Le système des couples dans Une partie de Campagne (Maupassant et Renoir)

et les femmes entre elles. Dans la nouvelle, si les phases de la décomposition sont moins développées, le point d'aboutissement est à peu près semblable.

M. Dufour et Anatole ; Mme Dufour et Henriette

Deux sous-ensembles divergents vont ainsi résulter d'une première dislocation du bloc Dufour. Le premier réunit le quincaillier et son commis dont les grosses têtes hébétées, surprises par la soudaine colère de Mme Dufour, sont cadrées dans le même plan*. Les deux hommes, également laids en ce moment de rupture, sont ainsi brutalement expulsés de l'espace féminin. Plus tard, ils se retireront au bord de l'eau pour former un duo de pêcheurs ridicules et de mâles bafoués. Renoir reprend ici la situation de Maupassant. Le second sous-ensemble, lui, est propre au film. Il réaffirme, également dans une série de gros plans* associatifs, la solidarité de la mère et de la fille. La grasse Mme Dufour, à la limite de la crise de nerfs, ne trouve de soulagement à son ardeur inassouvie qu'en se retournant vers sa fille. Très significativement d'ailleurs, c'est ce que son mari n'a pas compris qu'elle désirait qu'il fît qu'elle demande à Henriette : lui dégrafer sa robe.

Un certain processus de régression, et même de régression désexualisante, de la famille Dufour est donc en marche, et la grand-mère elle-même, qui s'était légèrement assoupie, voit son chat, partenaire de substitution, lui échapper.

LES COUPLES DANS LA PASSION

Après la décomposition vient la recomposition. C'est en effet l'échec du rapprochement charnel entre les époux qui va précipiter, et comme autoriser, les nouvelles associations. Aussi bien dans la nouvelle que dans le film, deux couples nouveaux vont sortir de cette déflagration, produisant deux images complémentaires de l'amour.

réveille, il bâille, il commande. Henriette accourt, lui enfile sa veste comme ferait une domestique. Et. comme pour matérialiser la liaison agressive de ce couple révoltant sinon inattendu, Anatole saisit vigoureusement sa femme à la taille et la maintient tout près de lui, geste donnant l'image d'une épouse plus crochetée qu'enlacée. Henri est spectateur de cette sorte d'imposture. Il a bien échangé quelques mots avec Henriette, mais les deux amants resteront désormais cadrés dans des plans* séparés. Le couple le plus authentique du film est dans l'impossibilité de se reformer.

Notons que Renoir, en dotant Anatole d'une pointe d'agressivité, est plus mélodramatique que Maupassant. Chez ce dernier, le garçon aux cheveux jaunes reste un benêt, mais un benêt sans méchanceté. « Allons ma bonne », dit-il simplement à sa femme, « je crois qu'il est temps de nous en aller ». Le cinéaste a préféré ajouter le pincement de la laideur sûre d'elle-même à cette fin tout en médiocrité.