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LE SIGNE SUPPLÉE LE VERBE: une société de l’image.

Publié le 04/11/2016

Extrait du document

Hier, on expliquait à l'individu le sens du geste qui était requis de lui; l’avis, la pancarte l’énonçaient intelligemment; il s’y résolvait parce qu’il le comprenait. Aujourd’hui, on l’entraîne à répondre par un geste rapide et escompté à une sensation convenue.

 

Il n’y a pas si longtemps qu’à l’entrée de chaque village, l’automobiliste pouvait encore apprendre en vertu de quel arrêté municipal il était prescrit de ne point dépasser une vitesse déterminée, et d’ailleurs modeste! Ailleurs, le silence était sollicité et le motif — un hôpital, une clinique — en était expliqué. Depuis, le Code de la Route n’a plus voulu connaître et faire connaître que des lignes, des silhouettes condensées tenant lieu d’injonctions : un S dressé comme un serpent? Le tournant est proche! Deux ombres chinoises simplifiées se tenant par la main? Attention à l’école!

 

Le signe fait balle sur la rétine. A coup sûr, cette carcasse fracassée et incendiée d’automobile qu’aux États-Unis on a parfois eu l’idée de hisser sur un socle de ciment, au bord des routes où l’excès de vitesse est courant, entraîne la pression du pied sur le frein bien plus sûrement qu’un long discours, plus rapidement même que la tête de mort par quoi ailleurs le danger est notifié. Encore y a-t-il là évocation intelligible!

 

Notre vie s’organise autour de sensations élémentaires, sonnerie, feu rouge ou vert, barre sur un disque coloré, etc., qui, par un incroyable dressage, commandent des actes appropriés.

 

Domaine de la rue, collectif par destination, dira-t-on. Qu’à cela ne tienne! Franchissons le mur de la vie privée, de la vie la plus privée, celui du cabinet de toilette. Il n’y a pas si longtemps que le confort « victorien » prévoyait deux robinets, où se lisaient les mots « chaud » et« froid », correspondant à une idée fort indigente, mais enfin à une idée. L’homme pressé entend en faire l’économie. C’est alors que le mot devient signe, en s’abrégeant : deux lettres C et F suffisent. Cet appel même modéré aux facultés raisonnantes était sans doute encore excessif, car, depuis quelques années, deux taches, une rouge et une bleue, l’ont supplanté. Leur compréhension ne passe plus par les mêmes voies; elle emprunte désormais celles de la sensation : le rouge, lié à l’apparence du feu, du métal en fusion, est couleur chaude; le bleu est couleur froide, celle de l’eau, de la glace. Ces indicatifs n’ont que faire de la pensée : un audacieux court-circuit leur permet de ne plus l’emprunter et d’établir une connexion directe entre la sensation perçue et l’action conséquente.

 

Les mots, les mots tout-puissants de la civilisation du livre cèdent

René Huygue, Dialogue avec le visible.

 

Dans une première partie, vous condenserez ce texte soit sous la forme d'un résumé qui en donne une image directe en suivant le fil du développement, soit sous la forme d'une analyse qui en dégage la structure logique.

 

Pour la seconde partie, vous choisirez dans ce texte un problème auquel vous attachez un intérêt particulier, vous en préciserez les données et exposerez, en les justifiant, vos propres vues sur la question.

De 1 ’image décorative à 1 ’image pédagogique, il y a le passage de la gratuité à la nécessité. En effet, le rapport du texte et de 1 ’image permet de saisir 1 ’évolution générale de la culture :

 

à l’origine, le texte est nu, pour des raisons techniques (si l’on sait faire les caractères on ne sait pas encore faire les gravures imprimées) et donc financières (le coût de l’illustration est cher) ;

 

progressivement, les gravures viennent accompagner les textes sans ajouter d’idée particulière : le dessin est alors redondant;

 

puis le texte et l’image cohabitent à égalité : c’est l’époque des premières bandes dessinées (fin du :XIXe siècle);

« au vertige général : ils abdiq uent, ils se recr oque villent, ils passent à l'ennemi.

On pourrait suivre à traver s l'Hi stoir e cette contract ion pr ogr essiv e de la pensée, reine jadis de cette civilisati on du livre qui décline aujourd'hui : la phr ase du XVII" siècle est longue , à périodes; c'est l'époq ue du développement, de la disser tation, où la pen sée vise sans cesse à s'ampli fier par la forme qui l'expr ime, jusqu'à atteind re· parfois une certaine redon dance.

Le XVI II• sièc le, au contr aire, sci nde, abrège, about it à la phr ase « volt airienne », où se forgent la langue moderne et sa concisi on.

Mais il ap par tenait au XX• siècle de créer la compr ession artificie lle du texte dans ces revues spéci alisées que sont les « digest s », où les originaux sont livr és à des équipes non plus de rédacte urs, ma is de réduc teurs.

Depui s, la grande presse a rép andu l'usage des « pic tures », où l'adjonction d'images permet de ne garder que que lques phrases ramené es à leur plus simple expr ession, procédé ju sque -là réser vé aux journaux d'enfants.

L'exposé de la pensée, parallèlement, perd ses .caractères discu r­ sif s pour prod uir e des effets plus soudai ns, plus proches de la sen sati on; fuyant la glo se, il vise davantage au concen tré pour par­ ven ir à cette forme moderne, le slogan, où la notion inclus e, à fo rce de se ramasser , en arrive à im iter l'effet d'un choc sensor iel et son automa tisme.

La phrase glisse au heur t visuel.

Stéréotypée , elle ne demande plus à être compr ise, mais seulement reconnue.

Re né Huygue, Dialog ue avec le visible.

Dans une premièr e par tie, vous conden serez ce texte soit sous la forme d'un résumé qui en donne une image directe en suiva nt le fil du développement, soit sous la forme d'une analyse qui en dégage la structu re logi que.

Pour la seco nde partie, vous choisirez dans ce texte un prob lème auquel vous attachez un intérêt parti culier, vous en préciserez les don nées et exposer ez, en les justifiant, vos propr es vues sur la que stion.

1.

Texte assez long, à l'expression volontiers lapi­ daire : « le signe fait balle sur la rétine », « la phrase glisse au heurt visuel ».

Texte qui mêle intimement la réflexion théorique et les exemples développés complai­ samment.

On aura donc intérêt à choisir l'analyse en partant de l'id ée centrale (indiquée par le titre) que le texte définit par l'effacement progressif de l'explicite, pour réin sérer les exemples (réduits à leur expression la plus simple) dans la dialectique de l'auteur.

2.

Beaucoup de sujets, dont certains sont des trompe­ ! 'œil (les codes) et dont d'autres son t trop complexes pour po uvoir être abordés ici (1 'évolution linguistique et ses 12. »

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