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Le temps de vivre - Boris VIAN

Publié le 17/01/2022

Extrait du document

Il a dévalé la colline
Ses pieds faisaient rouler des pierres
Là-haut entre les quatre murs
La sirène chantait sans joie

Il respirait l’odeur des arbres
Avec son corps comme une forge
La lumière l’accompagnait
Et lui faisait danser son ombre

Pourvu qu’ils me laissent le temps
Il sautait a travers les herbes
Il a cueilli deux feuilles jaunes
Gorgées de sève et de soleil

Les canons d’acier bleu crachaient
Des courtes flammes de feu sec
Pourvu qu’ils me laissent le temps
Il est arrivé près de l’eau

Il y a plongé son visage
Il riait de joie il a bu
Pourvu qu’ils me laissent le temps
Il s’est relevé pour sauter

Pourvu qu’ils me laissent le temps
Une abeille de cuivre chaud
L’a foudroyé sur l’autre rive
Le sang et l’eau se sont mêlés

Il avait eu le temps de voir
Le temps de boire à ce ruisseau
Le temps de porter à sa bouche
Deux feuilles gorgées de soleil

Le temps de rire aux assassins
Le temps d’atteindre l’autre rive
Le temps de courir vers la femme
Il avait eu le temps de vivre

Boris VIAN

Vous ferez un commentaire composé de ce texte en montrant, en particulier, par quels moyens Boris Vian a donné à son poème une tension dramatique.

Introduction

Connu pour ses opinions antimilitaristes, Boris Vian exprime son horreur de la guerre dans un poème où se mêlent la joie et la mort, où le héros fait un pied de nez au destin.

  1. La tension dramatique

    La tension dramatique du poème naît de son rythme. Les deux premières strophes, pleines et presque sereines, forment comme l'introduction au pas de promenade d'une danse qui s'accélère de la troisième strophe à la sixième après laquelle le rythme retombe. Les deux dernières strophes reprennent calmement l'histoire pour en dégager la signification.

« le lecteur lui-même se trouve en état de tension grâce à l'anonymat des protagonistes : « Il », « Ils ».Cherchant à identifier ces personnages, il est suspendu au fil du récit qui doit lui livrer la clé du mystère. Tous ces procédés confèrent au poème une atmosphère dramatique qui se maintient, bien qu'à un moindredegré, dans les deux dernières strophes, alors qu'apparemment tout est dit.

Là encore la répétition du groupe« le temps de » joue un rôle essentiel, cette fois sur un plan plus abstrait : on sait déjà ce qui est advenu auhéros, mais on attend jusqu'au bout l'explication du titre, quelque peu paradoxal : « Le temps de vivre », L'exaltation de la vie 2. Cette vie exaltée par Boris Vian, de quoi est-elle nourrie? De jouissances et d'actions, le plus souvent étroitementmêlées.

La nature lui offre les objets de son désir, qui font participer tous les domaines sensoriels sans préférence nihiérarchie : « odeur des arbres », « deux feuilles jaunes », « a plongé son visage », « a bu ».

Seules les sonorités sont porteuses d'un message redouté.

Les« feuilles jaunes » et le « soleil » donnent à l'ensemble du paysage sa coloration chaude.

La joie ressentie par lehéros est partagée par la nature : « La lumière l'accompagnait Et lui faisait danser son ombre...

» « Gorgées de sève et de soleil ». Elle participe de la même intensité de vie que celle de l'homme.

Lui-même ne reste pas passif dans sa jouissance, illa cherche et la développe : « Il respirait de tout son corps ».

Sa rapidité ne vient pas seulement de son désir defuite, elle exprime aussi sa volonté d'agir en utilisant son corps à fond.

Son appétit de choses simples de la vieéclate dans ses gestes : « Il a cueilli »... « Il y a plongé son visage Il riait de joie, il a bu »... Sang et eau représentent deux éléments essentiels à la vie, et s'ils se mêlent ici, c'est symboliquement.

Car un telgoût de vivre ne peut être vaincu même par la guerre. L'ennemi n'est pas ici une nation mais la guerre elle-même et son visage est caractérisé en quelques éléments trèssimples : « Les quatre murs » qui évoquent la captivité, des bruits pénibles qui le poursuivent : « La sirène chantaitsans joie »; des crépitements éclatent dans les deux vers grâce aux allitérations : « Les canons...

feu sec ».

Lamort a un visage de traître qui se dissimule pour frapper plus sûrement. Toute l'action du poème prend donc l'aspect d'une course contre la mort : dans l'espace et dans le temps.L'accélération du rythme n'indique pas seulement la rapidité de l'action, mais l'intensité de plus en plus forte de lajouissance.

Le temps joue contre le héros; il essaye d'en gagner le plus possible, non pas dans l'espoir d'éviter lamort, mais pour goûter la vie avec tant d'appétit que la force de son désir efface son spectre.

Pas de cadavre dansce poème.

Le grand rire innocent est le plus insolent qui soit, tout plein d'un mépris authentique : les deux dernièresstrophes ne forment pas un éloge funèbre mais l'affirmation du triomphe de la vie.

« Qui perd gagne », le jeu donneraison à celui qui ne s'économise pas, qui au contraire dépense toute sa vitalité. Conclusion Un poème joyeux à partir d'une mort; il ne s'agit pourtant pas d'un affront.

Boris Vian ne ricane pas, il fait uneprofession de foi sur un double plan : lui-même se sait destiné à mourir jeune et choisit, non pas de durer le pluslongtemps possible en se ménageant, mais de vivre à fond; il dépasse ces considérations individuelles en faisant deson héros, « Il », le symbole du refus des jeux macabres organisés par la société : « Ils ».. »

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