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Le roman réaliste et sentimental - Histoire de la littérature

Publié le 25/01/2018

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Le roman réaliste et sentimental

C'est celui qui illustre la morale du sentiment, opposée par la bourgeoisie à l'immoralisme du libertin ou à la morale de l'honneur. L'opinion philosophique des romanciers importe peu, Marmontel est voltairien, Loaisel rousseauiste, Dorat épicurien. L'action des romans est en général contemporaine, les personnages sont français ou anglais; quelques œuvres pourtant ont un cadre exotique ou historique. Le genre, le plus abondamment représenté avant la Révolution, se maintiendra encore au début du sIse siècle.

Les premiers Contes moraux de MARMONTEL parurent dans le Mercure en 1758, et le très vif succès qu'ils obtinrent encouragea l'auteur à en continuer la rédaction pendant une vingtaine d'années et à les réunir en recueils. Il se déclare (dans la Préface du recueil de 1777) « flatté d'avoir saisi le goût du public dans un genre que l'on daigna regarder comme nouveau )), Il n'en avait pas trouvé d'emblée la formule, et les premiers, qui furent les mieux accueillis et sont restés les plus célèbres, sont peut-être les plus mauvais. L'adjectif moral signifie à la fois « qui décrit les mœurs '> et « qui excite à la vertu '> (ce que Marmontel traduit par : « qui peint les sentiments de la nature ˆ ). Au début, Marmontel se proposait une galerie de caractères mis en action, sans doute sur le modèle de ce qu'avaient fait La Bruyère, les journalistes anglais du Spectator et du Tatler, ou Marivaux dans son Spectateur françois. On aperçoit l'influence de Marivaux, de Crébillon, de Voltaire dans Alcibiade ou le Moi, dans Soliman II, dans Heureusement, mais le libertinage de Marmontel est sans audace et ses pointes sont sans esprit; il emprunte un sujet à Crébillon et en fait Le Mari-Sylphe, croyant être plus moral et plus vraisemblable en remplaçant le sylphe irréel et sceptique de Crébillon par le mari lui-même, qui séduit son épouse romanesque en se faisant passer pour l'invisible divinité. Il recherche trop le joli et les effets théâtraux : le personnage de Roxelane, dans Soliman II, semble à l'avance conçu pour Mme Favart, qui sera Roxelane en 1761 dans l'opéra-comique des Trois Sultanes, inspiré du conte. Les contes sentimentaux et moralisants unissent le ridicule à la fausseté, le genre même du conte, surtout quand le récit est destiné à une publication périodique où l'attention des lecteurs doit être accrochée par des procédés plus voyants, appelle le schématisme édifiant et l'artifice; on pourra donc accepter comme voulue par la loi du genre l'intrigue de La Mauvaise Mère : le vertueux Jacquaut, brimé et déshérité, s'exile, tandis que son frère, l'égoïste De l'Etang, le fils favori, se ruine et laisse sa mère dans l'indigence. Jacquaut quitte tout pour venir la sauver, triomphe par son héroïsme d'un corsaire qui attaquait le navire le ramenant en Europe, rappelle sa mère à la vie; le mauvais fils meurt, et J acquaut retourne aux îles avec sa mère pour épouser la veuve riche, vertueuse et jolie qui l'attendait. Mais la description du combat est grotesque : à l'approche du navire ennemi, Jacquaut embrasse sa cassette, s'écrie : << Ah ! ma pauvre mère! ,>, s'arrache les cheveux de désespoir; puis il reprend courage et, quand les corsaires abordent, il fend en deux les assaillants l'un après l'autre à grands coups de sabre, en s'écriant à chaque coup : « Ah! ma pauvre mère! '> Le Bon Mari pose un problème intéressant de morale conju­gale : comment un second mari pourra-t-il détacher du monde une jeune feme que son premier mari avait laissée vivre dans la dissipation

y opposent de façon tranchée aux bons, qui sont les plus nombreux, bons pères, bonnes mères, bons fils, bons maris, bonnes épouses, bons officiers, bons soldats, bons maîtres, bons domestiques, bons curés . .. 1 Toutes ces bonnes gens pleurent à chaudes larmes, non de leurs malheurs, car ils les sur­montent, mais des malheurs d'autrui et de leur propre bonheur; ils sont toujours heureux au dénouement, mais les larmes sont l'expression de leurs émotions les plus vives. Marmontel a délibérément donné du monde une vision optimiste; un misérable qui a du cœur et qui est honnête n'est jamais complètement abandonné, un bienfait n'est jamais perdu, un sacrifice n'est jamais amer, un amour sincère et vertueux n'est jamais solitaire, et, en un mot, << il n'y a rien de mieux à faire, pour être heureux, que d'être bon & sCette identification du bonheur et de la vertu par l'intermédiaire du sentiment ne pose à Marmontel aucun problème. Il n'invente pas ses Contes pour explorer les cas difficiles, pour résoudre sur le plan de la poésie et de l'imagination les contradictions qui pourraient l'angoisser : il ne connaît aucun cas difficile, aucune contradiction angoissante; ses contes n'ont ni le pouvoir cathartique de La Nouvelle Héloïse, ni l'ironie démystifiante des contes voltairiens : ils sont platement édifiants et ils ne convainquent ni n'émeuvent parce qu'on les sent insincères, entremêlés qu'ils sont de libertinage, confondant toujours sous le nom de nature les entraînements coupables et le penchant au bien, n'osant jamais regarder en face les véritables débats qui peuvent déchirer une âme ni les poser dans leurs termes réels, faussant leur solution par l'infaillible pouvoir de la vertu sentimentale.

