Devoir de Philosophie

LE SENS OCCULTISTE DU MYSTICISME BALZACIEN

Publié le 29/06/2011

Extrait du document

Dans l'Introduction aux Romans et Contes Philosophiques (1834), Balzac rassemblait dans sa pensée la première partie de L'Enfant maudit, Les Proscrits, Louis Lambert, Jésus-Christ en Flandre et Séraphîta. Il avouait avoir eu l'intention de « faire courir — à travers son œuvre — un radieux rayon de foi, une mélodieuse métempsychose chrétienne qui commençait dans les douleurs terrestres et aboutissait au ciel «. Il se la figurait déjà, cette œuvre, comme une cathédrale, « sa cathédrale «. Il voulait déjà l'éclairer de « lueurs divines « afin qu'y « rayonnent les beautés pures de l'autel «. Ces contes, parus de 1831 à 1835, seront, les uns complétés, d'autres remaniés, surtout Louis Lambert. Ce dernier très augmenté, composera en 1835, avec Les Proscrits et Séraphîta, un seul ouvrage, intitulé Le Livre Mystique. C'est donc répondre à un dessein de l'auteur, que de conjoindre toutes ces œuvres, pour les envisager sous un aspect qui permet d'en dégager l'idée générale, et les théories du mysticisme balzacien. Rattachées antérieurement aux Romans et Contes Philosophiques, toutes ces œuvres devaient être agrégées définitivement aux Etudes Philosophiques : la désignation mystique disparaît, l'élément subsiste.

« (1832), atteste une « curiosité philosophique », et nullement l'angoisse pascalienne.

Ses créatures, Etienned'Hérouville l'enfant maudit, Dante le proscrit et Gode- froid son jeune compagnon, Louis Lambert, Séraphîta ont lanostalgie du ciel.

Ils le considèrent non pas tant comme un lieu de bonheur que comme la région de la définitiveClarté.

Ici-bas tous les sanctuaires (toutes les religions) sont entourés de nuées, d'obscurités métaphysiques.Chacun de ces personnages répète la parole de Dante : « moi qui suis pour moi-même un mystère ».

Ils veulentpercer l'énigme, « par l'interprétation du Verbe divin, écrit sur toute chose de ce monde ».

Ils veulent voir la vérité,et leur aspiration est si violente que tous désirent la mort pour se rapprocher d'elle ; Godefroid essaie de se ladonner pour arriver plus tôt dans la région de la Clarté; Louis Lambert songe un instant à se mutiler.Avant de tenter une interprétation toujours décevante, toujours mouvante, il importe d'estimer à sa vraie valeur lasincérité de Balzac.

Voulant s'expliquer à lui-même sa destinée, il s'est servi de Louis Lambert comme d'untruchement afin de répandre de par le monde des croyances qu'il croyait utiles aux hommes.

N'oublions pas qu'ilmettait Louis Lambert et Séraphîta au-dessus de tous ses autres ouvrages : « On peut faire Goriot tous les jours ;on ne fait Séraphîta qu'une fois dans sa vie », confiait-il à Mme Hanska.

Et encore : « Ce sont des livres (LouisLambert, Séraphîta) que je fais pour moi et quelques-uns.

» Nous verrons bientôt se réaliser la suite de sadéclaration.

« Quand il faut faire un livre pour tout le monde je sais bien à quelles idées il faut le demander et cellesqu'il faut exprimer ».

« Pour moi et quelques- uns » : cette formule réticente est langage d'initié, et l'on raconte dedivers côtés que l'initiation martiniste avait été conférée à Balzac.

Un paragraphe du Traité de la Prière (1824)permet de le croire.

M.

Van Rijnberk, dans son étude sur Martinès de Pasqually, établit ainsi la filiation d'après desinformations récentes.

Claude de Saint-Martin avait initié l'abbé de la Noue, qui initia Antoine-Louis-MarieHennequin, le célèbre avocat, lequel initia Hyacinthe de Latouche.

Ce dernier initia son ami Balzac, et lui transmitvers 1825, la doctrine et les pouvoirs occultes dont l'auteur de La Comédie Humaine se vantait si volontiers. La « philosophie théurgique » dont se réclame Balzac, fait remonter ses titres d'origine jusqu'au christianisme primitif,johannique et, par ce chaînon, jusqu'aux mystagogies orientales les plus reculées.

Jésus était l'un des grands initiés: des traditions mosaïques, qui découlaient elles-mêmes des traditions égyptiennes, il tenait les secrets de sapuissance thaumaturgique qu'il avait transmise aux apôtres et surtout à Jean : « L'Apocalypse est une extase écrite».

