction du Moine de Lewis et de quatre romans d'Ann Radcliffe, dont les Mystères d'Udolfo et l'Italien, que déferle la vague anglaise. La traduction du Château d'Otrante de Walpole, passée inaperçue en 1767, obtient trente ans plus tard un succès immense. Les théories esthétiques de Burke sur l’« horreur délicieuse », le renouveau du goût pour le gothique et pour le Moyen Âge ont préparé les esprits au mystère et au fantastique. Mais surtout, en France, depuis 1780 environ, on était sensible au roman allemand (Siegewarr, Hermann d'Unna...) avec ses tribunaux secrets d’ordres de chevalerie, ses décors impressionnants de châteaux forts, ses légendes de nonne sanglante... Le spectre féminin aux petits talons sonores qui passe dans les Chevaliers du Cygne de Mme de Genlis (1795) vient tout droit d'Allemagne.

 

La tradition baroque française et les épigones du roman allemand, plus nettement que la Révolution (qui n'a guère influencé le genre), ont préparé l’accueil délirant fait soudain au roman gothique anglais et à ses imitations françaises, telles que le Château noir ou les Souffrances de la jeune Ophelle de Mme Mérard de Saint-Just (1799). Il faut constater aussi que ces romans reposent sur des histoires d’usurpation de propriété; leur action se passe dans le monde des châteaux, certes, mais ces histoires étaient propres à toucher une bourgeoisie propriétaire en ascension. En 1800, le goût pour les romans noirs avait ainsi atteint les lecteurs de toutes les catégories sociales. Les nombreuses parodies, telle la Nuit anglaise de Bellin La Liborlière (1799), confirment le succès universel du genre.

 

Après quelques années d’éclipse sous le Consulat et l’Empire, la vogue reprend rapidement à partir de 1815,

histoire

« sanglants.

Avec ses jeunes filles persécutées, ses traîtres, ses moines diaboliques (qui traduisent plus le rêve de sacrilège et de blasphème que l'anticléricalisme), le roman noir fascine parce qu'il fait appel aux instincts de cruauté, au désir d'aventures terribles pour échapper à l'ennui, à tout ce qu'il y a en nous de nocturne et de refoulé.

JI repose.

comme la tragédie, sur la terreur et la pitié, mais non sublimées, organisées plutôt en scènes destinées à électriser les nerfs, à régaler 1' imagination d'une dérive sur les abîmes éternels de la méchanceté et de la souffrance.

Aux xvm< et XIX 0 siècles, on parlait de >, de > , de « roman gothique », de .

En vulgarisant l'appellation de , victimes de maris «bizarres>> et de tyrans de toutes sortes, pourrait former un véritable mar­ tyrologe de 1' :�mour.

Réaliste dans ses cruautés morales et physiques.

sans mystère, le roman noir de la première moitié du xvm• siè­ cle est surtou : psychologique : adultères, jalousies, ven­ geances, remords en constituent la matière.

Mais les mal­ heurs de la vertu ont un sens : ils illustrent la difficulté de vivre et d'aimer, un vague doute sur la morale et les institutions, la sourde panique des âmes sensibles frustrées.

Les Mémoires du comte de Comminge, de Mm• de Tencin ( 1735).

de nombreuses scènes des romans de l'abbé Prévost -incapables de fixer un genre - créent une thématique qui devient un ingrédient néces­ saire du roman d'aventures et surtout des pseudo­ Mémoires qui fourmillent alors.

On la retrouve jusque dans les premiers romans de Marivaux et dans la Reli- gieuse de Diderot.

Déjà sont en place les décors sauvages des Apennins et des forêts de Franconie, les bandes de hors-la-loi sacrifiant leurs victimes féminines dans des salles souterraines, les moines libertins, les ermites.

Vers 1770, avec la vogue de la sensibilité et du pathé­ tique, apparaît le «genre sombre»; dans un style trépi­ dant, haletant, Baculard d'Arnaud narre sur un autre registre les mêmes « épreuves du sentiment », sur fond de cimetières, d'ossuaires, de délectation mélancolique et morbide.

D'Ussieux (le Décaméron français), Loaisel de Tréogate (la Comtesse d'Aiibre, 1779) suscitent comme lui les frissons enchantés du public.

Sade marque à la fois 1' aboutissement et le dépasse­ ment de cette tradition française du roman noir.

Le châ­ teau des Cent Vingt Journées de Sodome, le caveau dans lequel ses tortionnaires font descendre Justine, certaines nouvelles des Cri mes de L'amour (. »

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