Ils ont cependant une qualité : sous le sentiment faux, on trouve la société réelle; Marmontel transpose la vérité, mais il part d'elle, et il la connaît assez bien, 

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« Marm ontel se souvient de Rousseau (qu'il déteste et qu'il a calomnié, mais auquel il a fait plus d'un emprunt) : le mari va combattre la volonté inauthentique de sa femm e, dictée par la Société, en lui opposan t sa volonté authentique qu'elle ignore elle-même; ici, c'est la scène finale qui est mélodramatique et mvraisemblable : le mari fàit soudain venir dans la chambre de sa femme les enfants du premier lit; elle les arrose de ses larmes et décide de ne plus vivre que pour son ménage : elle avait oublié qu'elle était mère! Annette et Lubin serait encore plus insupportable si l'on devait en prendre au sérieux la prétendue naïveté paysann e : mais ce n'est qu'un conte maniéré, volontairement faux, dont la place véritable était à l'Opéra­ Comique où il triomphera grAce à Mme Favart 1; dans un autre conte maniéré a ui inspirera aussi un opéra-comique, La Bergère des Alpes, Marmontel sauve 1 artifice en en faisant un trait du caractèr e des personna ges; la bergère mysté­ rieuse et mélancolique-est en réalité de fàmi.lle noble, le beau berger qui joue si spontanément du hautbois est un jeune noble qui a pris des leçons de Besuzzi : aussi quand le ber �r doute que la bergère soit une vraie campagnarde, la bergère a beau jeu de lui retorquer le même doute.

Marmontel sacrifia assez vite le hberti­ nage piquant au moralisme sentimental et évita de mieux en mieux dans celui-ci les extravagances et les exagérations.

Si l'on a quelque peine à croire qu'un sultan s'évanouisse en présence d'un chat ou d'une souris, et qu'une FrançaJSC du sérail préserve son innocence en imitant le cri de l'un et le grattement de l'autre, si l'on JUge peu naturel qu'un pauvre vieillar d, au moment de quitter son bienfaiteur, lui deman de de baiser son chien (• Vous m'avez embrassé, daignez baiser mon chien; je veux pouvoir dire à ma fille que vous avez baisé mon chie n •) et que le bienfaiteur s'exécute en pleurant d'émotion, ces niaiseries se font de plus en plus rares 1• Marmontel a compris qu'en montrant l'auditoir e du conte et en donnan t une personnalité au conteur, il rendait plus naturelle la fausseté fondamentale du conte moral tel qu'il le concevait.

Les récits de La Veillée sont faits successive­ ment par les membres d'une petite« société d'amis • retirés à la campagne «pendant les troubles de Paris • et qui veulent 1àire diversion à leurs soucis : c'est une imita­ tion bien pile du Décaméron et de l' H eptaméron, mais l'on pense moins à ces illustres précédents, où le procédé était exploité dans toutes ses r ess ources, qu'aux Contes de Maupassant, et l'on y pense encore plus en lisant Les Batelürs de Besons, ou Les Souwnirs du coin du feu, ou La Côtedesdeux amans : les circonstances et le cadre dans ,lesquels les récits sont faits sont décrits en quelques phrases, les auditeurs interviennent au début dans une courte conversatio n, une conclusion aussi courte est tirée à la fin par l'auteur, par le narrateur ou par l'un des auditeurs.

D serait étonnant que Mau passan t n'ait pas lu les Contes moraux, tellement la mise en scène de ses récits ressem ble à celle de Marmontel; et la définition du conte telle que la formule A.

Vial, d'après les contes de Maupassant, s'appliquerait déjà exactemen t aux Contes moraux de Marm ontel, alors qu'elle ne peut s'appliquer aux contes de Voltaire 1• 1.

Un des grands mérites de Mme Favart fut d'avoir joué au naturelles rôles de paysann e, dans Ann ette et LubÎIJ précisément, ou dans Bastien et Bastienne.

Mais un acteur peut être naturel et son rôle ne pas l'être.

2.

Le premier trait est dans Les Bateliers de &s ons,le secon d dans La Y tiUée (cinquième histoire).

3· Voir supra, p.

14 et 396.. »

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