Cette doctrine, qui comprenait « l'ensemble des révélations et des mystères depuis le commencement du mondeétait publiquement enseignée au XIIe siècle à l'Université de Paris.

Elle s'était « nébuleusement » transmise jusqu'àMme Guyon, Fénelon, pour parvenir enfin au prophète suédois, Swedenborg, et à son parfait disciple Saint-Martin, «le Philosophe inconnu ».

C'est l'Eglise intérieure constamment persécutée par l'Eglise de Rome.

Alors que celle-ci necesse d'encombrer la religion chrétienne d'observances extérieures, Swedenborg la ramène à sa simplicité primitive :il réduit au strict minimum les pratiques du culte et proscrit l'intermédiaire du sacerdoce.

Balzac, en 1835, ne doutaitpas que ce dernier l'emporterait : « Le doute travaille en ce moment la France.

Après avoir perdu le gouvernementpolitique du monde, le catholicisme en perd le gouvernement moral.

Rome catholique mettra néanmoins tout autantde temps à tomber qu'en a mis Rome panthéiste.

Quelle forme revêtira le sentiment religieux ? Quelle en seral'expression nouvelle ? La réponse est un secret de l'avenir » (Préface au Livre Mystique).Louis Lambert était un effort scientifique pour réduire toutes les formes et toutes les forces de la nature à l'unité.Séraphîta le parachève pour faire aboutir par un système ésotérique la réintégration de l'esprit dans l'unité.

Le seulprincipe sur lequel l'un et l'autre ouvrage s'appuie est l'interdépendance complète du physique et du moral.

Lesobservations des physiologistes, de plus en plus précises et multipliées, le démontrent chaque jour ; elles préparentà la science des découvertes sensationnelles.

Donner une base aux phénomènes extraordinaires, aux dons soi-disantpréternaturels dont se prévalent les illuministes, tel est l'effort de Balzac.

A l'occultisme, il veut substituer lescientisme afin d'expliquer d'abord ce qui paraît un privilège merveilleux aux yeux du vulgaire, puis d'en généraliserl'exercice chez les gens suffisamment doués : la théorie est clairement expliquée dans la Lettre à Charles Nodier surson article intitulé : De la Palingénésie t humaine et de la Résurrection (1832).

C'est un précis de ces croyances etde ces tendances mystico-scientifiques.

L'homme est doué de « facultés perfectibles », d'autres encore qui sontinconnues, innommées, inobservées ou bien oubliées, perdues, atrophiées.

Par elles, s'explique la constance despremiers martyrs chrétiens au milieu de tourments affreux : la Primitive Eglise fut « la grande ère de la pensée ».L'idée foi abolissait en eux l'idée souffrance.

L'Homo Duplex de Buffon est ici l'argument fondamental : l'hommeintérieur et l'homme extérieur sont en antagonisme perpétuel.

Le fluide nerveux qui se dégage du cerveau, et qu'onappelle vulgairement la volonté, est une force dont le mécanisme n'est pas encore connu, ni le potentiel évalué, nil'utilisation appliquée.

L'onéirocritie, la télépathie, la claire vue, le somnambulisme, la bilocation, les extases, lesapparitions, les possessions diaboliques, les guérisons sont des phénomènes produits par une projection de fluide.C'est ainsi que s'expliquent les miracles par attouchement ou à distance, opérés par Jésus et par ses apôtres.

Endéterminant les rapports qualitatifs et quantitatifs de la pensée avec la volonté, les physiologues arriveront à desrésultats de plus en plus surprenants.

Ils trouveront les moyens d'explorer la zone subtile de la pensée et dusentiment.

Les hommes exercés en viendront à communiquer d'esprit à esprit ; à voir, à lire dans les cerveaux sansrecourir aux sens charnels. En quoi ce perfectionnement organique favorise-t-il les relations de l'homme avec la Divinité ? C'est le but que viseBalzac : « Il s'agit de donner des ailes pour pénétrer dans le sanctuaire où Dieu se cache à nos regards » (LesProscrits).

Le temps est venu « d'établir les religions sur l'être intérieur placé en nous par le Tout-Puissant ».

C'estun instinct, comparable à celui des animaux, mais supérieur par son objet.

Il désigne ce commencement d'intuitionqui simplifie la connaissance et met l'essence individuelle en contact avec les échos du Verbe : pensée ouconscience que Dieu a de lui-même.

« La Parole meut les mondes ».

« Croire, c'est. »

↓↓↓ APERÇU DU DOCUMENT ↓↓↓

Liens utiles